Le Collège des médecins du Québec (CMQ) attendra le verdict de son conseil de discipline avant de se prononcer sur le cas de la Dre Isabelle Desormeau, cette anesthésiste impliquée dans une enquête policière pour « euthanasie » à Laval, dont l’identité a été révélée mercredi à l’issue de deux ans de procédures.

Dans les dernières années, Mme Desormeau, qui ne pratique plus depuis les évènements, a multiplié les requêtes judiciaires pour que son identité soit protégée, en se disant inquiète du « préjudice » que l’inverse pourrait lui causer. Début décembre, elle s’était même rendue jusqu’en Cour suprême, où sa demande d’en appeler d’un jugement de la Cour supérieure à ce sujet a été rejetée.

C’est la juge Hélène Di Salvo de la Cour supérieure qui a finalement levé les ordonnances de non-publication à l’endroit de la Dre Desormeau, lors d’une brève audience mercredi midi. Les deux médecins considérés comme des « témoins » dans l’enquête, le DHubert Veilleux et le DJoseph Dahine, peuvent aussi être dorénavant nommés.

Isabelle Desormeau est au cœur d’une affaire, révélée par La Presse, à la Cité-de-la-Santé de Laval, où plusieurs membres du personnel bouleversés ont qualifié « d’euthanasie » la mort d’un homme de 84 ans dans un bloc opératoire où régnait la discorde, en 2019. Le choc a été tel qu’un dirigeant de l’établissement a alerté la police, qui a ouvert une enquête pour meurtre.

(Re)lisez « Hôpital de la Cité-de-la-Santé de Laval : Mort suspecte au bloc opératoire »

Au moment des faits, le Bureau du syndic avait déposé une plainte disciplinaire devant le conseil de discipline contre l’anesthésiste. Mais deux ans plus tard, cette plainte n’a « pas encore procédé devant le conseil de discipline en raison de diverses procédures préliminaires qui sont hors de notre contrôle », explique la porte-parole du CMQ, Leslie Labranche, citant notamment la lourdeur juridique du dossier.

Lorsqu’un médecin fait l’objet d’une plainte disciplinaire, le conseil de discipline du Collège doit juger « si le médecin est coupable ou non coupable ». S’il est coupable, des auditions sur sanction se tiennent. Ainsi, si la Dre Desormeau est jugée coupable, elle pourrait faire face à divers niveaux de sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions, allant de la simple réprimande à la radiation permanente.

Il y a deux semaines, la police de Laval s’est vu refuser l’accès à ce dossier d’enquête disciplinaire. La Cour a en effet rejeté la requête du corps policier le 25 novembre, jugeant que le dossier d’enquête du syndic du CMQ est protégé par un privilège « à portée absolue ». La juge Di Salvo avait aussi indiqué que la police « aurait pu faire plus » dans son travail d’enquête, qui semble actuellement être au point mort.

Rappel des faits

Cette affaire remonte au 31 octobre 2019. Ce jour-là, un homme de 84 ans, dont l’identité est toujours protégée, se rend à l’hôpital de la Cité-de-la-Santé pour des maux de ventre. On lui diagnostique une « occlusion intestinale nécessitant une opération chirurgicale ». Le DHubert Veilleux, qui est chirurgien général, et la Dre Desormeau rencontrent le patient pour lui expliquer les risques associés à l’opération. L’homme consent à des soins « Objectif B : prolonger la vie par des soins limités ».

L’opération commence vers 2 h du matin. On administre un sédatif au patient. Pendant l’opération, le DVeilleux découvre « de la nécrose sur d’importants segments de son intestin grêle ». Il joint alors un membre de la famille. Au téléphone, le DVeilleux explique à la nièce du patient – dont l’identité est aussi protégée – que de « poursuivre l’opération entraînerait la nécessité que le patient ait un sac » et qu’il soit hospitalisé de façon prolongée. Il est donc décidé de « conclure l’opération et d’offrir un traitement palliatif ».

De retour en salle d’opération, le chirurgien « referme la paroi abdominale du patient ». Mais c’est alors qu’un débat est survenu entre l’anesthésiste et des infirmières. La première remet en question « l’utilité de trouver une chambre au patient alors que celui-ci pourrait être amené directement à la morgue », en répétant que l’homme « n’a personne pour l’accompagner » en soins palliatifs. Une infirmière rétorque que le patient a une fille.

Malgré tout, l’anesthésiste choisit de faire une injection au patient et de le débrancher du respirateur vers 4 h 45. Au moment de l’injection, l’infirmière affirme avoir « dit à quelques reprises que ce n’est pas la procédure à suivre et que le patient doit être retourné à l’étage pour y mourir dans la dignité ».