(Montréal) Trois ans presque jour pour jour après son entrée en vigueur, la loi 128, qui encadre les chiens jugés dangereux au Québec, continue de diviser. Alors que ceux qui œuvrent auprès des animaux la pourfendent, les victimes d’attaques de chiens auraient souhaité qu’elle soit plus sévère.

Créée en 2019, l’Association québécoise des victimes d’attaques de chiens (AQVAC) réclamait initialement que la loi 128 ait plus de mordant. Elle plaidait la tolérance zéro pour éviter tout risque de récidive chez un chien qui attaque un humain de même que la création d’un registre provincial des attaques.

Les membres fondatrices de l’AQVAC, Dominique Alain et Geneviève Piacentini, violemment attaquées par des molosses à Potton et à Saint-Césaire en 2019, ainsi que Lise Vadnais, dont la sœur Christiane a été tuée par un chien trois ans auparavant, estimaient alors que la loi priorisait « le droit des propriétaires de chiens » au détriment de la sécurité des citoyens.

Aujourd’hui, ces victimes estiment que la loi ne répond toujours pas à son objectif d’assurer une meilleure sécurité du public face aux chiens potentiellement dangereux. Elles mettent particulièrement en doute la manière d’évaluer les chiens.

« Beaucoup de municipalités ont délégué l’évaluation des chiens à des sociétés protectrices des animaux, soulève Anne Castaigne, fille de Mme Piacentini. Ça semble aller à l’encontre de leur mission. Surtout, on aurait aimé avoir plus de précision sur ce en quoi consiste l’évaluation comportementale. Il y a eu des discussions avec l’association des vétérinaires, mais ceux-ci ne semblent pas avoir toute la formation nécessaire en comportement animal. Il y a du travail à faire. »

« Tout ce que ça fait, c’est de mettre le fardeau d’une décision très lourde de sens dans les mains des municipalités, où souvent on se connaît tous, y compris le propriétaire du chien dangereux », affirme Mme Alain.

« En plus, ça peut être coûteux pour une municipalité de défendre sa décision, prise pour assurer la protection d’un citoyen, si le gardien du chien décide d’aller en Cour pour la contester », ajoute-t-elle.

Responsabiliser les propriétaires

L’AQVAC plaide encore pour une plus grande responsabilité civile des propriétaires de chiens agressifs, notamment afin qu’ils dédommagent leurs victimes.

« Ça fait longtemps qu’on demande que les propriétaires de chiens dangereux soient tenus de prendre une assurance de responsabilité civile pour couvrir les risques », explique Mme Alain qui, avec son conjoint, réclame 675 000 $ en dommages à ceux qu’ils tiennent responsables de leurs malheurs découlant de l’attaque.

Les fondatrices de l’AQVAC souhaiteraient aussi que la responsabilité criminelle des propriétaires de chiens soit davantage reconnue et que cela se traduise par des condamnations plus sévères.

En janvier, Mario Fortier, dont les deux chiens en liberté ont violemment attaqué Mme Piacentini, a été condamné à 90 jours de prison à domicile à purger les fins de semaine, après un plaidoyer de culpabilité. Une peine assortie d’une probation d’un an et d’une centaine d’heures de travaux communautaires, que Lise Vadnais qualifie « d’un peu scandaleuse ».

« C’est vraiment minime. Il a trouvé une façon de s’en tirer à bon compte », déplore-t-elle. Le propriétaire du chien ayant tué sa sœur, il y a plus de six ans, n’avait pour sa part pas été accusé au criminel.

« Nous, les victimes, on vivra avec un traumatisme pour le reste de nos jours. C’est terrible. C’est comme revenir de la guerre, être attaquée vivante par des chiens. C’est en plus des séquelles physiques avec lesquelles on va devoir vivre, tout ça à cause d’un propriétaire qui a été négligent. Et lui passera 30 jours en prison à domicile ? » renchérit Dominique Alain. Dans son cas, le gardien de ses assaillants a reçu une condamnation à six mois de prison, de 240 heures de travaux communautaires et de l’interdiction de posséder un chien pour le reste de ses jours.

Les victimes d’attaques comparent un chien dangereux à une arme chargée dont on ne sait quand on appuiera sur la gâchette. « Les sentences sont loin d’avoir la même sévérité, pourtant », illustre Mme Castaigne.

Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.

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