(Ottawa) Les défenseurs de l’accès à l’avortement sont impatients de voir comment le prochain gouvernement fédéral de Justin Trudeau traduira en actes les promesses formulées par les libéraux à ce sujet.

« C’est bien d’avoir au moins obtenu le soutien du gouvernement fédéral en parole, mais celle-ci ne signifie pas grand-chose en ce qui concerne la vie des gens, constate Olivier Hébert, un militant des droits des LGBTQ fortement impliqué dans les efforts visant à sauver la clinique 554, un cabinet de médecine familiale de Fredericton qui risque de fermer ses portes, faute de financement provincial. La clinique offre des avortements par ses services.

La clinique a fait la manchette le mois dernier lorsque M. Trudeau a rappelé au premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, que la province avait l’obligation de financer les avortements survenant à l’extérieur des hôpitaux en vertu de la Loi fédérale sur la santé.

La clinique, qui dessert également la communauté LGBTQ, est en vente en raison des difficultés financières découlant du refus du gouvernement provincial d’étendre le financement afin d’inclure les procédures d’avortement dans les centres médicaux privés. Cette position était défendue par l’actuel gouvernement progressiste-conservateur et le son prédécesseur libéral.

« Un gouvernement libéral défendra toujours les droits des femmes, même lorsqu’ils seront contestés par les premiers ministres conservateurs », avait tonné M. Trudeau, le 15 octobre à Fredericton.

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Justin Trudeau à Fredericton lors de la dernière en campagne électorale

La question de l’avortement a joué un rôle de premier plan au cours de la récente campagne électorale fédérale. Aujourd’hui, les militants pro-choix attendent de voir si les libéraux respecteront leur engagement.

Sarah Kennell, directrice des relations gouvernementales au sein du groupe Action Canada pour la santé et les droits sexuels, aurait souhaité que M. Trudeau soulève la question lors de ses rencontres individuelles avec les chefs des autres partis fédéraux, la semaine dernière.

Elle espère que la lettre de mandat du prochain ministre fédéral de la Santé comprendra un engagement clair pour résoudre rapidement le problème du manque d’accès à l’avortement. « La fermeture de la clinique est imminente. Une action rapide est maintenant nécessaire. »

La chef démissionnaire du Parti vert, Elizabeth May, a évoqué vendredi la question au cours de sa rencontre avec M. Trudeau.

« L’accès à l’avortement est sur le point d’être fermé. Nous avons désespérément besoin d’une aide du gouvernement fédéral », a-t-elle dit à M. Trudeau avant le début de la rencontre.

Mme May se disait encouragée au terme de la rencontre.

« Je suis très heureux qu’il existe un terrain d’entente pour prévenir la perte des services d’avortement au Nouveau-Brunswick. La clinique 554 est sur le point de fermer ses portes. Je suis ravie que [M. Trudeau] soit aussi préoccupé par cette situation et souhaite prendre des mesures dans le cadre de la Loi fédérale sur la santé pour garantir l’accès à l’avortement au Nouveau-Brunswick. Je ne suis pas tout à fait certaine de ce qu’il va faire. Il s’agit d’une situation urgente. »

Un porte-parole de M. Trudeau, Matthew Pascuzzo, dit qu’il est encore trop tôt pour commenter le contenu des lettres de mandat qui seront remises aux futurs ministres ou le discours du Trône.

La question pourrait être à l’ordre du jour d’une éventuelle rencontre entre M. Trudeau et M. Higgs, laisse-t-il entendre.

« Comme l’a déclaré le premier ministre [Trudeau], nous veillerons à ce que le gouvernement du Nouveau-Brunswick autorise les cliniques offrant des services gratuits d’avortement en dehors des hôpitaux. Le premier ministre est impatient de rencontrer tous les premiers ministres provinciaux, y compris M. Higgs, afin qu’on puisse travailler ensemble à faire progresser le pays. »

Le cabinet de M. Higgs n’a pas répondu à La Presse canadienne. Le mois dernier, le premier ministre du Nouveau-Brunswick avait accusé M. Trudeau de faire de la politique sur la question de l’avortement. Il avait rappelé que la réglementation provinciale limitant le financement aux services d’avortement aux hôpitaux existait déjà sous le gouvernement libéral précédent de Brian Gallamt.

Les défenseurs du droit à l’avortement ne sont pas les seuls à s’intéresser à la façon dont le gouvernement fédéral s’occupera de la question.

La Campaign Life Coalition, un groupe s’opposant à l’avortement, s’inquiétait au début du mois que le gouvernement fédéral cherche à élargir l’accès aux services d’avortement au Canada et même à l’extérieur du pays.

« Nous craignons que M. Trudeau coopère avec le NPD, les verts et le Bloc québécois pour libéraliser davantage l’euthanasie, le régime légal de la drogue, et promouvoir l’avortement dans tout le pays et à l’étranger », pouvait-on lire dans son bulletin mensuel.

Le groupe n’a pas répondu à la demande d’entrevue formulée par La Presse canadienne.

Le cas albertain

M. Trudeau pourrait aussi être appelé à la rescousse du droit à l’avortement en Alberta.

Le député conservateur Dan Williams a présenté un projet de loi à l’Assemblée législative un projet de loi visant à réaffirmer la liberté de conscience et de religion des médecins et autres professionnels de la santé. Il défend sa mesure législative en mentionnant que la Cour d’appel de l’Ontario avait confirmé une décision d’un tribunal inférieur permettant aux médecins s’opposant à l’avortement ou à l’aide médicale à mourir de recommander leurs patients à un collègue.

Qu’en pense le gouvernement libéral ?

« Notre gouvernement a clairement indiqué que les femmes ont le droit d’accéder aux services de procréation. Nous utiliserons toutes les options disponibles pour défendre le droit de choisir des femmes, y compris celles qui existent en vertu de la Loi canadienne sur la santé », a fait savoir M. Pascuzzo.