La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a arrêté un cégépien montréalais jeudi, après la découverte de nombreuses publications en ligne incitant à soutenir le groupe armé État islamique et à préparer des attentats. Le jeune homme, qui disait côtoyer d’autres partisans de l’organisation terroriste à Montréal, selon la preuve déposée à la cour, aurait même fourni des conseils sur la fabrication de bombes.

« Nous devons à nouveau faire du terrorisme la norme. En faire la nouvelle tendance », aurait lancé Mohamed Amine Assal sur le réseau social Telegram le 24 février dernier, selon un message intercepté par le FBI, qui a alerté les policiers canadiens au sujet de l’affaire il y a un peu plus d’une semaine.

La GRC dit avoir reçu de nombreuses informations de ses partenaires américains qui donnaient des raisons sérieuses de croire que le résidant de l’arrondissement de Saint-Laurent facilitait et encourageait des activités terroristes. L’enquête des policiers canadiens est toujours en cours, mais les enquêteurs de l’Équipe intégrée de la sécurité nationale ont jugé qu’il fallait agir d’urgence avant même qu’elle soit terminée.

Cette opération policière visait à perturber les activités suspectes de M. Assal et qu’il s’engage à ne pas troubler l’ordre public.

Extrait du communiqué de la Gendarmerie royale du Canada

« La GRC avait des motifs raisonnables de craindre la possibilité qu’un individu commette des infractions en matière de terrorisme. L’enquête se poursuit et l’ensemble de la preuve sera analysé. Des accusations pourraient être déposées ultérieurement », précise le corps policier.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Mohamed Amine Assal

Obligé de porter un bracelet GPS

Mohamed Amine Assal a été arrêté jeudi matin en vertu de l’article 810 du Code criminel, qui permet de faire comparaître quelqu’un devant la cour afin qu’il s’engage à respecter certaines conditions, lorsqu’il existe des motifs de croire qu’il s’apprête à commettre un crime.

Après sa comparution au palais de justice de Montréal en après-midi, il a pu recouvrer sa liberté après s’être engagé à porter un bracelet GPS permettant à la police de le suivre en tout temps, à ne pas utiliser d’appareil relié à l’internet sauf dans le cadre de travaux scolaires, à ne pas quitter le Québec et à ne pas consulter du matériel faisant la promotion du terrorisme. Une audience sur le fond de la demande d’engagement à garder la paix aura lieu ultérieurement.

Une perquisition a eu lieu chez le suspect jeudi. En milieu d’après-midi, des agents de la GRC sont sortis de la résidence familiale avec au moins deux tours d’ordinateur et une pile de documents dans plusieurs sacs transparents.

Encore sous le choc, des voisins ont témoigné que la famille avait déménagé à cette adresse il y a quelques semaines à peine. « Je les voyais de temps en temps aller et venir, mais c’est tout, ils étaient plutôt tranquilles », a indiqué une voisine.

La famille a décliné notre demande d’entrevue.

Poudre noire et paquet de clous

Étudiant la maintenance d’aéronefs à l’École nationale d’aérotechnique de Saint-Hubert, Mohamed Amine Assal s’est retrouvé dans la lilgne de mire des autorités américaines en raison de ses nombreux échanges sur les plateformes Telegram, Discord et Reddit, notamment, selon une déclaration sous serment d’un enquêteur de la GRC déposée à la cour.

Des agents du FBI auraient d’abord été informés par une source qu’un important sympathisant du groupe État islamique en Italie avait un correspondant au Canada qui aurait projeté un attentat et aurait été en train de radicaliser son petit frère de 9 ans.

Ce correspondant canadien « prétendait fréquenter une mosquée où le cheikh semblait appuyer l’État islamique, mais faisait très attention à ce qu’il disait », selon la source. Il disait aussi avoir rencontré plusieurs sympathisants du groupe terroriste à cette mosquée.

Ces affirmations n’ont pas été corroborées et l’existence de cette mosquée à Montréal n’a pas été confirmée à ce stade, mais le FBI affirme avoir pu identifier Mohamed Amine Assal comme l’auteur des messages.

Les agents américains disent avoir retrouvé d’autres messages où le jeune Montréalais expliquait à un interlocuteur comment fabriquer une bombe, avec de la poudre noire et « un paquet de clous » attachés autour d’un tuyau. Il aurait dit être en contact avec un homme qui était prêt à financer des « opérations ». Il parlait d’assassinats de « mécréants », de décapitations et autres actes violents.

Il aurait aussi évoqué les discours de plusieurs propagandistes radicaux, dont un porte-parole du groupe État Islamique qui avait lancé un appel au meurtre de Canadiens. « Si vous pouvez tuer un infidèle américain ou européen – surtout un méchant et dégoûtant Français – ou un Australien ou un Canadien, ou n’importe quel autre infidèle parmi les infidèles qui nous font la guerre, y compris les citoyens des pays qui font partie de la coalition contre l’État islamique, fiez-vous à Allah et tuez-le d’une façon ou d’une autre », disait ce porte-parole dans un discours de 2014.

Sur ses comptes de réseaux sociaux, Mohamed Amine Assal suivait plusieurs leaders religieux radicaux, dans différents pays.

Parmi ses 134 amis sur Facebook figure le prédicateur montréalais Adil Charkaoui, dont il suivait aussi les publications sur Instagram, où il est abonné à 306 comptes. M. Charkaoui n’a pas répondu à une demande d’entrevue jeudi. Les publications publiques du jeune homme ne démontrent aucune interaction directe avec le prédicateur.

Une enquête de La Presse a déjà révélé qu’entre 2013 et 2015, huit jeunes Québécois qui suivaient les enseignements de M. Charkaoui étaient partis vers la Syrie ou avaient tenté de le faire, alors que la guerre civile y faisait rage. En entrevue, des parents avaient dénoncé l’influence qu’il exerçait sur leurs enfants. La GRC et le Centre de prévention de la radicalisation avaient dit que son centre était un dénominateur commun dans plusieurs dossiers de radicalisation.

Adil Charkaoui a repoussé ces accusations à l’époque et a plutôt dit faire de la « déradicalisation ».

M. Charkaoui a été arrêté en 2003 en vertu d’un certificat de sécurité. Il était alors soupçonné par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) d’avoir participé à des camps d’entraînement d’Al-Qaïda en Afghanistan, prôné le djihad armé et discuté de projets d’attentats.

En 2009, les tribunaux avaient déterminé que pour se défendre et réclamer sa mise en liberté, M. Charkaoui devrait avoir accès à certaines des informations obtenues sur lui par le Canada. Plutôt que lui communiquer ces informations, les autorités ont préféré les retirer du dossier, ce qui a mené à la libération de M. Charkaoui. Depuis, il réclame 26 millions au gouvernement pour tous les dommages subis.

Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse

En savoir plus
  • De 6000 à 10 000
    Nombre de combattants restants du groupe État islamique en Irak et en Syrie, en date de février 2022
    Source : Centre des Nations unies pour la lutte contre le terrorisme