Une vingtaine de sans-abri qui campent sous l’autoroute Ville-Marie, à Westmount, demandent au tribunal d’empêcher leur éviction par le gouvernement du Québec, qui a amorcé des travaux près de leur campement.

Les campeurs réclament une injonction qui leur donnerait au moins jusqu’au 15 juillet pour quitter le site, près de l’avenue Atwater, alors que le ministère des Transports du Québec a annoncé qu’il comptait procéder au démantèlement du campement avant la fin du mois de mars.

La demande, déposée jeudi au palais de justice de Montréal par la Clinique juridique itinérante, souligne que c’est pour assurer leur survie que les sans-abri se regroupent dans des campements, qui deviennent des communautés d’entraide.

« Pour les membres de la Communauté, leur éviction forcée du campement sans mesures de protection et durant les mois d’hiver représente une perturbation majeure. […] La perte du réseau de soutien que forme la Communauté constitue un traumatisme important pouvant avoir des effets aggravants pour des personnes déjà hautement vulnérables », lit-on dans le document judiciaire.

« Bien que ce soit la responsabilité du gouvernement du Québec d’assurer le relogement des membres de la Communauté, aucune alternative ou solution de relogement n’a été présentée à ses membres en vue de l’éviction », y est-il également écrit.

Toxicomanie et santé mentale

La demande d’injonction présente le profil de certains des habitants du campement, qui existe depuis au moins 10 ans. On y trouve une femme enceinte, qui souffre d’une dépendance à l’alcool, au crack et à la cocaïne, ainsi que de l’hépatite C. Elle et son conjoint ne peuvent rester ensemble dans les refuges, qui ne sont pas mixtes. Ses démarches pour obtenir un logement sont restées infructueuses, souligne le document.

Une autre « vit présentement avec son conjoint et leurs chats. Elle a déjà été suivie en santé mentale et est actuellement accompagnée par un intervenant du YMCA et une infirmière de l’organisme Chez Doris. [Elle] a par le passé occupé un appartement à Montréal avec son conjoint, qu’ils ont dû quitter en raison de multiples infestations de coquerelles et de punaises ainsi que du coût trop élevé », peut-on lire.

On parle aussi d’une personne en phase terminale d’une infection sanguine, aux prises avec des problèmes de santé mentale, qui a déjà souffert d’une dépendance à l’héroïne et souffre actuellement d’une dépendance à la morphine, vivant dans le campement avec son chat, et d’un homme atteint d’un cancer des poumons recevant des traitements de radiothérapie trois fois par semaine, qui a été évincé l’automne dernier d’un autre campement dans le Quartier chinois et a vu tous ses effets personnels jetés.

« En raison de la haute prévalence parmi eux de la toxicomanie, de la consommation et des problèmes de santé mentale, ils tombent entre les mailles du filet des systèmes mis en place pour les aider, tels les refuges pour sans-abri et les programmes de relogement », explique la demande d’injonction.

« Ces difficultés d’accès aux centres d’hébergement, aux refuges ou aux haltes-chaleur s’inscrivent plus largement dans la crise du logement dans la ville de Montréal, tant quant au nombre restreint de places dans les centres d’hébergement [qu’]au manque d’appartements subventionnés ou abordables. »

La Clinique juridique itinérante exprime sa volonté d’entamer des négociations avec le gouvernement afin de trouver des solutions pour reloger les campeurs, qui respectent leurs besoins et leurs droits.

« L’éviction de la Communauté [du] campement forcerait des personnes extrêmement vulnérables dans une précarité accrue, les déstabiliserait, mettrait en danger leur santé physique et mentale, leur sécurité et possiblement leur vie », fait-elle valoir.

C’est un groupe d’avocats de la firme Osler, Hoskin & Harcourt qui représente en cour la Clinique juridique itinérante. Il demande que la cause soit entendue par la Cour supérieure le 22 mars.

Lisez l’article : « Des itinérants bientôt évincés de leur campement »