Un groupe de défense des droits civiques réclame la publication de toute preuve vidéo de la scène ayant mené à la mort de Nicous d’Andre Spring le 24 décembre dernier à la prison de Bordeaux, où il était détenu illégalement.

En conférence de presse samedi, la Coalition rouge a également réclamé le déclenchement d’une enquête publique du coroner, une autopsie indépendante du corps du jeune homme et la création d’un comité citoyen de révision du système carcéral au Québec.

« La famille a très peu d’informations, peu importe d’où, à savoir [ce qui s’est vraiment passé], mais c’est raisonnable de penser qu’il y a de la vidéo, et on demande qu’elle soit rendue publique », a insisté le directeur du profilage racial et de la sécurité publique de la Coalition rouge, Alain Babineau.

Il y a des versions des personnes sur les lieux, mais la famille n’y croit pas, la communauté n’y croit pas, et quoi de mieux qu’une vidéo pour comprendre ce qui s’est passé, comme lors des interventions policières.

Alain Babineau, directeur du profilage racial et de la sécurité publique de la Coalition rouge

Selon cet ancien agent de la Gendarmerie royale du Canada, ces demandes sont faites entre autres parce que la famille et les proches de Nicous d’Andre Spring n’ont plus confiance dans les institutions québécoises.

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Alain Babineau, de la Coalition rouge

« Lorsqu’une communauté perd confiance dans ses institutions gouvernementales, les communautés ne croient plus aux rapports qui sortent des institutions gouvernementales, donc c’est normal de demander que des entités indépendantes puissent se pencher [là-dessus] », a poursuivi Alain Babineau.

Plus largement, la Coalition rouge voit dans la mort de Nicous d’Andre Spring une preuve de plus du racisme systémique dont est affecté l’État québécois.

Au Canada, les personnes noires représentent 9,2 % de la population incarcérée, mais seulement 3,5 % de la population canadienne, a rappelé Alain Babineau.

Sa famille, qui devait initialement s’adresser aux médias samedi, s’est finalement désistée. « La famille a été confrontée à une immense pression, comme vous pouvez l’imaginer », a indiqué Alain Babineau.

« Un pattern »

Nicous D’Andre Spring est mort après une intervention des agents correctionnels à la prison de Bordeaux le 24 décembre dernier. Il aurait dû être libéré la veille après une visioconférence, tout comme deux autres personnes dans la même situation, et se trouvait donc en détention illégale lors de l’intervention qui a précédé sa mort.

Une série de manquements dans l’utilisation du gaz poivre auraient précédé sa mort, a ensuite appris La Presse de diverses sources.

Depuis, un agent correctionnel et le chef d’unité impliqué dans l’intervention ont été suspendus. Ces suspensions ne sont toutefois pas suffisantes, estime un membre de la communauté noire de Montréal, le professeur au collège John Abbott David Austin.

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David Austin, professeur au collège John Abbott

Ça ne peut pas se résumer à de l’inexpérience. C’est un pattern qui dure depuis des décennies. Suspendre quelques personnes ne permettra pas de s’attaquer à ce problème.

David Austin, professeur au collège John Abbott

Ce dernier a pris le temps de rappeler les faits pour montrer l’ampleur du drame. « Ils lui ont mis un masque anticrachat, ils l’ont poivré, ils l’ont probablement battu. Ce qui nous est décrit, c’est une simulation de noyade. Prenons un moment et pensons à ça, c’est une forme de torture », a-t-il expliqué, visiblement sous le choc.

La Sûreté du Québec (SQ) a ouvert une enquête criminelle et le ministère de la Sécurité publique une enquête administrative. Le Bureau du coroner doit également se pencher sur les causes et les circonstances de la mort du détenu.