« Quelqu’un m’a menti ! » C’est ce que le juge Bertrand Saint-Arnaud a déclaré lors des plaidoiries dans le dossier du policier de la Rive-Sud accusé d’agression sexuelle sur une citoyenne.

« Assurément, il y a quelqu’un qui a menti. Dans certains dossiers, c’est moins clair. Mais ici, je pense que sur l’essentiel, c’est clair qu’il y a quelqu’un qui m’a menti cette semaine […]. Les deux versions sont difficilement conciliables », a indiqué le magistrat, au palais de justice de Longueuil jeudi, alors que les avocats présentaient leurs derniers arguments dans le procès de Yannick Dauphinais.

Le policier et la femme – que l’on ne peut pas identifier en raison d’une ordonnance de la cour – se sont rencontrés dans une station-service de La Prairie, le 20 juillet 2021. Après l’avoir abordée, le policier a proposé à la femme de la suivre jusqu’à l’IGA où elle se rendait, quelques mètres plus loin. À cet endroit, il lui a demandé son numéro de téléphone.

Le lendemain, l’accusé a texté la femme pour lui proposer de la visiter chez elle, quelques minutes. Celle-ci a accepté, mais en précisant qu’elle devrait rapidement quitter sa résidence pour son travail.

La femme affirme que le policier l’a embrassée sur la bouche et lui a caressé les fesses et les seins. Il lui aurait pris la main pour la diriger vers son entrejambe et lui aurait demandé une « gâterie ». Pour éviter de lui faire une fellation ou de se faire pénétrer, la plaignante aurait accepté de le masturber deux minutes jusqu’à ce qu’il éjacule. Elle craignait la réaction de l’homme avec qui elle avait discuté moins de 10 minutes la veille, a-t-elle expliqué à la cour.

Yannick Dauphinais a plutôt affirmé que les deux, l’accusé et la plaignante, partageaient un « flirt » et aussi qu’il avait eu un « coup de foudre » pour la femme souriante, aux yeux pétillants. Il a affirmé que c’est elle qui était « entreprenante », qui l’a embrassé et qui a dirigé sa main vers son pénis.

Faits « aggravés » ou « romancés » ?

Jeudi, l’avocat de l’accusé, Me Félix R. Larose, a plaidé que la plaignante avait une « tendance à aggraver » les faits. MAmélie Rivard, procureure de la Couronne, a plutôt avancé que l’accusé présentait une version « romancée » des évènements.

MLarose a mis de l’avant des textos que la plaignante a échangés avec des amis quelques heures après avoir donné son numéro au policier. Elle écrivait avoir été arrêtée par l’agent, alors employé de la Régie intermunicipale de police de Roussillon.

« La plaignante n’a pas un respect pour la vérité », a plaidé MLarose. « Il y a une manière de présenter les faits à ses amis qui n’est pas conforme à ce qui s’est passé », a-t-il indiqué. « C’est bizarre, c’est inquiétant », a-t-il ajouté.

Même si la plaignante et ses amis ont condamné le geste du policier, celle-ci a quand même répondu à un texto de l’accusé, a fait valoir MLarose.

« Non seulement elle va y répondre, mais elle va l’inviter à venir chez elle, seule, sans appeler personne. Elle accepte de le revoir. C’est une proposition à laquelle elle donne son approbation. Elle l’accommode quant à l’heure de sa venue chez elle et elle va même se dépêcher », a dit MLarose.

De son côté, MAmélie Rivard a catégoriquement rejeté la thèse du « flirt ». « Je vous suggère que s’il y avait un flirt, il était unilatéral », a-t-elle déclaré.

« Ce qui ressort de la preuve par rapport à la visite [chez elle], c’est l’accusé qui s’invite chez Madame et Madame acquiesce encore une fois. Madame acquiesce quand [il] l’aborde. Madame acquiesce quand [il] lui demande de la suivre au IGA, Madame acquiesce quand [il] s’invite chez elle », a souligné la procureure parlant d’une personne qui « s’impose » chez l’autre.

La procureure a également discrédité l’accusé qui a été « incapable d’admettre que sa fonction a pu avoir un impact sur la perception de la plaignante ».

La plaignante a mentionné au tribunal qu’elle avait confiance puisque Yannick Dauphinais était un policier et qu’il était en service lorsqu’il s’est présenté à sa maison.

Dans les heures qui ont suivi les évènements, la plaignante s’est confiée à un ami et à son patron. Ce dernier l’a encouragée à se rendre dans un poste de police. Le Bureau des enquêtes indépendantes a mené l’enquête.

Le juge Bertrand Saint-Arnaud doit rendre sa décision le 3 juillet, dans le district de Salaberry-de-Valleyfield.