Roberto Scoppa, frère d’Andrew et de Salvatore Scoppa, des mafieux assassinés en 2019, a été arrêté mardi matin dans le démantèlement d’un réseau international d’exportation et de trafic de drogues entre le Mexique, les États-Unis et le Canada.

Au total, dix individus ont été arrêtés et neuf sont toujours recherchés – dont trois Mexicains – dans le cadre de cette enquête baptisée Main morte, et menée par le Federal Bureau of investigation (FBI), la Drug enforcement Administration (DEA), la Gendarmerie Royale du Canada, la police de Los Angeles et des corps de police d’une dizaine d’autres villes américaines et canadiennes.

Scoppa, 55 ans, et un autre individu, Ivan Gravel Gonzalez, 32 ans, un résidant de Montréal et de la République dominicaine, ont été arrêtés mardi matin à Montréal par les enquêteurs de l’Unité mixte d’enquête sur le crime organisé (UMÉCO) de la Division C (Québec) de la GRC, à la demande des autorités américaines, et font maintenant face à des mesures d’extradition.

Les suspects arrêtés ou recherchés sont soupçonnés d’avoir conspiré pour trafiquer et importer des centaines de kilogrammes de cocaïne et d’autres substances contrôlées du Mexique via Los Angeles, pour ensuite les exporter au Canada ou les redistribuer à travers les États-Unis.

Parmi les personnes appréhendées, on retrouve « notamment des fournisseurs basés au Mexique qui ont introduit de grandes quantités de stupéfiants aux États-Unis, des distributeurs américains, un Canadien qui dirigeait une organisation d’exportation, des chauffeurs de semi-remorques basés au Canada qui opèrent aux États-Unis et un trafiquant canadien à grande échelle et figure du crime organisé italien, Robert Scoppa, qui, selon les enquêteurs, achetait des quantités massives de drogue en gros », peut-on lire dans un communiqué émis par le FBI.

PHOTO FOURNIE PAR LES AUTORITÉS AMÉRICAINES

Une partie des kilogrammes de méthamphétamine saisis par les policiers.

Selon l’acte d’accusation des autorités américaines, Scoppa est accusé d’avoir conspiré à Los Angeles pour importer plus de 5 kilogrammes de cocaïne et un kilogramme d’héroïne en mars 2023, et d’avoir voulu distribuer près de 15 kilogrammes de cocaïne et un kilogramme d’héroïne en novembre 2022.

Roberto Scoppa et Ivan Gravel Gonzalez ont comparu par visioconférence à Montréal devant le juge de la Cour supérieure Pierre Labrie mardi après-midi. En attente de l’examen d’une demande d’extradition présentée par les autorités des États-Unis, ils demeurent détenus.

« Les enquêteurs ont obtenu des informations indiquant que le groupe du crime organisé avait recours à des “gestionnaires” et des “répartiteurs” canadiens qui voyageaient du Canada à Los Angeles pour de courtes périodes de temps. Les manutentionnaires ont coordonné la cueillette et la livraison d’importantes expéditions de cocaïne et de méthamphétamine, qui ont été chargées sur des semi-remorques long-courriers à destination du Canada. Le transport était coordonné par un réseau de chauffeurs travaillant avec des dizaines d’entreprises de camionnage qui effectuaient de nombreux passages frontaliers des États-Unis au Canada via le tunnel Detroit-Windsor, le pont Buffalo Peace et le pont Blue Water », peut-on également lire dans le communiqué du FBI.

Selon la preuve, les suspects auraient importé au moins 845 kilogrammes de méthamphétamine et 950 kilogrammes de cocaïne. La valeur des stupéfiants s’élèverait à une somme variant entre 16 et 28 millions.

De son côté, la Division C de la GRC annonce par voie de communiqué la saisie au Canada de 940 000 $ en argent comptant, de 70 kilogrammes de cocaïne et de 4 kilogrammes d’héroïne.

PHOTO FOURNIE PAR LA GRC

Le butin récolté par les enquêteurs de l’UMÉCO de la Division C de la GRC.

« En tant que force de police nationale du Canada, la GRC s’efforce de perturber le flux de drogues illégales dans notre pays, en regardant au-delà de nos frontières, pour déterminer d’où proviennent ces menaces et en les arrêtant à la source. Cette opération démontre le travail étroit que nous effectuons avec nos partenaires internationaux pour lutter contre la criminalité transnationale organisée, contribuant ainsi à assurer la sécurité de nos communautés des deux côtés de la frontière », a déclaré le surintendant principal de la Gendarmerie Royale du Canada, Mathieu Bertrand.

Selon le FBI, s’ils sont reconnus coupables, certains des suspects sont passibles d’une peine allant de 40 ans d’emprisonnement à la prison à perpétuité.

Le 3frère

Roberto Scoppa, 55 ans, n’a pas d’antécédent criminel.

Toutefois, les renseignements policiers le considèrent comme une relation de la mafia montréalaise et des motards.

Roberto Scoppa est le frère d’Andrew et de Salvatore, deux chefs d’un clan calabrais de la mafia assassinés en 2019.

Trois ans plus tôt, les frères Andrew et Salvatore Scoppa avaient tenté un putsch avorté contre le clan sicilien de la mafia en ordonnant les meurtres de trois de leurs chefs, Rocco Sollecito, Lorenzo Giordano et Nicola Spagnolo (c’est le père de ce dernier, Vincenzo, qui a été tué par erreur en octobre 2016).

Au début de 2019, les agents frontaliers et la police canadienne ont constaté que Roberto Scoppa avait voyagé en Colombie et/ou en France en compagnie de Martin Robert, un Hells Angels de la section de Montréal considéré par la police comme l’un des criminels les plus influents au Québec.

Dans le recyclage

Roberto Scoppa possède une entreprise de location de conteneurs de construction, Location Tri-Box, ainsi qu’une entreprise de gestion des transports et des communications, selon le Registre des entreprises du Québec.

En 2015, il a été inscrit brièvement comme actionnaire du dépotoir « Recyclage G & R », sur le territoire mohawk de Kanesatake, en partenariat avec les frères Gary et Robert Gabriel.

Le dépotoir s’est rapidement retrouvé au cœur d’une controverse en raison de l’accumulation sans fin de déchets sur le site et d’écoulements qui contaminaient l’environnement aux alentours. Les frères Gabriel ont été reconnus coupables de séquestration et de participation à une émeute en 2005 après l’incendie de la maison du grand chef James Gabriel le siège du poste de police local. Au procès, l’ancien policier Guy Ouellette, expert dans la lutte contre le crime organisé, avait décrit Robert Gabriel comme le chef d’une organisation « très violente ».

À la même époque, le grand chef de Kanesatake avait rencontré des diplomates américains pour discuter des liens de Gary et Robert Gabriel avec plusieurs groupes du crime organisé, selon un câble diplomatique rendu public par WikiLeaks.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.