Un ex-entraîneur de patinage artistique de haut niveau a été reconnu coupable d’avoir agressé sexuellement un adolescent dans les années 1980. Richard Gauthier a abusé de son autorité pour prendre une douche et coucher nu avec son athlète « chouchou », selon la juge, qui a rejeté en bloc sa défense.

« Non seulement l’accusé n’est pas crédible, mais de plus, son témoignage n’est pas fiable. Il contient certains ajouts, des contradictions flagrantes, et évolue au fil des questions posées en contre-interrogatoire », a conclu mercredi la juge Josée Bélanger au palais de justice de Montréal.

Pendant la lecture du jugement, Richard Gauthier hochait parfois de la tête de gauche à droite pour signaler sa réprobation. Jusqu’à sa mise en accusation en 2020, l’homme de 61 ans jouissait d’une immense réputation dans le milieu du patinage artistique canadien, ayant même été intronisé au Temple de la renommée en 2017. Il est depuis suspendu par Patinage Canada.

Sa victime, un homme dans la cinquantaine, était visiblement émue au terme de l’audience. Son témoignage a été presque entièrement retenu par la juge, bien que les faits remontent à presque 40 ans.

« J’espère que cette décision va envoyer un message positif à tous les survivants qui ont vécu des agressions sexuelles dans le passé. Le passage du temps n’efface pas les actes et, surtout, ne vient pas miner la crédibilité. J’espère que cette décision pourra encourager les victimes à dénoncer », a insisté la procureure de la Couronne MAmélie Rivard après le jugement.

« Il passait par les fesses »

Une journée de 1984, Clément* se retrouve dans l’appartement de son entraîneur de patinage artistique de haut niveau. Âgé d’une vingtaine d’années, Richard Gauthier est alors bien conscient que son protégé de 14 ans l’admire. Leur relation fait même des jaloux chez les autres patineurs du club.

Après une baignade dans la piscine de l’immeuble, Richard Gauthier démarre un « bain sauna » dans sa petite salle de bain. L’entraîneur et la victime finissent par se laver « mutuellement » dans la douche. « Il me demandait de le laver. Il me lavait le dos, les jambes et passait par les fesses », a témoigné Clément.

Au procès, Richard Gauthier s’est défendu d’avoir touché la victime. Il s’est toutefois contredit sur certains éléments importants, dont la présence de serviettes pour se cacher et l’érection de la victime. La juge ne l’a donc pas cru.

Après la douche, Richard Gauthier s’est couché nu en position « cuillère » auprès du jeune athlète qui était également nu. « Il me disait : “Je t’aime, t’es comme mon petit frère.” Je sentais son sexe collé contre moi », a témoigné Clément. Pendant ce même évènement, l’accusé s’est assis sur la victime et lui a massé les jambes en frôlant ses testicules. Une expérience traumatisante pour la victime.

Une explication « illogique et saugrenue »

Richard Gauthier a expliqué au procès être resté nu dans le lit pour ne pas rendre mal à l’aise le garçon. Une explication « illogique et saugrenue », selon la juge Bélanger, puisque l’accusé s’était déjà retrouvé nu avec la victime dans la salle de bain.

Selon la juge, Richard Gauthier a tenté de donner une version « édulcorée » des évènements. Or, l’accusé avait un intérêt sexuel pour la victime, conclut la juge. De plus, il savait que la situation était « anormale » et qu’il était sur un « terrain glissant », comme il avait dit aux policiers.

« Il note deux semi-érections chez le plaignant, malgré cela, il prend une douche avec lui, il le lave, alors qu’ils sont toujours nus tous les deux, puis couchent ensemble, dans le même lit », résume la juge. Ainsi, même s’il était conscient des risques, il a persisté dans ses agissements. Et le garçon ne consentait pas, selon la juge.

Toutefois, la juge n’a pas retenu deux éléments du témoignage de la victime. Ainsi, elle n’a pas été convaincue que Richard Gauthier s’était masturbé dans le lit à côté de l’adolescent. Le témoignage de Clément, « bien que sincère, est imprécis et manque de fiabilité » à ce sujet. Également, la juge ne croit pas que la victime se soit masturbée dans la piscine, alors que son entraîneur le regardait.

Richard Gauthier a ainsi été condamné à des chefs d’agression sexuelle et de grossière indécence. Il est défendu par MGiuseppe Battista.

*Prénom fictif pour protéger l’identité de la victime