(Ottawa) Le pouvoir d’obliger des témoins à comparaître et à produire des documents doit faire partie de l’enquête sur l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence, selon l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC) et 14 autres organismes. Le recours historique à cette loi a mis fin à la manifestation de camionneurs qui a paralysé le centre-ville d’Ottawa durant 24 jours l’hiver dernier.

« Nous voulons une véritable enquête publique », a affirmé l’avocate de l’Association canadienne des libertés civiles, Cara Zwibel en entrevue. Elle demande que les libéraux consultent les partis d’opposition pour la nomination des commissaires en seront chargés.

Cette position est appuyée par 14 autres groupes dont Amnistie internationale, la Ligue des droits et libertés, le Conseil national des musulmans canadiens et World Press Freedom.

Il reste moins de deux semaines au gouvernement pour déclencher l’enquête requise par loi. Celui-ci a 60 jours suivant la déclaration d’une situation de crise pour faire la lumière sur les circonstances qui ont mené l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence. Le rapport doit être déposé à la Chambre des communes et au Sénat dans un délai de 360 jours. Il s’agit de l’un des garde-fous inclus dans la loi pour éviter les dérives.

Or, la législation ne donne pas davantage de détails sur la nature de l’enquête. Le gouvernement doit donc s’assurer qu’il brossera le tableau complet des évènements qui l’ont mené à invoquer les mesures d’urgence pour la première fois depuis l’adoption de la loi en 1988.

« C’est dans l’intérêt du gouvernement de faire une enquête publique complète et transparente parce qu’il y a eu une perte de confiance dans la population envers les divers paliers de gouvernement et les institutions gouvernementales à cause de l’invocation de la loi, fait valoir Mme Zwibel. Donc, je crois que le public a le droit de comprendre ce qui s’est passé et les leçons qu’on peut en tirer. »

Le premier ministre Justin Trudeau a annulé le recours à la Loi sur les mesures d’urgence le 23 février, soit moins de 48 heures après que la Chambre des communes l’eut approuvé. Le Sénat, qui était en plein débat, n’a pas eu le temps de passer au vote.

Une vaste opération policière, échelonnée sur trois jours et impliquant près de 2000 agents, avait mis un terme à la manifestation durant le week-end précédent. En tout, 230 personnes ont été arrêtées et près de 120 font face à des accusations.

La chef intérimaire de la police d’Ottawa, Steve Bell, a dit à plusieurs reprises que les pouvoirs extraordinaires conférés par cette loi avaient été utiles pour mettre fin à la manifestation. Elle lui a notamment permis de créer « une zone d’exclusion » au centre-ville pour empêcher l’arrivée de nouveaux manifestants, de geler les avoirs des participants sans contrôle judiciaire et de requérir les services de compagnies de remorquage qui craignaient les représailles.

Les forces policières ont estimé que la manifestation d’Ottawa posait une menace à la sécurité nationale une semaine avant que le gouvernement Trudeau invoque la Loi sur les mesures d’urgence. L’ACLC, qui conteste la décision du gouvernement en cour fédérale, estime plutôt que la preuve d’une réelle menace à la sécurité nationale n’a jamais été faite.

Un comité parlementaire mixte composé de députés et de sénateurs a également été créé pour réviser le recours à cette législation.