« Cela fait plusieurs années que je demande à la SQ d’agir sur le territoire, surtout depuis la légalisation de la marijuana. C’est comme un bar ouvert pour le crime organisé qui peut y vendre du cannabis presque légalement », a réagi le maire d’Oka, Pascal Quevillon, au meurtre d’Arsène Mompoint.

Le chef de gang, considéré par la police comme un acteur influent du crime organisé montréalais et un contractuel pour la mafia et d’autres groupes criminels, a été tué de plusieurs balles jeudi après-midi dans un dispensaire de cannabis du territoire autochtone de Kanesatake.

PHOTO FOURNIE

Le défunt chef de clan de la mafia, Andrew Scoppa, à gauche, et le chef de gang Arsène Mompoint, à droite, lors d’une filature policière effectuée en 2016, durant l’enquête Estacade qui visait Scoppa.

La Sûreté du Québec, qui enquête, a retrouvé vendredi un véhicule incendié à Oka qui correspondrait au véhicule utilisé par le tueur. Elle a également publié une photo de ce dernier.

« Je ne sais pas pourquoi M. Mompoint a été assassiné. Est-ce que c’est une vengeance, une guerre de territoire, ou autre chose ? Mais je ne suis pas heureux qu’un tel évènement soit survenu près de chez nous. C’est très insécurisant pour nos citoyens », a ajouté le maire d’Oka en entrevue à La Presse.

M. Quevillon espère que « les gouvernements fédéral et provincial vont agir » pour régler le problème de la présence du crime organisé sur le territoire autochtone et des cabanes de vente de cannabis qui pullulent sur la route 344.

Il milite pour la création d’une escouade policière mixte bien équipée qui pourra entrer sur le territoire pour « faire le ménage ». Il n’exclut pas que des policiers autochtones pourraient faire partie de cette escouade. Il croit qu’un corps de police autochtone pourrait éventuellement être créé sur le territoire mais pas avant que le « ménage ait été fait car actuellement, il ne durerait pas une semaine », dit-il.

M. Quevillon, qui a vécu et grandi à Oka, dit avoir constaté une « évolution négative » à Kanesatake depuis la crise de 1990, et plus particulièrement depuis que l’ancien chef James Gabriel a été chassé du territoire et que sa maison a été incendiée au début des années 2000. Il croit qu’une autre étape a été franchie après la légalisation de la marijuana il y a quelques années.

« C’est le bordel et le party », dit-il. « Ça prend une escouade pour reprendre le contrôle. Actuellement, c’est une zone de non-droit. Avec la légalisation de la marijuana, le crime organisé a vu la faille, il est venu sur le territoire et a offert de l’argent pour vendre du cannabis », conclut M. Quevillon selon lequel il y a actuellement entre 30 et 35 cabanes de vente de cannabis sur la route 344 à Kanesatake, sur une distance de 8 kilomètres.

La Presse a envoyé un courriel au chef du Conseil de bande de Kanesatake, Serge Otis Simon, pour obtenir ses commentaires mais au moment d’écrire ces lignes, nous n’avions pas encore eu de réponse.

La signature des motards ?

Arsène Mompoint, 47 ans, aurait été abattu de plusieurs projectiles d’arme à feu à la tête tirés par un individu au visage caché, alors qu’il se trouvait dans un dispensaire de cannabis, le Green Room, sur le rang Saint-Michel (ou route 344) à Kanesatake.

Selon nos informations, Mompoint était attablé avec d’autres individus, assis dos à l’entrée, lorsque le suspect s’est approché tranquillement de lui par derrière, a sorti une arme de poing de la poche avant de son chandail kangourou et a ouvert le feu, avant de prendre la fuite à pied.

Vendredi matin, la Sûreté du Québec a annoncé avoir retrouvé, à Oka, un VUS vieux modèle de marque Ford de couleur pâle incendié, qui pourrait être le véhicule qui aurait servi au meurtrier. Des expertises le confirmeront. Le véhicule a été retrouvé dans un secteur isolé du rang Sainte-Sophie, à une dizaine de kilomètres des lieux du meurtre.

PHOTO FOURNIE PAR LA SÛRETÉ DU QUÉBEC

La SQ a publié vendredi la photo du véhicule utilisé par le meurtrier.

À une certaine époque, incendier un véhicule qui a servi à commettre un meurtre était considérée par la police comme la marque des motards.

La SQ a aussi publié une photo du suspect, un homme qui portait une casquette noire, un chandail à capuchon gris, un pantalon noir et dont le visage était couvert d’un bandana gris.

L’individu a vraisemblablement été capté par des caméras de surveillance, notamment au Green Room. Il pourrait avoir agi seul au moment du crime mais pourrait avoir été recueilli par un complice après l’abandon possible du véhicule de fuite.

PHOTO FOURNIE PAR LA SÛRETÉ DU QUÉBEC

Une photo du suspect tirée d’une vidéo tournée par une caméra de surveillance.

La SQ demande à toute personne ayant des informations pouvant mener à l’identification et à l’arrestation du suspect de communiquer de façon confidentielle avec sa Centrale de l’information criminelle au 1 800 659-4264.

D’après nos informations, la collaboration entre les enquêteurs des Crimes contre la personne de la SQ et les membres de la communauté mohawk serait bonne.

Un homme marqué

C’est au Green Room qu’au eu lieu l’important rassemblement survenu il y a deux semaines à Kanesatake. Selon nos informations, Arsène Mompoint aurait été impliqué dans cet évènement et aurait été avisé récemment qu’il n’était plus le bienvenu sur le territoire autochtone.

Un observateur avisé du crime organisé montréalais consulté par La Presse et qui a requis l’anonymat, croit que le meurtre de Mompoint ne serait pas lié à un conflit avec des autochtones. Il se questionne également sur le fait que le tueur ait pu ainsi s’approcher de sa victime sur un territoire où pourtant, la présence d’un étranger est souvent rapidement décelée.

Selon nos informations, Arsène Mompoint aurait été impliqué ou aurait commandité plusieurs meurtres et autres crimes survenus ces dernières années dans la région de Montréal et même dans d’autres pays.

C’était connu qu’il était en conflit avec d’autres acteurs importants du crime organisé montréalais.

Mompoint avait été arrêté lors d’une enquête antidrogue du SPVM et il était sorti de prison depuis la mi-avril.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.