À quelques semaines du déclenchement des élections fédérales, le Parti conservateur d’Andrew Scheer a déjà confirmé la quasi-totalité de ses candidats dans la province. Ce qui est loin d’être le cas chez les libéraux de Justin Trudeau.

« On est bien positionnés »

PHOTO DARREN CALABRESE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

À un mois et des poussières du déclenchement des élections générales au pays, le Parti conservateur a déjà recruté la presque totalité de ses candidats au Québec. 

Le Parti conservateur, qui se targue depuis des mois de « s’être pris d’avance » sur le terrain, est largement devant la formation de Justin Trudeau avec 72 candidats investis contre 53 sur les 78 postes à pourvoir dans la province.

Le Nouveau Parti démocratique (NDP) tire de l’arrière avec 19 candidats nommés. Le Bloc québécois fait mieux avec 36 aspirants confirmés, tandis que le Parti vert du Canada bat ses propres records avec 50 nominations. C’est cependant le jeune Parti populaire du Canada de Maxime Bernier qui est le meneur avec 75 candidats confirmés.

L’écart qui sépare le nombre de candidatures entre le Parti conservateur et le Parti libéral, à quelques semaines d’élections à date fixe, n’est pas le fruit du hasard ou d’une stratégie, estime la professeure associée au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’Université du Québec à Montréal, Danielle Pilette.

Qu’on garde quelques comtés pour des vedettes [annoncées en fin de campagne] peut-être, mais pas pour expliquer une différence de 19, 20 candidats entre les conservateurs et le Parti libéral.

Danielle Pilette, professeure à l’UQAM

« Pour les libéraux, on vient de passer une très mauvaise période avec SNC-Lavalin ou l’histoire du pipeline [Trans Mountain] et ils n’avaient pas de très bons sondages non plus », dit-elle. « Là, on va plutôt faire du rattrapage et ça se peut que ça fonctionne parce que les élections des dernières années nous ont bien démontré la volatilité de l’électorat. »

Ce n’est pas l’avis du Parti libéral, qui assure que « le bassin de candidats potentiels n’a jamais été aussi vaste » et que « des dizaines » d’investitures sont prévues au cours des prochaines semaines. « De grands efforts ont été consacrés à la croissance du mouvement libéral au Québec depuis la dernière élection », indique le stratège William Harvey-Blouin.

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Le Parti libéral de Justin Trudeau a 53 candidats investis en vue des prochaines élections fédérales. 

Le recrutement va bien, assure pour sa part la coprésidente de campagne, la ministre Diane Lebouthillier. « Je dirais que ça cogne plus à la porte [qu’en 2015], les gens ont vraiment un intérêt. Nous avons 204 000 Canadiens qui se sont inscrits comme nouveaux libéraux depuis », explique la députée de Gaspésie–Les Îles-de-la-Madeleine.

Quatre candidats doivent s’ajouter à la liste des libéraux au Québec d’ici 10 jours.

« On voulait se prendre d’avance »

Sans surprise, l’enthousiasme est grand dans les rangs conservateurs à l’aube du scrutin général du 21 octobre prochain. « On pense qu’on est bien positionnés », lance le lieutenant politique pour le Québec, Alain Rayes. « La stratégie était simple : on voulait se prendre d’avance, ce qui nous a permis d’arriver au résultat qu’on a maintenant », dit-il.

On ne voulait aucun candidat “poteau”. On a fait le choix de donner la même importance à toutes les circonscriptions au Québec et non seulement à celles qui sont prenables. On veut démontrer que le Parti conservateur peut gagner partout.

Alain Rayes, député conservateur de Richmond–Arthabaska

Il ne cache pas que sa formation politique a gardé sa « recette » appliquée lors de l’élection partielle dans Chicoutimi–Le Fjord, remportée haut la main par l’ex-entraîneur de la Ligue de hockey junior majeur du Québec Richard Martel, en juin 2018.

« On tente toujours de trouver la personne la plus connue de son milieu, qui a la plus grande crédibilité dans la région », indique M. Rayes, qui précise que l’organisation conservatrice planche activement sur son recrutement depuis une année et demie.

Des six candidatures qui restent à annoncer pour les conservateurs, trois le seront « sous peu », et dans le cas des trois autres, les processus d’investiture sont en cours.

« Le Parti conservateur est un parti qui, on le voit bien, va chercher ses candidats dans la base, l’organisation territoriale traditionnelle du Québec, qui est beaucoup en référence aux régions et aux municipalités », observe Danielle Pilette, citant les exemples de l’ex-maire de Trois-Rivières et du maire de Montréal-Est, tous deux candidats.

Le NPD, confiant

Même s’il tire de l’arrière en ce moment, le NPD a toujours bon espoir de présenter des candidats dans chacune des circonscriptions québécoises. « C’est certain que si l’on se compare au Parti conservateur ou au Parti libéral, on va avoir l’air en retard », admet le député de Rosemont–La Petite-Patrie, Alexandre Boulerice.

« C’est parce que nous avons un processus démocratique [d’investiture] plus long que les autres formations », plaide-t-il. « C’est toujours plus long pour nous. C’était le cas en 2011, en 2015. » Une bonne trentaine d’assemblées d’investiture doivent avoir lieu au cours du mois d’août, souligne M. Boulerice. « On sait que ça va débouler à la dernière minute. »

Des 19 candidats investis au NPD, 10 sont des députés sortants.

Remontée du Bloc

Le Bloc québécois se réjouit pour sa part d’avoir recruté à ce jour 36 candidats, alors que beaucoup prédisaient la fin de la formation après les élections de 2015 et la controverse entourant le départ de l’ex-chef Martine Ouellet. « Les gens l’oublient vite, mais on est arrivés dans une situation dramatique pour le parti », rappelle Yves-François Blanchet.

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Yves-François Blanchet, chef du Bloc Québécois

Je ne m’attendais pas à travailler sur les candidatures avant le mois d’avril, sauf que j’y ai été obligé dès février parce que les gens se manifestaient.

Yves-François Blanchet, qui a été nommé chef du Bloc québécois en janvier dernier

Il tentera par ailleurs de remporter son siège à la Chambre des communes en briguant les suffrages dans Belœil–Chambly.

« C’est la partie de l’opération qui me touche le plus, d’avoir réussi à susciter l’intérêt de ces gens-là, compte tenu d’où on partait », confie M. Blanchet, qui se dit heureux de « la diversité et [de] la crédibilité » de ses recrues, pour la plupart de jeunes professionnels. Les 10 députés actuels du Bloc québécois sont tous sur les rangs pour une réélection.

Engouement pour les Verts

Alors que la chef du Parti vert du Canada, Elizabeth May, rêve à voix haute d’une « vague verte » au pays au prochain scrutin, sa formation a de quoi se réjouir avec déjà 50 candidats confirmés au Québec. « C’est la première élection où l’on a autant de demandes de candidature et autant de candidats investis à cette période […]. C’est aussi la première fois que l’on a des courses à l’investiture », a indiqué le directeur de la campagne dans la province, Robin Marty. La formation, qui doit investir sa 51e candidate aujourd’hui, prévoit compter une « soixantaine » de recrues d’ici deux semaines.

La popularité des verts n’est pas étrangère aux préoccupations environnementales grandissantes au sein de la population et à la crédibilité qu’a gagnée le parti politique au fil des années, croit M. Marty. Le Parti vert a fait élire un deuxième député à la Chambre des communes au printemps dernier et fait d’importants gains sur la scène provinciale.

Recrutement rapide au PPC

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Parti populaire du Canada a fait le plein de candidats à une vitesse fulgurante. Moins d’un an après sa fondation, la formation de Maxime Bernier, qu’il a lancée après avoir claqué la porte du Parti conservateur en septembre 2018, a recruté des candidats dans 307 circonscriptions du pays, dont 75 jusqu’à présent au Québec. « Nous avons fait un appel à nos membres [pour les candidatures] qu’en mars dernier », souligne le porte-parole du parti, Martin Masse.

« Nos candidats sont vraiment motivés par nos idées et par le fait de faire de la politique autrement. Ils ont aussi une plus grande liberté de parole [que dans les partis plus traditionnels] », ajoute-t-il. M. Masse assure par ailleurs qu’aucun candidat n’a été « parachuté » pour combler des places rapidement partout en province.

Vers la parité hommes-femmes ?

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Diane Lebouthillier, coprésidente de la campagne du Parti libéral du Canada

Les formations politiques ne s’en cachent pas : il est encore difficile de convaincre les femmes de faire le saut dans l’arène politique. Reste que les partis fédéraux – à l’exception du Parti populaire du Canada – multiplient les efforts pour atteindre la parité hommes-femmes chez leurs candidats pour les élections d’octobre.

Pour l’heure, au Québec, c’est le Nouveau Parti démocratique (NPD) qui fait le mieux. Des 19 candidats investis, 12 sont des femmes. « C’est très important pour nous », souligne le député québécois Alexandre Boulerice, admettant que la tâche est cependant ardue.

« C’était difficile en 2011, en 2015, et cela l’est encore en 2019. Sauf qu’en ce moment, avec Jagmeet Singh comme chef, on attire un autre genre de candidatures qu’à l’époque de Thomas Mulcair. On a plus de gens qui viennent du communautaire, des jeunes, des personnes racisées qui se reconnaissent peut-être plus dans ce nouveau leadership », dit-il.

Le Parti libéral estime pour sa part que parmi « tous les nouveaux candidats investis ou qui le seront sous peu dans les circonscriptions orphelines au Québec », plus de 52 % seront des femmes.

« On a encore du travail à faire », souligne la coprésidente de la campagne libérale, Diane Lebouthillier, qui affirme se faire un devoir de sensibiliser ses camarades de la gent féminine sur le terrain.

Avec l’expérience d’avoir élevé une famille ou de vivre en région, ça devient rassurant quand je parle avec elles, parce qu’elles ont toujours ce dilemme de choisir la vie familiale ou la vie politique.

Diane Lebouthillier

« Elles peuvent me poser les questions plus humaines », ajoute la députée de Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine.

Souvent taxé d’être une formation d’« hommes à cravate », le Parti conservateur tenait à recruter davantage de femmes en prévision du scrutin de 2019. « On avait 11,5 % de femmes en 2015 au Québec, soit 9 femmes sur 78 candidats », se rappelle le député Alain Rayes. « Maintenant, je peux vous dire qu’on a dépassé les 40 %. »

« Je vous le confirme : c’est un travail de plus, mais qui vaut la peine d’être fait », ajoute-t-il. Les conservateurs disent avoir « fait un travail supplémentaire » pour sortir de leurs cercles traditionnels afin de recruter des candidates.

Le Bloc québécois compte 15 femmes parmi ses 36 recrues. Le chef Yves-François Blanchet confirme que la formation devrait à la fin de l’exercice « être clairement dans la zone de parité ». Chez les verts, 20 femmes figurent au nombre des 50 candidats confirmés.

Seul le Parti populaire du Canada affirme « ne pas avoir visé » un nombre de postes à pourvoir « sur la base des minorités ». Des 75 candidats sélectionnés, une douzaine sont des femmes, selon son site internet.

Parlons financement…

Les chiffres publiés mercredi par Élections Canada révèlent que le Parti conservateur a recueilli un peu plus de 8,5 millions auprès d’environ 53 000 donateurs au deuxième trimestre de cette année. Le parti affirme qu’il bat ainsi son précédent record pour un deuxième trimestre, établi en 2011.

Les libéraux, quant à eux, affirment que les 5 millions amassés d’avril à juin ont été recueillis auprès d’un peu plus de 41 500 donateurs. Le Parti libéral se targue d’un record pour un deuxième trimestre au chapitre du nombre de donateurs.

Pendant ce temps, les verts ont battu les néo-démocrates en ce qui concerne le total des dons au deuxième trimestre. Les verts ont recueilli près de 1,44 million auprès d’environ 14 600 donateurs et le Nouveau Parti démocratique (NPD), un peu plus de 1,43 million auprès d’environ 14 900 donateurs. Le Bloc québécois a récolté 514 016 $ auprès de 4643 donateurs. — La Presse canadienne

De nouvelles candidatures à suivre

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Les prochaines élections fédérales auront lieu le 21 octobre. 

Outre les députés fédéraux qui défendront leur siège en octobre prochain, des personnalités bien connues des Québécois tenteront elles aussi d’être élues à Ottawa. En voici six. 

Parti libéral du Canada : Steven Guilbeault (Laurier–Sainte-Marie)

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Steven Guilbeault

Après des mois de réflexion, l’écologiste Steven Guilbeault a mis fin au suspense entourant son éventuel saut chez les libéraux fédéraux en confirmant, en juin dernier, qu’il briguerait les suffrages dans la circonscription de Laurier–Saint-Marie, où la néo-démocrate Hélène Laverdière ne se représente pas. Après avoir été largement critiqué pour le rachat de l’oléoduc Trans Mountain, le gouvernement de Justin Trudeau se réjouit sans nul doute de sa prise, qui redonne aux libéraux une crédibilité certaine sur le plan environnemental. Même s’il s’oppose à la décision du gouvernement d’autoriser le prolongement de l’oléoduc, M. Guilbeault affirme se « rallier à l’ensemble de l’œuvre » libérale.

Parti conservateur : Annie Trudel (Terrebonne)

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Annie Trudel

Si le Parti conservateur est réputé pour compter parmi ses candidats de nombreuses personnalités issues du monde municipal et du milieu sportif, il peut maintenant se targuer d’avoir recruté la lanceuse d’alerte Annie Trudel. Celle qui a notamment œuvré au sein de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) et témoigné devant la commission Charbonneau défendra la bannière conservatrice dans Terrebonne. Elle a déjà indiqué qu’elle souhaitait contribuer à instaurer de meilleures pratiques de gestion et de gouvernance à tous les ordres de gouvernement.

Nouveau Parti démocratique : Nima Machouf (Laurier–Sainte-Marie)

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Nima Machouf en compagnie du chef du NPD, Jagmeet Singh

La lutte risque d’être intéressante dans Laurier–Sainte-Marie, circonscription laissée vacante par la néo-démocrate Hélène Laverdière, qu’elle occupait depuis 2011. C’est Nima Machouf, la conjointe d’Amir Khadir, qui tentera de conserver la circonscription montréalaise sous la bannière du NPD. Épidémiologiste de carrière, elle croisera notamment le fer avec Steven Guilbeault. Nima Machouf a milité pendant des années au sein de Québec solidaire, aux côtés d’Amir Khadir. Lors de l’annonce de sa candidature, en mars dernier, la principale intéressée a affirmé ne pas être souverainiste « tant que ça ».

Bloc québécois : Stéphane Bergeron (Montarville)

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Stéphane Bergeron

Sa candidature n’est pas encore confirmée, car il doit d’abord briguer l’investiture – il est toujours le seul en lice –, mais déjà, le nom de Stéphane Bergeron, ex-député du Parti québécois, fait jaser. Celui qui a été ministre de la Sécurité publique sous le gouvernement de Pauline Marois de 2012 à 2014 tente le saut en politique fédérale sous la bannière bloquiste dans Montarville. M. Bergeron a d’ailleurs occupé un siège aux Communes pour le Bloc québécois de 1993 à 2005. L’investiture doit avoir lieu le 4 septembre prochain.

Parti vert du Canada : Daniel Green (Outremont)

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Daniel Green

Le militant environnementaliste et chef adjoint du Parti vert du Canada, Daniel Green, briguera à nouveau les suffrages dans la circonscription d’Outremont. Figure connue du mouvement écologiste, il a terminé au troisième rang à l’élection partielle de la circonscription montréalaise en février dernier, avec 12,9 % des voix. La candidate libérale Rachel Bendayan l’a emporté haut la main avec 40,4 % du vote. Alors que le Parti vert jouit d’une popularité accrue, la lutte pourrait être plus serrée au scrutin d’octobre prochain.

Parti populaire du Canada : Ken Pereira (Portneuf–Jacques-Cartier)

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Ken Pereira

Témoin phare de la commission Charbonneau, Ken Pereira saute dans l’arène politique en se faisant le porte-couleurs du Parti populaire du Canada dans Portneuf–Jacques-Cartier. L’ancien syndicaliste s’est fait notamment connaître pour avoir dénoncé les agissements de l’ancien directeur général de la FTQ Construction Jocelyn Dupuis. Depuis, il a publié à certaines reprises des propos controversés sur Twitter, remettant notamment en doute l’urgence de la lutte contre les changements climatiques ou en relayant des articles appuyant des théories du complot.