(Québec) L’ancien député péquiste Harold LeBel a été déclaré coupable d’agression sexuelle, mercredi au palais de justice de Rimouski, à l’issue d’un procès de deux semaines.

Le jury a rendu son verdict après deux jours de délibérations. Les 12 jurés – 9 femmes et 3 hommes – en sont venus à la conclusion unanime que l’homme avait agressé la plaignante hors de tout doute raisonnable en octobre 2017.

L’accusé a regardé vers le sol et son avocat s’est pris la tête entre les mains. « C’est un choc pour tous », a lancé au juge, quelques instants après la lecture du verdict, MMaxime Roy.

La procureure de la Couronne s’est quant à elle réjouie du verdict. « On est très satisfaits du verdict qui a été rendu, je ne vous le cacherai pas. Le jury a fait de toute évidence un travail remarquable, a dit MManon Gaudreault. Ils ont analysé la preuve et ils en sont arrivés au verdict qui était attendu. »

Les jurés avaient demandé mardi de réécouter le témoignage que la plaignante avait fait de cette soirée survenue il y a plus de cinq ans. Rappelons qu’elle dit avoir vécu une « nuit interminable » dans l’appartement rimouskois de l’ex-politicien, de quelque 30 ans son aîné.

Elle a dormi avec une collègue chez M. LeBel dans le cadre d’un déplacement professionnel. La soirée se déroulait sans anicroche et son amie était partie se coucher dans une chambre quand l’homme a soudainement et sans avertissement tenté d’embrasser la victime.

La jeune femme, dont l’identité est toujours protégée par une ordonnance de la cour, a expliqué au tribunal qu’il avait ensuite dégrafé son soutien-gorge, puis qu’il avait passé la nuit à lui faire des attouchements alors qu’elle restait immobile, incapable de dormir.

L’ex-politicien de 60 ans clamait son innocence. Il a plutôt raconté au tribunal que leur baiser était consensuel. Selon lui, il s’est simplement couché dans le même lit que la plaignante, puis s’est réveillé avec les bras sur elle au hasard du sommeil. Le jury ne l’a pas cru.

L’homme est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans. Après le verdict, son avocat a fait savoir à La Presse qu’il n’entendait faire aucun commentaire pour l’instant, notamment quant à un éventuel appel. Les parties ont été convoquées le 6 décembre en vue des observations sur la peine.

Rappelons qu’Harold LeBel a été exclu du caucus du Parti québécois en décembre 2020 dans la foulée de son arrestation. L’homme avait été élu député de Rimouski en 2014 puis réélu en 2018. Il ne s’est pas représenté aux élections d’octobre dernier.

« Merci de m’avoir laissé te coller »

En plus du témoignage – très éloquent – de la victime, la Couronne avait présenté au tribunal des échanges entre les deux. Dans un texto envoyé au lendemain des évènements, Harold LeBel écrivait : « Merci de m’avoir laissé te coller ».

Dans une série de courriels en février 2020, M. LeBel demandait pardon à la plaignante et écrivait : « Je n’ai aucun souvenir de tout ça. »

« Vous, est-ce que vous vous excusez pour des choses que vous n’avez pas faites ? Est-ce que vous regrettez des gestes que vous n’avez pas posés ? », avait demandé au jury la procureure de la Couronne, MManon Gaudreault.

La plaignante avait expliqué au tribunal qu’elle avait attendu près de trois ans avant de porter plainte parce qu’elle avait peur de dénoncer un député qui avait « une super réputation » et qui était aimé de tous.

C’est l’arrestation de l’ancien chef péquiste André Boisclair, en mai 2020, qui l’avait convaincue de contacter la police. « Ça m’a vraiment marquée. Parce que dans les cercles politiques, il y avait beaucoup de ouï-dire sur André Boisclair […]. Des gens étaient probablement au courant », a raconté la plaignante au palais de justice de Rimouski.

Elle dit avoir commencé à se demander si d’autres personnes pourraient devenir des victimes d’Harold LeBel si elle gardait le silence.

Arguments de la défense

Dans ses plaidoiries, l’avocat de M. LeBel avait tenté de soulever des invraisemblances dans le témoignage de la jeune femme.

MMaxime Roy se disait étonné que son client ait réussi « du premier coup, à une main, à dégrafer son soutien-gorge ». Ou encore que la plaignante soit allée se coucher après l’épisode du baiser et du soutien-gorge sans se soucier « du sort de son amie qui dort à côté ».

L’avocat de la défense avait aussi demandé au juge, dans une manœuvre rarissime, de reconvoquer la plaignante devant le tribunal lundi. Elle a donc fait la route jusqu’à Rimouski.

MRoy avait appris qu’elle participait à un documentaire dans lequel elle entendait révéler son identité. Cela entachait sa sincérité, selon lui, car elle n’en avait pas parlé au jury ni aux procureurs de la Couronne. Les jurés n’en ont vraisemblablement pas fait grand cas.

Avec Radio-Canada