Un groupe criminel lié au régime iranien a fait appel à un leader des Hells Angels canadiens pour organiser l’assassinat d’un dissident en exil aux États-Unis, selon une enquête du Federal Bureau of Investigation (FBI) menée avec l’aide de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et des services de renseignement canadiens.

Ce qu’il faut savoir 

Le FBI dit avoir déjoué un complot commandité par Téhéran pour tuer un dissident iranien réfugié aux États-Unis ainsi qu’une femme iranienne qui l’accompagnait.

Selon les autorités, le contrat avait été donné à un membre important des Hells Angels au Canada.

Le Hells Angel est coaccusé avec un autre Canadien ainsi qu’un chef du crime organisé iranien accusé d’avoir fait le lien avec les services de sécurité de son pays.

« Nous avons une équipe de quatre hommes prête », précisait le message crypté envoyé par le Hells Angel Damion Ryan à son interlocuteur en Iran, en ce début de février 2021.

Depuis quelques semaines, le motard canadien échangeait des messages avec des interlocuteurs en Iran. Il était question d’un « job », « d’outils » et d’un pactole de 350 000 $ qui lui serait versé pour éliminer un homme et une femme originaires d’Iran réfugiés au Maryland. Un sous-fifre du motard avait lui aussi échangé avec des motards en proposant de s’arranger pour que la cible reçoive au moins « la moitié du chargeur dans la tête ».

PHOTO FOURNIE PAR LA POLICE DE VANCOUVER

Damion Ryan, membre influent des Hells Angels canadiens

Les messages ont été rendus publics lundi lors d’un dépôt d’accusations de complot pour meurtre contre Ryan et ses complices allégués devant un tribunal fédéral du Minnesota.

Dans un communiqué, le gouvernement américain affirme que le motard avait été recruté par « un réseau d’individus qui ciblait les dissidents iraniens et les militants de l’opposition pour les assassiner à la demande du régime iranien ».

Toujours selon Washington, le réseau est au service du ministère du Renseignement et de la Sécurité de l’Iran, mais il est dirigé par un trafiquant de drogue iranien du nom de Naji Ibrahim Sharifi-Zindashti. Ce dernier aurait mené « plusieurs actes de répression transnationale, incluant des assassinats et des enlèvements dans plusieurs juridictions dans une tentative de réduire au silence ceux qui sont perçus comme critiques du régime iranien ».

« Les forces de sécurité iraniennes protègent Zindashti et son empire criminel, permettant à Zindashti de prospérer dans le marché de la drogue du pays et de vivre une vie de luxe alors que son réseau exporte la répression du régime », poursuit le communiqué. Selon les autorités américaines, le réseau de Zindashti serait lié à des meurtres commis dans plusieurs pays, dont le Canada, les Émirats arabes unis et la Turquie.

  • Selon Washington, Naji Ibrahim Sharifi-Zindashti a commandité des meurtres dans plusieurs pays au nom de Téhéran.

    PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE NAJI IBRAHIM SHARIFI-ZINDASHTI

    Selon Washington, Naji Ibrahim Sharifi-Zindashti a commandité des meurtres dans plusieurs pays au nom de Téhéran.

  • Selon Washington, Naji Ibrahim Sharifi-Zindashti a commandité des meurtres dans plusieurs pays au nom de Téhéran.

    PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE NAJI IBRAHIM SHARIFI-ZINDASHTI

    Selon Washington, Naji Ibrahim Sharifi-Zindashti a commandité des meurtres dans plusieurs pays au nom de Téhéran.

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Membre de haut niveau

Selon l’acte d’accusation américain au Maryland, c’est en 2021 que le réseau de Zindashti a pris contact avec Damion Ryan. Le motard de 43 ans a déjà été décrit par la GRC comme l’un des plus prolifiques membres du crime organisé au Canada.

Ryan est officiellement membre d’une section des Hells Angels en Grèce, mais il s’est retrouvé dans la ligne de mire des services policiers en Colombie-Britannique, au Manitoba et à Ottawa. Il est présentement détenu à la suite de son arrestation pour un dossier de trafic de drogue et d’armes. Selon une entrevue de la GRC avec le quotidien Winnipeg Free Press en 2022, Ryan est aussi membre du Wolfpack, une alliance de membres de différentes organisations criminelles du « plus haut niveau » qui collaborent dans la distribution de drogue à travers le Canada.

PHOTO FOURNIE PAR LA GRC

Matériel saisi lors d’une enquête ciblant Damion Ryan en 2023

En 2021, la police de Vancouver avait diffusé la photo de Ryan en précisant qu’il était impliqué dans un conflit avec d’autres groupes criminels et représentait un danger pour le public.

Selon l’acte d’accusation américain, le FBI dit avoir appris qu’un associé des Hells Angels de l’ouest du Canada, Adam Richard Pearson, 29 ans, a été recruté par Ryan pour s’occuper du contrat de meurtre pour les commanditaires iraniens.

À ce moment, Pearson vivait sous une fausse identité aux États-Unis après avoir fui le Canada, où il était recherché pour l’assassinat d’un trafiquant de drogue rival. Pearson aurait monté une équipe de tueurs sur le sol américain pour éliminer l’opposant iranien. Rien dans la preuve présentée jusqu’ici n’indique que Ryan et Pearson avaient connaissance de la nature politique du contrat de meurtre et des liens avec le régime iranien.

PHOTO DÉPOSÉE EN COUR

Adam Richard Pearson

Complot perturbé

Le plan n’a jamais été mené à terme. « Grâce au travail habile des procureurs fédéraux et des agents des forces de l’ordre, ce complot de contrat de meurtre a été perturbé », a déclaré le procureur fédéral Andrew Luger. Les États-Unis ont souligné l’aide de la GRC et du Service canadien du renseignement de sécurité dans ce dossier.

Ryan et Pearson ont tous deux été arrêtés au Canada en lien avec leurs autres activités criminelles. Ils font désormais face à une série d’accusations aux États-Unis en lien avec le complot de meurtre.

Naji Ibrahim Sharifi-Zindashti est aussi accusé, mais selon les autorités américaines, il se trouve en Iran. Il y a peu de chances qu’il voie un jour l’intérieur d’un tribunal américain. Il a déjà été arrêté à plus d’une reprise en Turquie en lien avec ses activités criminelles. CNN a déjà révélé, citant des sources des services de sécurité turcs, qu’il était considéré comme un agent des services de renseignement iraniens en Turquie. Le quotidien turc Hurriyet a déjà écrit que Naji Ibrahim Sharifi-Zindashti avait organisé l’enlèvement à Istanbul d’un leader séparatiste arabe qui avait été ramené de force en Iran, où il était recherché par les autorités.

Le quotidien Vancouver Sun a déjà révélé que deux membres de gangs de Colombie-Britannique s’étaient rendus à Dubaï en 2016, où ils avaient tué un trafiquant de drogue turc à la demande de Naji Ibrahim Sharifi-Zindashti.