Le transport collectif est une mission de l’État québécois, et ce « pour des raisons évidentes », a rétorqué jeudi la mairesse de Montréal, Valérie Plante, à la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault. Le maire de Québec a quant à lui accusé la ministre de ramener le Québec au Temps d’une paix.
« Les propos de la ministre d’hier [mercredi], c’est sûr que ça amène un éclairage différent. Je ne suis pas là pour lancer des roches, mais c’est important pour moi de rappeler à tous les Québécois et à la ministre que oui, le transport collectif, c’est une mission de l’État. […] Ce l’est pour des raisons évidentes, des raisons pour lesquelles on contribue tous et toutes », a dit jeudi Mme Plante, en ouverture du conseil d’administration de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), qu’elle préside.
Visiblement piquée au vif, Mme Plante a invité la ministre « à venir dans le métro le matin, à venir prendre l’autobus à Laval, puis attendre longtemps dans les couronnes parce qu’il y a juste un autobus qui passe une fois par heure ».
Son homologue de Québec a aussi été pour le moins échaudé par les propos de la ministre. Bruno Marchand a dit jeudi aux journalistes qu’il n’avait plus confiance en Mme Guilbault, mais n’a pas demandé sa démission, s’en remettant au premier ministre.
« Je n’ai pas confiance en Mme Guilbault parce qu’il n’y a pas de vision pour la mobilité durable. Les transports, pour elle, c’est de développer des routes […] Avec ça, on revient au Temps d’une paix. Ce n’est pas le Québec auquel je rêve », a lancé M. Marchand, en référence à cette populaire série québécoise campée dans l’entre-deux-guerres.
« Présentement, Mme Guilbault ne présente aucune vision. C’est hyper décevant. Ça nous ramène dans les années 60, avec un ministère de la mobilité durable, qu’elle a elle-même nommé “mobilité durable” pour lequel il y a juste les routes qui importent », a ajouté le maire de Québec.
Valérie Plante, elle, estime que les investissements qu’a faits Québec dans le transport collectif durant la pandémie – évalués à environ deux milliards – ne devraient pas être utilisés comme argument pour justifier moins d’argent gouvernemental.
« Merci, madame la ministre, mais c’était nécessaire, comme on aurait soutenu la reconstruction d’un pont ou d’une route », a persisté Mme Plante, en rappelant que pendant ce temps, les villes ont étendu et augmenté la taxe sur l’immatriculation à tout le 450. « On a mis nos culottes, ce n’était pas le fun, mais on l’a fait, parce qu’on trouvait que c’était une façon d’amener une source de revenus. »
À ceux et celles qui se demandent « pourquoi les gens de Baie-Comeau devraient payer pour le transport collectif dans la région métropolitaine », Mme Plante rétorque « que la région métropolitaine, c’est la moitié de la population du Québec ». « Nous, on appuie la mission de l’état qui est de soutenir l’industrie minière en Abitibi […] et l’industrie forestière au Saguenay », a-t-elle illustré.
Patience, le mot d’ordre
Son discours s’est conclu par l’adoption d’une résolution de la CMM. Celle-ci a formellement demandé à l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) d’attendre que son comité exécutif rencontre la ministre des Transports, afin qu’elle précise la contribution gouvernementale au transport collectif, « avant d’adopter toute décision visant à réduire l’offre de service ».
En 2025, seulement dans le Grand Montréal, le manque à gagner des sociétés de transport est évalué à 561 millions de dollars. À ce jour, « la contribution financière du gouvernement du Québec est limitée à seulement 147,1 millions », a indiqué jeudi le directeur général de la CMM, Massimo Iezzoni.
« Ce niveau d’aide financière est insuffisant et laisserait plus de 414 millions à la charge des municipalités, de la Communauté métropolitaine de Montréal, des usagers, des automobilistes et des opérateurs de transport en réduction de service », a-t-il dit.
Quant aux audits de performance, que le gouvernement conduit présentement sur les dix sociétés de transport, « ils étaient prévus en mai, mais on nous apprend qu’ils vont arriver en septembre », a dénoncé la mairesse. « La rencontre qu’on souhaite avec la ministre […] on nous dit que ça va être en juin. Tout ça nous met dans une situation où on ne prend pas les bonnes décisions, on ne réfléchit pas de façon intelligente. »
L’Union des municipalités du Québec (UMQ) a par ailleurs annoncé jeudi la tenue d’un Rendez-vous national sur l’avenir du transport collectif, le 10 mai prochain à Drummondville. « Il est temps de faire du transport collectif une priorité nationale. Le gouvernement du Québec doit prendre acte des demandes du milieu municipal et assumer ses responsabilités », a expliqué son président, Martin Damphousse, en invitant la ministre Guilbault à y être.