Un enfant de 12 ans a récemment été traîné devant la justice à Shawinigan, en Mauricie, après avoir « achalé » sa demi-sœur en écoutant un film.

La jeune fille de 11 ans affirmait que, dans ce contexte, il avait touché « ses cuisses, ses fesses et son ventre ». Le garçon admettait « avoir taquiné » sa demi-sœur et lui « avoir donné des petits coups avec ses mains sur les cuisses », et ce, « même si elle lui demandait d’arrêter », selon une récente décision de la Cour du Québec.

« Les gestes posés par l’accusé sont tellement inoffensifs et dénués de toute violence ou intention malsaine qu’ils ne peuvent à eux seuls justifier une déclaration de culpabilité », a déterminé la juge Geneviève Marchand, en acquittant le garçon.

Une déclaration de culpabilité aurait sûrement pour effet de choquer le public et miner sa confiance dans l’appareil judiciaire.

La juge Geneviève Marchand, dans son verdict

Le jeune garçon était accusé de voie de fait, une infraction très large qui inclut tout contact physique sans consentement. Tant la juge que l’accusé reconnaissaient que, sur le plan technique, cette infraction avait été commise.

Mais les gestes étaient si bénins qu’ils ne devraient pas entraîner de conséquences pénales pour l’enfant, a fait valoir la juge Marchand dans sa décision, rendue en juin dernier.

« Les gestes reprochés l’ont été dans un contexte de taquinerie entre demi-frère et demi-sœur, a-t-elle écrit. La seule motivation de l’accusé à ce moment est de taquiner sa demi-sœur. Aucune blessure n’a été infligée à la plaignante et celle-ci n’a ressenti aucune douleur à la suite des gestes posés par l’accusé. »

Le jugement souligne que la jeune fille a porté plainte « six semaines après les évènements à la demande de sa mère », dans un contexte de tensions entre les parents de la fratrie recomposée.

Les deux enfants, eux, avaient « une belle relation ». « Il ressort de la preuve que l’accusé n’a jamais eu de comportements déplacés ou agressifs envers la plaignante », a indiqué la juge Marchand.

« Le procureur était convaincu »

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a défendu sa décision de déposer des accusations contre le garçon.

« Manifestement, le procureur était convaincu d’une perspective raisonnable de condamnation après avoir examiné l’ensemble de la preuve soumise », a indiqué la porte-parole Audrey Roy-Cloutier, par courriel. Elle a évoqué l’existence d’une procédure officielle au sein de l’organisation afin de guider les procureurs dans le dépôt d’accusations. Ceux-ci doivent être convaincus d’avoir assez de preuves pour faire condamner l’accusé, mais doivent aussi prendre en compte « l’opportunité d’engager une poursuite au regard de l’appréciation de l’intérêt public ».

« Il appert de la décision rendue que le tribunal ne pouvait écarter la version de l’accusé », a-t-elle continué. « C’est donc à la lumière de cette version retenue, incluant l’admission d’avoir posé certains gestes, que le tribunal a conclu » à l’acquittement.

MYan Primeau, avocat de l’accusé, n’a pas voulu commenter le dossier.

Sur le plan technique, la défense a fait valoir (ce que la juge a retenu) une défense « de minimis non curat lex », une maxime latine qui signifie « la justice ne s’occupe pas des petites choses ».

Comme la légitime défense ou l’intoxication involontaire, il s’agit d’un moyen pour un accusé de tenter d’être acquitté tout en reconnaissant avoir commis l’infraction dont on l’accuse.

Sur la limite

L’enfant impliqué dans ce dossier avait tout juste l’âge minimal au Canada pour être accusé au criminel, a souligné MTiago Murias, avocat spécialisé dans la défense des mineurs.

« La loi est très claire : la majorité pénale, c’est 12 ans », a-t-il expliqué en entrevue téléphonique avec La Presse. « Il y a des pays où c’est beaucoup plus bas que ça. Dans certains États américains, par exemple, la limite est fixée à ‟l’âge de raison” et c’est le juge qui détermine. Sept ans ? Huit ans ? »

Si un enfant de moins de 12 ans commet des gestes condamnables, son dossier sera plutôt considéré comme celui d’un enfant en difficulté, et c’est la protection de la jeunesse qui s’impliquera.

Un acquittement en raison du caractère bénin de gestes pourtant avérés est extrêmement rare dans le système de justice pénale pour adolescents, a ajouté MMurias.

« C’est une défense excessivement rare parce que c’est une défense excessivement difficile, a-t-il rapporté. Les juges vont très rarement accepter cette défense-là. Ça prend des faits très particuliers. »