(Ottawa) Les forces policières ont estimé que la manifestation d’Ottawa posait une menace à la sécurité nationale une semaine avant que le gouvernement Trudeau invoque la Loi sur les mesures d’urgence. Quatre des accusés arrêtés en lien avec les évènements, dont les organisateurs Patrick King et Tamara Lich, font maintenant face à de nouvelles accusations.

« Nous l’avons identifiée comme une menace à la sécurité nationale par l’entremise de notre bureau provincial du renseignement le ou alentour du 7 février », a affirmé le commissaire de la Police provinciale de l’Ontario (OPP), Thomas Carrique, jeudi.

Il n’a pas expliqué ce qui a amené le corps de police à en arriver à cette conclusion. « Est-ce que c’était relié à l’extrême droite ? », a tenté de savoir le député libéral québécois, Sameer Zuberi.

« Ce n’est pas l’endroit approprié pour discuter en détail du renseignement », a-t-il répondu. Il a ajouté s’appuyer sur les informations amassées par les différents corps policiers lors du « convoi de la liberté » à Ottawa, mais aussi lors des blocages qui ont eu lieu simultanément à Coutts en Alberta, au pont Ambassador à Windsor en Ontario et à Emerson au Manitoba.

Le commissaire Carrique et le chef intérimaire de la police d’Ottawa, Steve Bell, ont témoigné jeudi au comité permanent de la sécurité publique et nationale qui tente de faire la lumière la réponse du gouvernement fédéral à ces évènements.

Le député conservateur albertain, Dane Lloyd, a talonné le chef intérimaire Bell. « Avez-vous trouvé des armes à feu chargées dans les camions durant l’opération pour mettre fin à la manifestation », a-t-il demandé à plusieurs reprises, en s’appuyant sur des informations publiées dans le Toronto Star samedi.

« Aucune accusation concernant des armes à feu n’a été déposée, mais il y a des enquêtes en cours », a-t-il répondu vaguement le haut gradé de la police d’Ottawa.

M. Lloyd s’est emparé de cette réponse pour accuser le journaliste qui a écrit l’article et le ministre Marc Miller qui l’avait publié sur Twitter de répandre de fausses informations.

Steve Bell a pris les commandes de la police d’Ottawa au 19e jour de la manifestation dans la foulée de la démission de Peter Sloly dont la gestion de la crise a été fortement critiquée. Il a dû défendre l’inaction de la police durant les premières semaines de ce qui est rapidement devenu une occupation du centre-ville d’Ottawa.

« L’ampleur de ce qui s’est passé dans nos rues ne correspondait pas à ce que nous nous attendions », a-t-il admis.

La manifestation avait débuté le 28 janvier. Au fil des jours, des centaines de camionneurs d’un peu partout au pays ont stationné leurs poids lourds en plein cœur du centre-ville d’Ottawa, sur la rue Wellington face au parlement et au bureau du premier ministre Justin Trudeau, ainsi que dans les rues avoisinantes.

Au départ, la police municipale s’attendait à ce qu’elle ne dure que quelques jours, mais elle s’est prolongée durant trois semaines.

Nouvelles accusations

Les pouvoirs extraordinaires accordés par la Loi sur les mesures d’urgence étaient nécessaires, selon Steve Bell pour permettre à la police d’intervenir. Cette législation lui a notamment permis de créer « une zone d’exclusion » au centre-ville pour empêcher l’arrivée de nouveaux manifestants, de geler les avoirs des participants sans contrôle judiciaire et de requérir les services de compagnies de remorquage qui craignaient les représailles.

Pour la première fois de son histoire, le gouvernement a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence le 14 février pour mettre fin à la manifestation d’Ottawa ainsi qu’aux blocages des postes frontaliers ailleurs au pays. S’en est suivi une vaste opération policière dans la capitale fédérale, qui s’est étalée sur trois jours, pour déloger les manifestants. En tout, 1800 agents d’un peu partout au pays y ont participé.

La manifestation a pris fin le 20 février et, trois jours plus tard, le gouvernement annulait le recours à la loi avant même que se termine le débat parlementaire sur sa nécessité pour gérer la crise.

Lors de son opération, la police a arrêté 280 personnes qui font face, en tout, à plusieurs centaines de chefs accusations.

Deux des organisateurs, Patrick King et Tyson George Billings, sont toujours derrière les barreaux en attendant leur procès. De nouvelles accusations ont été déposées contre eux jeudi, ce qui porte leur nombre total à dix. Parmi celles-ci, il y a un chef d’accusation d’intimidation qui peut mener à une peine d’emprisonnement de cinq ans, et de méfait sur un bien dont la valeur dépasse 5000 $ qui peut être assorti d’une peine allant jusqu’à dix ans.

Deux autres organisateurs, Tamara Lich et Christopher Barber font également face à de nouvelles accusations, ce qui porte leur nombre total à six, dont celle de méfait sur un bien dont la valeur dépasse 5000 $. Ils sont tous deux en liberté en attendant leur procès.