Les « poubelles intelligentes » devaient améliorer la collecte des déchets sur les artères commerciales de Montréal. Mais le premier arrondissement à les avoir adoptées y renonce, estimant que ces poubelles, qui coûtent entre 10 000 $ et 15 000 $ la paire, n’en valent pas le coup. Ce qui n’empêche pas d’autres arrondissements de continuer à en acheter.

Ces poubelles installées en paires pour recueillir ordures et articles recyclables, qui compactent les matières et envoient un signal lorsqu’elles sont pleines, ont une capacité cinq fois supérieure aux équipements traditionnels. Elles devaient permettre d’économiser en réduisant la fréquence des ramassages.

Mais selon l’arrondissement du Sud-Ouest, qui a été le premier à acheter 58 de ces poubelles intelligentes de la marque BigBelly depuis 2017-2018, « peu d’économies ont été réalisées à ce jour », malgré une facture de 475 000 $. Le système de compaction et le signal indiquant le niveau de remplissage fonctionnent grâce à des panneaux solaires.

« Compte tenu du coût élevé de l’achat, nous n’avons pas acquis de nouvelles poubelles intelligentes depuis et ne planifions pas faire d’ajout. Au prochain bris, elles seront retirées et remplacées par des paniers conventionnels », indique, dans une réponse écrite, la responsable des communications de l’arrondissement, Marie-Noëlle Hébert.

Depuis 2017, 13 paires de poubelles BigBelly ont été « accidentées » et retirées des trottoirs de l’arrondissement, mais Mme Hébert n’est pas en mesure de préciser si elles ont été heurtées par de la machinerie ou si elles ont connu des problèmes de fonctionnement. Sept de ces poubelles ont été montrées récemment lors de l’émission Infoman à Radio-Canada, dans un entrepôt où elles sont conservées au cas où on aurait besoin de certaines pièces pour des réparations.

Une fonction inutilisée

Il faut savoir que la fonction d’alerte, qui permet de savoir quand ces poubelles ont besoin d’être vidées, n’est pas utilisée par le Sud-Ouest, qui préfère les vider en même temps que les poubelles ordinaires qui se trouvent sur le même parcours. L’arrondissement dit l’avoir testée, mais avoir remarqué, au fil des ans, que la fonction s’accordait mal à la réalité dans son secteur.

Seul avantage : l’utilisation du système de compaction permet d’éviter une seconde collecte dans les secteurs très achalandés et ainsi de gagner du temps, souligne Mme Hébert.

Le Sud-Ouest est l’arrondissement qui a installé le plus grand nombre de poubelles intelligentes, mais son bilan mitigé ne semble pas avoir été transmis aux autres arrondissements.

Dernièrement, des duos BigBelly ont fait leur apparition ailleurs :

  • 8 dans Rosemont–La Petite-Patrie depuis 2019 ;
  • 4 dans Ahuntsic–Cartierville en 2023 ;
  • 13 dans Anjou en 2023 ;
  • 5 dans Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension en octobre 2023.

Dans d’autres arrondissements, les éboueurs ne se déplacent que lorsque les poubelles envoient le signal indiquant qu’elles ont besoin d’être vidées.

C’est le cas dans Anjou, où l’installation a été faite il y a huit mois. « Nous n’avons pas encore compilé de données statistiques, mais les premiers constats sur le terrain démontrent des gains réels. Les fréquences de ramassage sont beaucoup plus espacées et les employés se déplacent uniquement lorsqu’ils reçoivent le signal qu’elles doivent être vidées », indique Annie Laroche, porte-parole de l’arrondissement, dans une réponse écrite. « Nous avons également remarqué des améliorations notables de la propreté autour des poubelles situées dans les secteurs plus achalandés, car elles ne débordent pas. »

Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, qui utilise ces poubelles depuis peu, se sert aussi de la fonction d’alerte. « On fait la collecte seulement si nécessaire. Grâce à l’indicateur de charge, quand un employé passe et qu’il voit la poubelle à moitié pleine, il ne la vide pas », explique Benjamin Puji, chef de division voirie pour l’arrondissement, qui est le seul à avoir accepté de nous donner une entrevue à ce sujet.

Cependant, comme dans le Sud-Ouest, les employés se servent peu de la fonction de signal à distance pour connaître le niveau de remplissage, révèle M. Puji. Les camions de ramassage sillonnent de toute façon les rues pour vider les 350 poubelles de l’arrondissement, tous les jours sur les grands axes de circulation. Les éboueurs peuvent donc faire le constat lors de leur passage, note-t-il.

« Nous sommes encore au début de notre expérimentation, on cherche toujours des façons de mieux servir notre clientèle », conclut M. Puji.

QU’EST-CE QU’UNE POUBELLE INTELLIGENTE ?

Les poubelles intelligentes de la marque américaine BigBelly comportent un système de compaction des ordures et des matières recyclables. Les modèles les plus gros peuvent contenir cinq fois plus que les poubelles municipales normales.

Ce système fonctionne à l’énergie solaire, grâce à des capteurs se trouvant sur le dessus des poubelles. Leur installation n’exige donc pas d’infrastructures électriques.

La poubelle indique son niveau de remplissage grâce à un voyant clignotant qui change du vert au jaune, puis au rouge.

Elle communique aussi à distance pour permettre aux équipes de ramassage de savoir quand elle a besoin d’être vidée.