Jody Matthew Burke, cet entraîneur d’arts martiaux mixtes qui s’identifie comme une femme depuis qu’il a été reconnu coupable d’agressions sexuelles extrêmement violentes sur son ex-conjointe, affiche le plus haut risque de récidive violente possible dans une des échelles d’évaluation du Service correctionnel du Canada. Mais aucun outil n’existe pour évaluer ce risque s’il entreprend une opération de réassignation sexuelle, comme il dit en avoir l’intention.

L’individu de 46 ans, incarcéré depuis 2017 après avoir notamment mis un couteau sur la gorge de sa conjointe en la forçant à avoir une relation sexuelle, a annoncé son intention de devenir « Amber » au tout début des observations sur la peine. Il a récemment indiqué à son avocate avoir entrepris des démarches pour subir une opération de réassignation sexuelle, selon le psychologue Jean-Philippe Vaillancourt, l’expert psycholégal embauché par la défense pour évaluer son risque de récidive.

Une politique officialisée en mai dernier par le Service correctionnel du Canada permet à tout détenu d’être incarcéré dans le pénitencier qui correspond à l’identité de genre à laquelle il s’identifie, peu importe son sexe à la naissance. Plus d’une douzaine de détenues transgenres ont été transférées dans des prisons pour femmes, qui offrent un milieu carcéral moins dur, en vertu de cette politique.

Burke, qui en est à sa troisième condamnation pour des agressions sexuelles sordides répétées contre d’ex-conjointes, risque d’être déclaré « délinquant dangereux », un statut menant aux peines les plus sévères prévues au Code criminel, d’une durée indéterminée.

Menaces de suicide

Le rapport de l’expert psycholégal souligne que Burke menace de se suicider « s’il devait être condamné à perpétuité [et contraint] de vivre son mode de vie « trans » entouré d’hommes dans un milieu carcéral [masculin] ».

Le rapport évalue que le délinquant sexuel n’a pas les caractéristiques d’un psychopathe, mais qu’il a les mêmes traits que des délinquants qui récidivent dans une proportion de 76 % cinq ans après leur libération, et de 87 % après 12 ans. « 97 % des détenus ont un score de risque plus bas », a souligné M. Vaillancourt lors d’une audience au palais de justice de Montréal, vendredi.

Selon lui, Burke a toutefois davantage les caractéristiques d’un « délinquant à contrôler », un statut qui lui permettrait théoriquement de sortir de prison après 10 ans. Une autre échelle d’évaluation utilisée par le SCC indique que Burke a un risque de récidive « au-dessus de la moyenne », ce qui est le cas pour 20 % des délinquants, mais qu’il n’appartient pas à la catégorie « bien au-dessus de la moyenne » (8 % des délinquants ».

L’évaluation du risque qui a mené à cette conclusion n’aurait toutefois aucune valeur si Burke complète son processus de changement de sexe, puisque « les outils que j’utilise sont validés sur des hommes, pas sur des femmes », a résumé le psychologue dans son rapport.

Il n’existe à notre connaissance aucune étude qui documente de façon probante des changements aux taux de récidive (peu importe le type de récidive) à la suite d’un changement de sexe.

Jean-Philippe Vaillancourt, expert psycholégal embauché par la défense

« L’hormonothérapie pourrait venir atténuer le risque de récidive sexuelle et violente », souligne toutefois le document.

Une tentative de manipulation ?

Condamné pour la première fois alors qu’il était mineur, Burke a été décrit dans une décision du juge Jean-Jacques Gagné comme un être manipulateur, « focalisé sur lui-même », qui « manque d’empathie », et qui cherche à être vu comme « une victime de la police, du tribunal » et de son ex-conjointe. Lors d’une précédente incarcération, il s’est converti au judaïsme en prison, ce qui lui permettait de participer à certaines activités, mais il n’a jamais pratiqué cette religion une fois libéré, selon son ex-conjointe.

La Couronne a demandé au psychologue Jean-Philippe Vaillancourt, lors de son témoignage, si le fait que Burke évoque la possibilité de se suicider s’il demeure incarcéré dans une prison pour hommes pouvait constituer « une tentative de [le] manipuler ». « Je ne le vois pas de cette façon », a répondu le psychologue, soulignant qu’il est « presque impossible » pour une femme trans de vivre dans un pénitencier masculin. « Je sais qu’il y a des accommodements possibles, mais je n’ai pas vu ça comme une tentative de me manipuler », a-t-il insisté.

Le juge Jean-Jacques Gagné a quant à lui assuré que l’éventuel « changement d’orientation de genre » du délinquant sexuel n’allait « pas influencer [sa] décision ».

« Je prends acte de ce qu’il [Jody Matthew Burke] a dit à la cour, au psychiatre, au psychologue, parce que ça fait partie de la preuve, mais ce changement n’influencera pas ma décision », a-t-il déclaré.

Précision : une version précédente de ce texte laissait erronément croire que Burke correspond au plus haut risque de récidive violente dans toutes les échelles d’évaluation utilisées par le SCC. Or ce n’est pas le cas pour une des échelles utilisées. Nos excuses.