Habituée à s’attirer un concert d’éloges, l’entreprise vouée à l’implantation de logements étudiants l’UTILE se frappe ces jours-ci à la première vague d’opposition de son histoire, alors qu’elle tente de faire sortir de terre trois tours de plus de 12 étages à Montréal.

Des voisins de ses projets à Griffintown et dans le « Ghetto McGill » expriment des critiques quant à l’arrivée de ces hauts bâtiments dans leur quartier.

« Griffintown n’est pas le centre-ville de Montréal. » « Il existe déjà une grave pénurie de stationnements sur rue. » « Absence de toute forme de consultation publique. »

Les inquiétudes face au projet de tour de 18 étages, près du coin de Notre-Dame et Robert-Bourassa, fusaient lors du conseil d’arrondissement du Sud-Ouest cette semaine.

Pour sa part, le projet d’immeuble de 17 étages dans un secteur déjà densément construit du Ghetto McGill s’est attiré une lettre ouverte sévère de la part d’un professeur d’architecture de l’Université de Montréal, titulaire de la chaire UNESCO en paysage urbain. Le projet « nous ramène à un urbanisme moderne des années 1960 : conçu et construit sans égard pour un quartier et son histoire », a écrit Shin Koseki, fin janvier.

ILLUSTRATION FOURNIE PAR L’UTILE

Projet de tour de 17 étages sur l’avenue Durocher, dans le Ghetto McGill

Seul le projet de 13 étages qui doit remplacer le bar Les Katacombes, à l’angle de la rue Ontario et du boulevard Saint-Laurent, ne semble pas faire de mécontents.

Loger 1000 personnes

Élise Tanguay est directrice des affaires publiques de l’UTILE. En entrevue, elle confirme que l’entreprise d’économie sociale fondée il y a 12 ans s’attendait à susciter des réactions en se lançant dans les projets de développement en hauteur.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Benoit Dorais, responsable de l’Habitation au comité exécutif de la Ville de Montréal, et Élise Tanguay, directrice des affaires publiques de l’UTILE

« C’est normal qu’il y ait des appréhensions, des questions des gens », a-t-elle fait valoir, attablée au rez-de-chaussée d’une résidence étudiante de l’UTILE construite sur l’avenue Papineau. L’immeuble fait cinq étages, en phase avec les autres projets menés par l’entreprise d’économie sociale jusqu’ici.

Mais « la hauteur de la crise » du logement qui sévit actuellement appelle – justement – à des projets en hauteur, selon elle. Quitte à en fâcher certains. « Si on attend d’avoir un consensus absolu sur tous les projets tout le temps, on n’en fera nulle part, des projets de logement abordable. »

« On a vu récemment des étudiants qui utilisaient des ressources pour l’itinérance, qui ne sont pas censées être destinées à ces gens-là », a relevé Mme Tanguay.

Ça appelle des solutions ambitieuses. On pense que le genre de projets qu’on mène en ce moment, ça permet de répondre à l’ampleur de cette crise-là.

Élise Tanguay, directrice des affaires publiques de l’UTILE

« On parle, avec ces trois projets-là, d’un total de 1000 personnes qui vont avoir accès à un logement », a-t-elle continué.

Des opposants réfractaires au changement, selon Benoit Dorais

Au cœur de l’insatisfaction des opposants aux projets de l’UTILE : la loi accorde une exemption de consultations publiques à tous les projets de logement social à Montréal. Les résidences de l’UTILE entrent dans cette catégorie et ne peuvent pas être bloquées par référendum, par exemple. Des critiques se sentent muselés.

Cette protection est toujours pertinente, a fait valoir le responsable de l’Habitation au comité exécutif de la Ville de Montréal, Benoit Dorais. Informé par l’UTILE de la tenue d’une entrevue avec La Presse, l’élu a choisi d’être présent pour défendre les projets sur la table.

Comme maire de l’arrondissement du Sud-Ouest, c’est Benoit Dorais qui préside les conseils d’arrondissement où l’on entend des critiques contre le projet de tour de 18 étages dans Griffintown. Le projet gobera un édifice d’intérêt patrimonial, entraînera la démolition d’un garage et bloquera la vue de résidants du centre-ville de Montréal. « On a des gens qui sont [réfractaires] aux changements de zonage », a-t-il rapporté, ajoutant toutefois que la plupart des inquiétudes pouvaient être résolues.

Ce sont des gens hyper professionnels, qui ne vont pas juste arriver (comme souvent malheureusement des promoteurs) avec un projet en disant que c’est le meilleur en ville et qui veulent te le rentrer dans la gorge.

Benoit Dorais, maire de l’arrondissement du Sud-Ouest

Son collègue Luc Rabouin a entendu des critiques semblables au conseil d’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, qui inclut le Ghetto McGill. « Les voisins immédiats sont préoccupés, évidemment, parce que l’on construit une tour de 17 étages », a-t-il commenté en point de presse, début février. Mais, « juste à côté, il y a des immeubles qui ont 19 étages. Ce n’est pas une tour qu’on construit en plein milieu du Plateau entourée de duplex ». Le projet, « on l’appuie », a-t-il dit.