Après avoir critiqué le « no thanks » de la mairesse Valérie Plante, le ministre Jean-François Roberge lui a envoyé un texto. Le message : Je n’avais pas le choix, désolé, mais on continue de travailler ensemble.

L’anecdote relativise les rumeurs de tensions entre Montréal et le gouvernement Legault.

Vrai, l’appui sans nuance de la mairesse de Montréal aux universités McGill et Concordia a mal passé. Mais malgré tout, les deux camps assurent que la relation reste constructive.

Les caquistes peuvent bien rêver d’une mairie passionnément à la défense du français, ça n’arrivera pas et ils le savent. À Montréal, aucun parti ou candidat ne répond à ce profil. Ni aujourd’hui, ni aux précédentes élections, ni probablement aux prochaines non plus.

Pour Mme Plante, la protection du français semble relever davantage de la figure imposée que de la conviction profonde. N’empêche que même si l’enthousiasme n’y est pas toujours, elle fait ce travail la plupart du temps.

Lors des auditions publiques sur la réforme de la Charte de la langue française, ses critiques étaient raisonnables. Elle voulait prolonger le court délai – six mois – accordé aux nouveaux arrivants avant d’être servis uniquement en français. Elle souhaitait aussi exempter la ligne 311 de cette exigence.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Projet Montréal, tous les arrondissements – y compris ceux de l’Ouest-de-l’Île – ont leur certification de l’Office québécois de la langue française.

Mme Plante a également créé en 2021 un poste de commissaire à la langue française. Autre preuve de la relative bonne entente : comme sa prédécesseuse, la nouvelle commissaire Noémie Dansereau-Lavoie est une ancienne conseillère de M. Roberge.

La mairesse a en outre mis sur pied un comité consultatif pour suivre la mise en œuvre de son plan d’action. Avec des membres aussi crédibles que Louise Beaudoin et Louise Harel, elle ne sollicitait pas la complaisance.

Son plan d’action vient avec un slogan : Montréal, métropole francophone des Amériques. Ce symbole est important. Il montre que Montréal ne cède pas au rouleau compresseur de la mondialisation en anglais.

Et voilà justement pourquoi son « no thanks » ratait pitoyablement la cible.

La CAQ a pris de court les universités anglophones en annonçant sa réforme après une brève consultation. La mouture initiale, qui faisait passer les droits de scolarité de 9000 à 17 000 $ pour les étudiants des autres provinces, rompait avec la réciprocité canadienne. Ces visiteurs voyaient leurs études surfacturées au Québec, alors que l’inverse n’est pas vrai.

Le nouveau tarif, à 12 000 $, réduit en partie ce déficit. Reste que l’iniquité demeure. Des propositions de McGill et Concordia, comme la modulation des frais, ont aussi été ignorées.

Une partie de la grogne contre les caquistes s’explique donc. Mais Mme Plante est allée beaucoup plus loin. Elle a déploré que Québec n’ait pas respecté l’avis défavorable du comité consultatif à sa politique. Or, cet avis a été remis après le délai légal prévu de 30 jours et après l’officialisation de l’annonce.

Mme Plante s’inquiétait aussi de la baisse des demandes d’admission à McGill et à Concordia.

Or, il s’agit seulement des demandes. À McGill, à peine le dixième des demandes d’admission sont retenues. On ne peut donc pas encore conclure qu’il y aura moins d’étudiants sur le campus l’automne prochain. Et si c’était le cas, une question demeurerait : est-ce à cause de la mesure elle-même ou de la façon alarmiste d’en parler ?

La mairesse laisse entendre que les universités anglophones sont discriminées. Pourtant, leur fréquentation et leur financement dépassent largement le poids démographique de la communauté anglophone. En fait, la majeure partie (56 %) de toutes les dépenses en infrastructure du Québec pour l’enseignement supérieur va uniquement à deux universités : Concordia et McGill. Cette dernière reçoit gratuitement un terrain convoité sur le flanc du mont Royal, celui de l’ancien hôpital Royal Victoria.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Le campus de l'Université McGill, à Montréal

Mme Plante est plus discrète quand vient le temps de dénoncer le sous-financement du réseau francophone. Elle a aussi choisi de ne rien dire sur la francisation. La cible caquiste : que 80 % des diplômés des autres provinces aient atteint une maîtrise du français à l’oral (les modalités ne sont pas encore connues). Est-ce une attaque contre Montréal ou une invitation à découvrir la langue officielle de la ville où on séjourne et une aide pour s’y implanter par la suite ?

Le message implicite de Mme Plante était qu’à Montréal, ça se passe en français, sauf si on veut revitaliser le centre-ville, sauf si on veut développer l’économie, sauf si on veut rayonner…

La réforme de la loi 101, adoptée en mai 2022, commence à peine à être mise en application. Par exemple, les volets sur l’affichage commercial et le français dans les PME entreront en vigueur l’année prochaine.

La sélection des immigrants permanents a été modifiée et les critères pour l’immigration temporaire pourraient changer. Le nouveau rapport du commissaire à la langue française Benoît Dubreuil augmentera d’ailleurs la pression.

La dernière phase du plan devrait notamment porter sur l’éducation et l’art afin que le français soit plus qu’un outil de communication utilisé sur demande.

Si on croit réellement à la diversité, cela signifie que la langue commune – celle à partir de laquelle des gens de différentes cultures échangent – ne doit pas partout être la même. À Toronto, c’est l’anglais. À Montréal, le français.

Pour le rappeler, la mairesse a un rôle important à jouer. Et malgré son récent coup de gueule, elle peut encore faire ce travail, en collaboration avec Québec.