On leur avait promis un train léger « imperceptible », mais ils disent plutôt avoir droit à un son « agressant, tout le temps ». Le Réseau express métropolitain (REM), qui a entamé mercredi son ultime phase de tests, dépasse à certains moments les seuils jugés acceptables par la Santé publique en matière de bruit, a pu confirmer La Presse, une situation qui inquiète grandement certains riverains.

« C’est vraiment agressant », laisse tomber François-Marie Bertrand, qui habite rue Favard, tout près des installations ferroviaires, dans Pointe-Saint-Charles. « On l’entend tout le temps, en avant, en arrière, sur le côté, dans la cour, même à l’épicerie. Le bruit, c’est partout, tout le temps », insiste-t-il. « C’est obsédant de l’entendre constamment, dans tout ce qu’on fait. On est obligés de vivre les fenêtres et les portes fermées en plein été », souffle sa conjointe Yolande Racine, à ses côtés.

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Yolande Racine et François-Marie Bertrand, qui habitent près des installations du REM dans Pointe-Saint-Charles

Des mesures prises mercredi avec un sonomètre ont permis de constater que le bruit généré par le REM dépasse régulièrement les 70 décibels, parfois même la barre des 75. C’est le cas au belvédère d’observation de Pointe-Saint-Charles et au parc Saint-Patrick, à la frontière du même quartier et de Griffintown. Ces deux endroits se situent respectivement à 300 mètres et à peine quelques dizaines de mètres des rails, avec derrière eux des quartiers résidentiels.

INFOGRAPHIE LA PRESSE/SOURCE : REM

Selon le ministère de la Santé, une exposition au bruit est associée à une hausse du risque de maladies cardiovasculaires « à partir d’un niveau de 55 décibels sur une période de 24 heures ».

Une exposition « prolongée à des bruits forts », soit plus de 75 décibels pendant 8 heures par jour, peut « causer une perte d’audition », note le Ministère, en précisant que le sommeil peut « être perturbé par un bruit de 40 décibels ».

INFOGRAPHIE LA PRESSE/SOURCES : MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, TESTS DE LA PRESSE

En heure de pointe, le REM passera toutes les deux minutes et demie. Le reste de la journée, ce sera toutes les cinq minutes. Il sera en activité 20 heures sur 24, chaque jour. Il circule à ce rythme depuis mercredi, la « marche à blanc » ayant officiellement été lancée pour faire rouler le train à sa fréquence normale pendant un mois, avant l’inauguration. Le train devrait être ouvert aux usagers au plus tard à la mi-août.

Une mobilisation importante

Depuis des mois, de nombreux résidants se mobilisent pour presser CDPQ Infra d’adopter des mesures d’atténuation. Un sondage web réalisé par la Corporation de développement de Pointe-Saint-Charles Action-Gardien auprès de 250 répondants a conclu que « la quasi-totalité » des citoyens, soit de 83 à 95 % d’entre eux selon le secteur, se dit perturbée par le bruit du REM, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

« Il faut vraiment faire des études sérieuses de bruit », note la coordonnatrice d’Action-Gardien, Karine Triollet. « La première étape, pour nous, c’est de prendre en compte les plaintes et dénonciations des citoyens », soutient-elle.

Son groupe veut surtout voir des mesures d’atténuation « réelles », qui pourraient avoir des impacts concrets dès le jour 1. « Est-ce qu’il y a possibilité de murs antibruit, d’opérations sur les rails ? On n’est pas des experts, mais on veut des réponses à nos questions. On veut qu’on nous écoute, qu’on puisse discuter », ajoute Mme Triollet, évoquant aussi la possibilité d’une station supplémentaire dans le quartier qui contribuerait à ralentir les trains.

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Karine Triollet, coordonnatrice d’Action-Gardien

On est déjà multihypothéqués ici : on a exo, VIA Rail, le Canadien National (CN), les conteneurs, du camionnage, du transit. On n’a pas besoin de ça en plus.

Karine Triollet, coordonnatrice d’Action-Gardien

Des réponses en août

En mai, CDPQ Infra avait annoncé que des tests de son seraient effectués dans Griffintown, Pointe-Saint-Charles et L’Île-des-Sœurs pour déterminer si des mesures d’atténuation peuvent être prises.

Un courriel envoyé en début de semaine aux résidants indique ceci : « [L’objectif] est de vous revenir au courant du mois d’août avec les conclusions de notre campagne, les mesures qui seront mises en place le cas échéant et l’échéancier de leur déploiement. » De premiers résultats des tests seront connus à l’interne « d’ici quelques semaines et permettront d’identifier de façon encore plus précise les différentes sources d’émission du bruit », peut-on y lire.

Le porte-parole de CDPQ Infra, Marc-André Tremblay, précise que « le processus comprend plusieurs étapes : collecte, analyse des données et évaluation de différentes optimisations ». « Ces étapes sont essentielles afin d’assurer la rigueur et la pérennité de cette démarche », soutient-il.

« Le problème va se répercuter »

Patrick Garon, père de famille logé rue Bourgeoys, se demande comment CDPQ Infra pourrait répondre aux inquiétudes des citoyens. « Quand il y a quatre trains, c’est encore plus bruyant, donc est-ce qu’on pourrait envisager de réduire à deux trains pour certaines périodes, ou encore réduire la vitesse ? », s’interroge le Montréalais.

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Patrick Garon, résidant de Pointe-Saint-Charles

Le transport collectif, on en veut. Mais si c’est la voie de l’avenir, il faut le gérer, parce que le REM va s’en aller ailleurs après et le problème va se répercuter.

Patrick Garon, résidant de Pointe-Saint-Charles

Membre active du comité citoyen Nous et les trains depuis les années 1990, la résidante Jocelyne Bernier ne décolère pas non plus. « Ils n’ont pas livré ce qui était promis. Ils nous disaient que l’électrique, ça allait être silencieux. Là, ce qu’on voit, c’est du métal sur métal. Et c’est bruyant, très bruyant », note-t-elle.

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Jocelyne Bernier, membre du comité citoyen Nous et les trains

Le député de Saint-Henri–Sainte-Anne, Guillaume Cliche-Rivard, confirme que le problème est aigu. « On n’est pas contre le REM, pas du tout, mais oui, mon bureau reçoit quatre ou cinq courriels par jour depuis plusieurs semaines de gens qui se réveillent la nuit et qui ne dorment pas. Il y a des personnes pour qui le quotidien est périlleux en raison du bruit, note-t-il. La Caisse de dépôt doit venir s’asseoir et parler aux citoyens. La colère, elle est là et elle monte. »

« Je compte énormément sur CDPQ pour répondre aux préoccupations des citoyens et proposer des solutions », a de son côté évoqué mercredi la mairesse Valérie Plante.