Le bruit du Réseau express métropolitain (REM) sera significativement réduit d’ici le printemps dans Griffintown, Pointe-Saint-Charles et L’Île-des-Sœurs. La Caisse de dépôt affirme avoir respecté ses promesses, mais le climat sonore aux abords du train léger demeurera néanmoins assez élevé.

L’histoire jusqu’ici

Mai 2023

Pour calmer la grogne suscitée par le bruit du passage des trains du REM, la Caisse de dépôt lance des tests sonores.

Juillet 2023

Le PDG de CDPQ Infra, Jean-Marc Arbaud, annonce l’arrivée de correctifs.

Septembre 2023

Les travaux de meulage et d’insertion d’absorbeurs dynamiques commencent. Le premier chantier se termine en janvier, l’autre est reporté au printemps.

Février 2024

Une réduction de 8 décibels du bruit généré par le train léger est annoncée.

« On est satisfaits parce que ça atteint les cibles qu’on s’était fixées lors des rencontres publiques en septembre 2023. On parle d’une réduction combinée de 8 décibels (dBA) », affirme Francis Labbé, directeur adjoint aux communications de CDPQ Infra, qui rendra public un rapport préliminaire sur le bruit ce jeudi.

Pressée d’apporter des changements, l’organisation avait évoqué en décembre des cibles de réduction du bruit aux passages des voitures d’« entre 5 et 10 dBA ».

L’été dernier, des mesures prises par La Presse avec un sonomètre avaient permis de constater que le bruit généré par le REM dépassait régulièrement les seuils jugés acceptables par les autorités, notamment dans le quartier Pointe-Saint-Charles1.

La situation avait alors préoccupé la Santé publique de Montréal, mais aussi bon nombre de riverains, forçant la Caisse de dépôt à déclencher une campagne de tests sonores entre L’Île-des-Sœurs et la gare Centrale. C’est à l’issue de celle-ci que la décision d’ajouter des mesures a été prise. Du meulage acoustique a depuis été réalisé sur les rails, afin de polir les rails pour réduire le bruit du frottement avec le train.

Des absorbeurs dynamiques devaient aussi être ajoutés d’ici décembre afin de réduire la propagation des vibrations, mais le chantier a pris du retard et ne sera conclu qu’au cours du printemps. Des travaux sont toujours réalisés de nuit, entre 1 h 30 et 5 h 30, sans nuire aux heures de service.

« Ça va être complété ce printemps. Ensuite de ça, on pourra revenir à la charge avec d’autres évaluations sonores. On va s’assurer de finir le travail », dit M. Labbé.

8 décibels en moins, mais…

Selon le rapport, le meulage acoustique de la voie, combiné à un « reprofilage des roues » du train, permet de réduire le bruit « de 4 à 5 dBA » selon le secteur. Les absorbeurs dynamiques, qui sont déjà partiellement terminés dans les secteurs de Marc-Cantin (Pointe-Saint-Charles) et de L’Île-des-Sœurs, engendreront à terme une réduction du bruit d’environ 4 dBA.

N’empêche, les données comprises dans l’analyse de CDPQ Infra montrent que le climat sonore demeurera élevé à proximité du train.

En bordure de la voie, on prévoit en effet que le passage du REM générera entre 84 et 88 dBA, selon le secteur, et ce, malgré le meulage. Avec l’ajout des absorbeurs dynamiques sur les rails, le niveau sonore serait ensuite abaissé à approximativement 84 dBA de façon constante.

L’expertise scientifique en la matière est claire. Selon le ministère de la Santé, « une exposition prolongée à des bruits forts, par exemple de plus de 75 dBA pendant 8 heures par jour, peut causer une perte d’audition ». « Le corps peut aussi réagir à des niveaux de bruit moins élevés : le sommeil peut être perturbé par un bruit de 40 dBA à l’extérieur », indique-t-on.

À plus long terme, une exposition au bruit est associée à une hausse du risque de maladies cardiovasculaires « à partir d’un niveau de 55 dBA sur une période de 24 heures ». À un seuil d’environ 80 dBA, tenir une conversation s’avère « difficile » et le bruit perçu peut ressembler à une usine ou un restaurant bruyant.

Francis Labbé rappelle toutefois qu’il faut prendre en compte « l’effet multiplicateur » du bruit. « Ce que nos experts nous disent, c’est que quand on atténue à la fois les décibels au niveau des vibrations et les décibels plus aériens au niveau du roulement, il y a un effet multiplicateur qui fait que le bruit ressenti peut être atténué de façon plus importante que le bruit réel », explique-t-il.

L’automne dernier, CDPQ Infra avait évoqué qu’une baisse de 5 à 10 dBA équivaudrait à « une baisse du niveau de bruit émis allant de 3 à 10 fois par rapport à la situation actuelle ». C’est que la relation entre le nombre de décibels et le bruit perçu est exponentielle. Autrement dit, un seul décibel peut avoir un grand impact. « Il faut aussi se rappeler que nos mesures ont été prises à courte distance des rails », ajoute M. Labbé.

Pas de garanties pour les autres tronçons

À ce stade-ci, rien n’indique que les mesures prises contre le bruit entre L’Île-des-Sœurs et la gare Centrale seront reproduites sur les autres antennes du REM qui seront inaugurées fin 2024, soit celles de Deux-Montagnes et de l’Anse-à-l’Orme, ni sur le tronçon vers l’aéroport prévu en 2027.

Tous les environnements sonores ne sont pas les mêmes. Sur la ligne Deux-Montagnes, on est au sol, contrairement à Griffintown, qui est en aérien avec une structure mélange béton et métal, donc la résonance du son n’est pas la même. On veut appliquer les bonnes mesures au bon endroit.

Francis Labbé, directeur adjoint aux communications de CDPQ Infra

Chez Action-Gardien, un organisme qui s’était mobilisé dans les derniers mois pour réclamer des mesures contre le bruit du REM, le porte-parole Simon Paquette affirme qu’il examinera le rapport avant de réagir. « On va refaire un sondage dans le quartier, au cours des prochains mois, pour voir si c’est suffisant pour les résidants. On veut vraiment avoir le pouls de tout le monde avant toute chose », explique-t-il.

Son groupe, qui avait rencontré les équipes de CDPQ Infra en décembre, demande notamment la tenue d’une autre analyse sur le bruit, « mais en contexte estival ». « On sait que le bruit généré peut différer en fonction de la saison, donc on pense que ça devrait aussi être fait plus tard cette année », ajoute M. Paquette.

1. Lisez « REM : “Le bruit, c’est partout, tout le temps” »