Un vidéoclip teinté de provocations à peine voilées a mis le feu aux poudres parmi les gangs de Saint-Léonard et d’Anjou et pourrait avoir mené au meurtre de Khaled Mouloudj, 18 ans. Cet homicide survenu le 19 mars serait ancré dans un violent conflit qui aurait coûté la vie à au moins deux autres jeunes hommes dans les deux dernières années.

Khaled Mouloudj, tué en soirée par des coups de feu tirés d’une voiture en marche dans le secteur d’Anjou, à deux pas de chez lui, faisait partie d’une clique liée au gang de rue STL, initiales désignant les gangs de rue de Saint-Léonard. Alors que les conflits armés fusent dans ce secteur de l’est de Montréal, c’est un vidéoclip de rap diffusé deux jours avant le meurtre qui aurait mis le feu aux poudres.

« Khaled et ses gars ont diffusé un clip où ils manquent de respect à tout le secteur d’Anjou et à plusieurs morts de ce conflit », nous confie une source criminelle.

La diffusion de ce morceau a engendré diverses provocations et incitations à la violence provenant de comptes anonymes sur les réseaux sociaux.

« Tu es mieux d’avoir la même énergie quand tu vas prendre ta dernière respiration devant ton créateur », « Le beat a mal vieilli, y’a encore le temps d’le supprimer », « côté gauche mandown next one Freeze », pouvait-on encore lire vendredi. Dans ce dernier commentaire, on fait directement référence au meurtre de Khaled Mouloudj (mandown), en plus d’indiquer qu’un autre membre de son groupe sera le prochain (next one).

Aucun des commentaires n’avait été retiré par Instagram ou YouTube au moment de publier.

  • Commentaires diffusés après la parution du vidéoclip sur YouTube

    CAPTURE D’ÉCRAN INSTAGRAM, LA PRESSE

    Commentaires diffusés après la parution du vidéoclip sur YouTube

  • Commentaires diffusés après la parution du vidéoclip sur YouTube

    CAPTURE D’ÉCRAN INSTAGRAM, LA PRESSE

    Commentaires diffusés après la parution du vidéoclip sur YouTube

  • Commentaires diffusés après la parution du vidéoclip sur YouTube

    CAPTURE D’ÉCRAN INSTAGRAM, LA PRESSE

    Commentaires diffusés après la parution du vidéoclip sur YouTube

1/3
  •  
  •  
  •  

Surnommé Kash, Khaled Mouloudj n’avait aucun antécédent judiciaire en tant qu’adulte, mais demeurait connu des policiers. « Il est membre d’EGK, un nouveau groupe créé entre des gars de Saint-Léonard », nous a confié une source criminelle. Elle a requis l’anonymat pour éviter les représailles.

Les initiales « EGK » ne veulent rien dire pour le commun des mortels. Dans le milieu criminel, elles évoquent un funeste slogan : Everybody Gets Killed.

CAPTURE D’ÉCRAN, LA PRESSE

Le compte Instagram de Khaled Mouloudj, alias Kash

Le meurtre de Khaled Mouloudj, alias Kash, pourrait créer des flammèches chez les gangs du secteur. La victime de 18 ans tuée par balle se tenait avec des « plus vieux influents » malgré son jeune âge.

Des coups de feu ont retenti la semaine dernière en direction de deux jeunes hommes connus des policiers à Saint-Léonard, rue Albanel. L’évènement n’a fait aucun blessé, mais un impact de balle a été localisé sur la fenêtre d’une résidence. La police croit que les tirs pourraient être reliés au meurtre de Khaled Mouloudj. Les coups de feu ne sont pas considérés comme une riposte à ce stade-ci de l’enquête, selon une source policière.

Il s’agit plutôt « de la suite », ont confirmé des sources du milieu criminel à La Presse. L’un des jeunes visés est connu des policiers pour ses liens avec STL, a indiqué une source policière.

« Le conflit est nouveau, mais il a [déjà] atteint un point où les gars ne tirent même pas sur de vrais criminels. Ils prennent des gens qui sont dans l’entourage pour scorer », confie une de nos sources criminelles.

Autrefois amis

Les secteurs de Saint-Léonard et d’Anjou sont en guerre, en plus d’être parfois le théâtre de quelques conflits personnels entre les 141 et les 192. Ajoutons à cela un conflit toujours en cours entre les gangs de Saint-Michel et de Saint-Léonard.

Le secteur de Saint-Léonard est divisé en deux gangs distincts, les 192 et les 141. Les membres de gangs de rue de Saint-Léonard s’identifient par ces chiffres qui s’inspirent des lignes d’autobus de la STM.

Les « gars 141 » et ceux associés à 192 font partie des gangs de Saint-Léonard. Ils s’affichent aussi par les initiales STL (Saint-Léonard).

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

La scène de crime, au lendemain du meurtre de Khaled Mouloudj.

Autrefois en bons termes, ils sont donc maintenant des opposants. Quand la dispute s’est envenimée, chacun a été forcé de choisir son camp, nous confient des sources du milieu criminel. Ces jeunes « connaissent très bien leurs ennemis », selon nos sources.

Un meurtre à l’origine du conflit

L’origine de la discorde entre STL et Anjou, ou du moins ce qui aurait envenimé les choses, serait le meurtre de Walid Meddane en janvier 2021. « WaWa », membre d’un gang d’Anjou nommé ANJOU BLOCK 4, avait été abattu au petit matin près de la station de métro Joliette. Meddane était également lié, selon la police, au regroupement criminel AWA (Arabs With Attitude), qui s’est ensuite divisé à la suite de sa mort, créant ainsi d’autres microconflits.

Cet homicide toujours non résolu serait à l’origine de plusieurs évènements armés sur le territoire. « C’est pas rare d’entendre des gars dire : yo on va aller dans leur secteur et le premier Arabe cheveux bouclés se fait allumer », indique une source criminelle.

Khaled Mouloudj aurait insulté Walid Meddane sur l’application Snapchat peu avant de tomber sous les balles. Il serait aussi présent – encagoulé – dans le vidéoclip incendiaire.

Le meurtre de « Kash » aurait aussi un lien avec celui de Hani Ouahdi, alias Dzairy. Le jeune homme âgé de 20 ans était tombé sous les balles dans l’arrondissement d’Anjou en décembre 2021. Il n’était pas connu des policiers, mais aurait été vu par des criminels en compagnie de membres de gangs d’Anjou dans le passé.

« À la base nous [STL et Anjou] étions amis. Mais le meurtre de WaWa a tout fait péter », raconte notre source.

Un conflit serait survenu la journée du meurtre de Walid Meddane. Un banal manque de respect de la part de Meddane, tué à 26 ans. « Ils l’ont shoot sur place. »

Comme plusieurs homicides non résolus liés à des conflits entre gangs, le suspect et son entourage deviennent vite « des targets », multipliant les fusillades dans les rues de la métropole.

Ces jeunes membres de gang d’Anjou et de Saint-Léonard se sont enrichis rapidement à un jeune âge. Ce qui les rend plus arrogants, conflictuels et difficiles à contrôler, affirment nos sources policières. Comment font-ils leur argent ? Un peu de tout : vols qualifiés, mais surtout les vols de voitures. « C’est la nouvelle mode », nous confie une source qui gravite autour du monde interlope.

Avec Daniel Renaud

Conflits en cours impliquant Saint-Léonard

Saint-Michel (JFP ou Octogone) contre Saint-Léonard (STL, 192, 141, EGK)

Anjou contre Saint-Léonard (STL, 192, 141, EGK)

Trois meurtres non résolus qui enlisent les conflits

Plusieurs meurtres ont marqué l’esprit des jeunes membres de gangs au cours des trois dernières années. Ils demeurent non résolus, ce qui intensifie la soif de vengeance et l’impunité des criminels liés aux gangs, pensent nos sources.

Duckerns Pierre Clermont, alias Jeune Loup (secteur Villeray)

Walid Meddane, alias WaWa (secteur Anjou)

Jesse Dave Chatelier, alias G Baby (secteur Montréal-Nord)