Le milieu policier s'inquiète des répercussions du blocage des nouvelles canadiennes par Meta

Le blocage des nouvelles canadiennes par Meta en marge du projet de loi C-18 pourrait avoir des conséquences néfastes pour les services de police canadiens, selon des policiers à la retraite.

Les services de police à travers le pays demandent souvent l’aide du public pour identifier des suspects en fuite, diffuser des détails lors d’alertes AMBER ou encore retrouver une personne disparue.

Le blocage de nouvelles canadiennes par Facebook pourrait ainsi réduire la portée des avis de recherche, généralement repris par les médias traditionnels.

Les communiqués de presse de la Sûreté du Québec (SQ) et des services de police de Montréal, Laval et Longueuil ne sont pas bloqués des réseaux sociaux. Leurs pages Facebook et Instagram comptent toutefois beaucoup moins d’abonnés que celles des principaux médias québécois. À titre d’exemple, la page Facebook de La Presse compte 739 000 abonnés, contre 61 000 pour le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), soit 12 fois moins. On pourrait ainsi s’attendre à moins de visibilité dans des cas où l’aide du public est sollicitée.

La décision de Meta de bloquer les contenus d’actualité aux utilisatrices et utilisateurs canadiens de ses plateformes Facebook et Instagram affectera sans aucun doute la circulation de l’information au pays. À l’heure actuelle, il est toutefois trop tôt pour en mesurer l’impact.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), dans un courriel

Rappelons que cette décision de Meta découle du projet de loi C-18, adopté en juin dernier pour permettre un partage des revenus entre les plateformes numériques et les médias canadiens. La loi doit entrer en vigueur dans quelques mois.

Les avis de personnes disparues, suspects recherchés ou victimes potentielles continueront d’être diffusés sur les plateformes X (Twitter), Facebook et Instagram et on prévoit continuer ainsi, ajoute-t-on. Le corps policier invite le public à s’abonner à ses comptes de réseaux sociaux pour ne rien manquer.

Même son de cloche au Service de police de Laval (SPL). « Nous restons à l’affût de tout changement qui pourrait impacter nos façons de faire afin de pouvoir apporter les ajustements nécessaires. »

Vous ne voyez plus nos contenus sur vos médias sociaux ? Voici comment vous assurer de ne rien manquer.

Moins de visibilité, moins d’indices

La médiatisation d’évènements en cours, de communiqués de presse policiers ou même d’arrestations permettent parfois à une enquête d’avancer plus vite, plaide Stéphane Wall, superviseur retraité du SPVM, spécialisé dans l’usage judicieux de la force.

Quand un citoyen s’informe au sujet d’un braquage ou d’une fusillade, il sera plus porté à contacter les autorités s’il possède de l’information pertinente. Les évènements de violence ne sont pas toujours rapportés par la police. Le blocage par Meta n’est « pas une bonne chose », tranche M. Wall.

Plus on parle d’un évènement, plus des gens sont au courant, plus on a de chances qu’une information capitale soit communiquée. Là, on limite le nombre de plateformes où les gens peuvent s’informer.

Stéphane Wall, policier à la retraite

Les corps policiers peuvent diffuser des avis de recherche sur leurs comptes Instagram ou Facebook, certes. Mais les algorithmes des réseaux sociaux donnent la priorité aux contenus populaires. « Il n’y a pas de garantie que le public va voir le communiqué même en étant abonné à la page. »

Des informations sont fréquemment transmises aux autorités grâce à des articles sur un suspect recherché, explique M. Wall. Certaines personnes ne sont pas tentées de suivre les comptes des corps policiers, mais prennent tout de même le temps de lire les nouvelles. « Ça peut arriver, par exemple, qu’un commerçant consulte l’article, reconnaisse le suspect, car il s’est présenté à son commerce récemment ou peu après le crime. C’est très utile pour la police », explique l’ancien du SPVM.

Plus l’info circule dans les médias, mieux c’est : le fait que les gens ne peuvent plus partager les articles sur leur page, c’est handicapant, renchérit André Gélinas, ancien sergent-détective à la division du renseignement. « Pour Meta, c’est un enjeu économique. Mais il y a le côté plus humain : on empêche la circulation massive de choses utiles, comme des disparitions d’enfants, illustre le retraité du SPVM. Ça va créer un certain vide, car des informations reçues du public, ça vaut son pesant d’or. »

Et les gens sont parfois plus amenés à parler si quelque chose est déjà public.

Quand [les gens] lisent l’article, ils sont au courant de la portée humaine de l’évènement. C’est plus fort qu’un communiqué.

André Gélinas, sergent-détective à la retraite

Même au sein du milieu criminel, les articles de journaux ou les reportages télévisés peuvent mettre de la pression sur certains groupes. « Si on apprend l’arrestation de quelqu’un qu’on connaît, on va être plus porté à parler. Les reportages permettent de délier des langues », ajoute Stéphane Wall.

Ailleurs au pays

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) en Saskatchewan affirme que la décision de Meta de supprimer les liens vers les nouvelles sur ses plateformes Facebook et Instagram nuira à la façon dont elle peut informer rapidement les citoyens, selon un article de La Presse Canadienne.

Au Manitoba, les forces de l’ordre avaient indiqué qu’elles continueraient à compter sur leur présence en ligne pour transmettre au public des informations importantes.

« Dans les régions rurales du Manitoba, les réseaux sociaux ont une portée large et immédiate », avait déclaré Tara Seel, porte-parole de la GRC.