Que ce soit des homicides intrafamiliaux ou des tueries de masse, comme récemment à Amqui et à Laval, l’exposition à la violence peut entraîner des effets de contagion, expliquent des experts. Il serait possible de faire mieux pour prévenir les homicides, estiment certains.

Le triple meurtre qui serait survenu vendredi à Rosemont représente un nouvel épisode de violence pour un Québec déjà chamboulé par le drame d’Amqui en début de semaine, et de Laval, à la fin de février.

D’autres crimes possiblement intrafamiliaux ont aussi bouleversé à jamais la vie de différentes familles dans la métropole depuis le début de 2023, quand des jeunes s’en seraient pris à leurs parents, souvent en les poignardant à mort.

« Ces tueries intrafamiliales, on en a toujours eu, rappelle la Dre Cécile Rousseau, psychiatre pédiatrique à l’Université McGill. Quand on est vraiment en détresse, les personnes à qui on est le plus susceptible de s’en prendre, ce sont nos proches : les membres de notre famille — la conjointe, les enfants et, dans le cas des jeunes, les parents. »

« Un accélérant »

Mais que ce soit pour des tueries de masse ou des attaques de proches, l’exposition à la violence peut entraîner un effet de contagion. « Quand je ne me sens pas bien, en détresse, voir d’autres agir [avec violence] de la sorte, ça peut avoir un effet de modèle ou d’accélérant », résume la Dre Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue et professeure à l’Université du Québec à Montréal.

« Ça fait longtemps que c’est documenté pour ce qui est des suicides, renchérit Pierre-Paul Malenfant, président de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Et c’est aussi documenté en ce qui concerne les actes de violence », ajoute-t-il.

« L’influence médiatique, les réseaux sociaux, ça a tout un poids chez une personne qui ne va pas bien », abonde Josée Rioux, présidente de l’Ordre professionnel des criminologues du Québec.

Prioriser les risques homicidaires

Selon la Dre Rousseau, une piste de solution serait d’offrir plus de soutien aux personnes qui présentent des risques homicidaires (qui disent vouloir tuer les autres ou qui sont à risque de le faire).

Actuellement, quand quelqu’un est suicidaire, on va le prioriser au niveau des services, mais quand quelqu’un est homicidaire, on attend qu’il ait fait quelque chose de criminel pour offrir des services.

Dre Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue et professeure à l’Université du Québec à Montréal

Or, les jeunes d’aujourd’hui ont davantage tendance à faire des passages à l’acte violent envers les autres, par comparaison à ceux des décennies précédentes, observe la Dre Rousseau. « Ces temps-ci, ce qu’on voit, c’est l’augmentation des gestes hétéroagressifs [agressifs envers les autres], qui sont aussi des gestes de désespoir », souligne la pédopsychiatre.

« La souffrance, la rage qui est là, chez certains individus, peut soit s’exprimer envers l’autre de façon homicidaire, soit envers soi comme un risque suicidaire, ajoute la Dre Beaulieu-Pelletier. Mais dans les affects homicidaires, il y a beaucoup de tabous, une incompréhension au niveau social, analyse-t-elle. Oui, il y a une réflexion sociale à y avoir. »

L’accès aux services

Bien évidemment, avoir un problème de santé mentale ne signifie pas qu’une personne sera violente, assurent les différents experts. « Dans les actes de violence de masse, seulement 22 % des situations, c’étaient des gens avec des problèmes de santé mentale, rappelle M. Malenfant. Mais ça ne veut pas dire que ces personnes-là ne sont pas en détresse psychologique. »

Mais lorsqu’il y a des risques de violence, il faut aussi savoir les prévenir, estime la Dre Beaulieu-Pelletier.

« Et pour ça, oui, il faut augmenter l’accès aux soins et services, mais aussi aller rejoindre ceux qui en ont réellement besoin et qui ne vont pas nécessairement venir consulter. »

Lisez l’article « Rosemont–La Petite-Patrie : Une famille décimée »

Des drames récents au Québec et à Montréal

Amqui, 13 mars 2023

Vers 15 h, un homme de 38 ans nommé Steeve Gagnon a fauché onze piétons en bordure du boulevard Saint-Benoît Ouest, alors qu’il était au volant de sa camionnette. Deux de ses victimes sont mortes tandis que neuf autres ont été blessés, dont trois gravement. Mardi, la Couronne a déposé contre lui des accusations de conduite dangereuse. Le premier ministre François Legault, qui s’est ensuite rendu jeudi sur les lieux du drame, a promis d’investir davantage en santé mentale lors du prochain budget, prévu la semaine prochaine.

Laval, 8 février 2023

Un chauffeur d’autobus de la Société de transport de Laval (STL), Pierre-Ny St-Amand, a fait deux morts et six blessés en fonçant dans une garderie de Laval avec son bus. L’homme de 51 ans, sans antécédents criminels, a ensuite été accusé de deux meurtres au premier degré, de tentative de meurtre, de voies de fait graves et de voies de fait. En entrevue avec La Presse, le maire de Laval, Stéphane Boyer, avait aussi estimé que l’évènement illustre de nouveau que les municipalités doivent faire plus pour lutter contre les problèmes de santé mentale.

Montréal, 19 février 2023

Le corps sans vie d’une femme de 54 ans a été retrouvé dans un logement de Parc-Extension, peu de temps après l’intervention des policiers dans un autre logement du même immeuble, où un homme de 23 ans avait été blessé au haut du corps. Une femme de 26 ans a ensuite été arrêtée sur les lieux. Il s’agissait du deuxième homicide à survenir à Montréal en 2023.

(Re)lisez l’article « La fille de la victime arrêtée pour voie de fait armée une semaine plus tôt »

Montréal, 25 janvier 2023

Emmanuel Gendron-Tardif, un cinéaste de 28 ans, a été arrêté par les autorités après qu’il aurait poignardé sa mère Lysane Gendron au deuxième étage d’un immeuble de la rue Fullum, dans l’arrondissement de Ville-Marie. Il s’agissait du premier meurtre à Montréal cette année. Selon nos informations, le suspect était en crise au moment des faits. Il souffrirait de problèmes de santé mentale.

Henri Ouellette-Vézina, La Presse

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