(Ottawa) Un ancien officier militaire visé en 2021 par des allégations d’inconduite sexuelle poursuit le gouvernement fédéral, les Forces armées et la plaignante, affirmant qu’il a été poursuivi de manière malveillante pour des motifs politiques.

Le lieutenant-général Steven Whelan s’adresse à la Cour fédérale pour réclamer des dommages-intérêts et des excuses publiques.

Dans l’exposé de sa demande, il soutient que l’armée et le ministère de la Défense devraient s’excuser pour « abus de pouvoir, enquête négligente, poursuites malveillantes et implication dans les fuites médiatiques qui ont détruit sa réputation et sa carrière ».

La poursuite vise le chef d’état-major de la défense, le général Wayne Eyre, et son adjointe, la lieutenante-générale Frances Allen, l’ancienne sous-ministre de la Défense Jody Thomas, la lieutenante-générale Jennie Carignan, cheffe de la conduite professionnelle et de la culture de l’armée, le grand prévôt des Forces canadiennes, le directeur des poursuites militaires et le service d’enquête de la Police militaire.

Sa poursuite vise également son accusatrice, parce qu’elle aurait déformé les faits et aurait diffamé l’officier. M. Whelan affirme aussi que le cabinet du premier ministre et le Bureau du Conseil privé ont agi en réponse aux pressions publiques et politiques.

« Des individus aux motivations inappropriées ont influencé le système de justice militaire, les processus de la police militaire et les processus d’administration des carrières. Le chaos qui en résulte reflète une armée qui n’est toujours pas disposée à se libérer d’une influence politique inappropriée », indique l’exposé de la demande en Cour fédérale.

M. Whelan réclame 10 millions pour perte de revenus et perte de jouissance de la vie, ainsi que pour atteinte à sa santé mentale et à sa réputation.

Les allégations contenues dans cet exposé n’ont pas subi l’épreuve des tribunaux.

Pas d’accusation criminelle

M. Whelan avait été visé fin 2021 par une allégation selon laquelle il aurait une relation inappropriée avec une subalterne. Pendant l’enquête, l’officier de haut rang avait été mis en congé de ses fonctions de chef du personnel militaire.

Les militaires l’ont accusé en 2022 de deux chefs de comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline, en vertu de la Loi sur la défense nationale. L’affaire a été portée devant une cour martiale l’automne dernier, mais les procureurs militaires ont finalement abandonné les deux chefs d’accusation.

« Je pense que l’armée, lorsqu’on l’a accusée de ne pas en faire assez dans les cas d’inconduite sexuelle, a réagi de manière excessive », a déclaré en entrevue l’avocat de M. Whelan.

Me Phillip Millar explique que son client avait proposé de démissionner lorsqu’il a appris les allégations qui le visaient. Selon l’exposé de sa demande, le chef d’état-major Eyre lui aurait alors dit que l’allégation n’était pas suffisamment grave pour justifier sa démission. Me Millar croit que le gouvernement ne voulait pas que l’affaire soit rendue publique avant les élections fédérales de septembre 2021.

La plainte a fait l’objet d’un rapport en octobre, après les élections, et selon l’exposé de la demande, M. Whelan croyait que « des membres de sa chaîne de commandement avaient permis la fuite » pendant l’enquête.

Une année 2021 difficile pour l’armée

Tout au long de cette année 2021, les Forces armées étaient plongées dans une énorme controverse, après que plusieurs officiers de haut rang ont été publiquement accusés d’inconduite sexuelle.

Le gouvernement a demandé à l’ancienne juge de la Cour suprême Louise Arbour de mener un examen externe, et elle a recommandé des changements radicaux dans la culture militaire et dans la manière dont l’armée traitait les cas d’inconduite sexuelle.

Certains officiers de haut rang ont été accusés au criminel, dont l’ancien vice-amiral Haydn Edmundson, que M. Whelan a remplacé à la direction du personnel militaire.

M. Edmundson a été accusé d’avoir agressé sexuellement une jeune militaire de la Marine en 1991. Le procès a eu lieu plus tôt cette année et un verdict est attendu en juillet.

Le major-général Dany Fortin a été démis de ses fonctions de grand responsable de la campagne canadienne de déploiement du vaccin contre la COVID-19 en mai 2021, alors qu’il faisait l’objet d’une enquête à la suite d’une allégation pour des faits remontant à 1988, au Collège militaire royal de Saint-Jean.

Accusé d’un chef d’agression sexuelle en août 2021, M. Fortin a été acquitté après un procès en Cour supérieure du Québec. Les Forces armées l’ont blanchi le mois suivant de tout acte répréhensible.

M. Fortin a intenté une poursuite au civil en mars 2023 contre 16 personnes de haut rang, dont le premier ministre Justin Trudeau, le chef d’état-major Eyre et les ministres libéraux qui détenaient les portefeuilles de la Défense et de la Santé lorsque l’accusation a été déposée. Il a conclu un règlement à l’amiable avec le gouvernement en octobre dernier.