Québec veut transformer le Stade olympique en aimant à mégavedettes et à ligues sportives en remplaçant complètement son couvre-chef d’ici fin 2027. Facture : 870 millions.

Des experts se disent enthousiastes devant ce pari, mais reconnaissent que la partie n’est pas gagnée d’avance pour le monument iconique de la métropole, même doté d’un nouveau toit.

Après des décennies de tergiversations, le gouvernement du Québec a annoncé lundi qu’il fonce et casse la tirelire. Une structure légère en acier bordée d’un cerceau de verre translucide devrait prendra la place du toit actuel, permettant à la lumière de pénétrer dans l’enceinte du Stade. L’anneau technique, actuellement en béton, sera remplacé par un tube d’acier.

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Image de synthèse du futur toit, vu de l’intérieur du Stade

« Taylor Swift, Beyoncé, Bruce Springsteen », c’est ce genre d’artistes extrêmement populaires « que Montréal et le Québec ont échappé » à cause de l’état actuel du Stade, a déploré la ministre Caroline Proulx, lundi, pendant l’annonce. « Les artistes se tournent de plus en plus vers les grands stades. […] L’industrie des grandes tournées en stades est passée de 6,2 milliards en 2022 à 9,1 milliards en 2023. » L’élue a dressé une longue liste de tournées internationales qui se sont posées à Vancouver et à Toronto l’an dernier, sans s’arrêter à Montréal.

Même avant le premier coup de marteau, l’annonce de l’imminence des travaux facilitera la tâche des équipes commerciales chargées d’attirer des promoteurs d’évènements, selon le patron du Parc olympique. « Ils ont une date. Enfin, l’épée de Damoclès est levée », a dit Michel Labrecque. Quand son responsable du développement « va retourner voir la NFL, il sait que le toit va être remplacé, qu’il y a un échéancier ».

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Michel Labrecque, patron du Parc olympique, et Caroline Proulx, ministre du Tourisme

La réfection du Stade fera entrer Montréal dans le réseau des villes pouvant accueillir des évènements d’envergure, soutient l’architecte et professeur à l’Université du Québec à Montréal Philippe Lupien. Mais une telle transformation ne vient pas sans défis. « Ça veut dire beaucoup de chaleur, il va falloir ventiler, éclairer, contrôler la résonance acoustique. Et ce, en fonction de chacun des évènements et de leurs paramètres spécifiques. Ça va demander des énergies considérables », observe-t-il.

L’architecte comprend la décision d’avoir un toit permanent, même si, selon lui, ce choix va à l’encontre de l’esprit architectural initial. « Le bâtiment a été conçu pour un toit rétractable, rappelle-t-il. On a une tour juste pour ça. »

Pour Manuela Goya, de Tourisme Montréal, le remplacement du toit est aussi une excellente nouvelle. « C’est de la joie. On espère que ce sera la suite et la fin de la saga de ce mal-aimé », a-t-elle dit en entrevue téléphonique. « On compte les dodos jusqu’à dans quatre ans. »

Malgré les critiques qui soulignent qu’un toit fermé et une acoustique médiocre pourraient continuer à repousser certains évènements, Mme Goya a maintenu son optimisme. « C’est sûr que le tourisme ne peut que gagner à avoir un stade fonctionnel », a-t-elle dit. Pour le reste, « on ne peut qu’espérer ».

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Une vue du futur toit lors d’un concert

Minuit moins une

« On a décidé qu’on allait régler le dossier une fois pour toutes », a affirmé la ministre du Tourisme, Caroline Proulx. « Le statu quo n’est juste plus possible. »

La ministre a fait valoir qu’il était minuit moins une pour l’iconique bâtiment conçu par l’architecte français Roger Taillibert. Le toit actuel n’aurait pas pu survivre plus d’« un an ou deux, au mieux » sans problèmes majeurs qui auraient entraîné « une fermeture définitive et complète du Stade olympique ».

« Aujourd’hui, nous préparons l’avenir », a affirmé le grand patron du Parc olympique, Michel Labrecque, assurant que Québec payait « le prix juste ».

Le Stade sera plus en forme à 50 ans qu’à 40 ans.

Michel Labrecque, grand patron du Parc olympique

M. Labrecque, qui quittera ses fonctions dans les prochains mois, s’est dit convaincu que cette troisième toiture serait la bonne, malgré les échecs passés. « Je pense qu’on a réuni les éléments – en restant modestes – parce qu’on n’avait pas le droit de se tromper une troisième fois », a-t-il dit, après avoir fait la liste des firmes et des experts qui ont travaillé sur le projet cette fois-ci. « Je suis fermement convaincu que nous avons les équipes, de part et d’autre, pour réussir. Fermement. »

Le Parc olympique signera dans les prochains jours ou les prochaines semaines un contrat de réalisation et d’entretien pour 10 ans avec le consortium Pomerleau-Canam, qui planche sur le projet de nouveau toit depuis 2019. L’entente prévoira un prix cible, toujours confidentiel, au-dessus duquel les coûts supplémentaires seront partagés. L’enveloppe de 870 millions inclut un budget de contingence en cas d’imprévus.

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Le consortium Pomerleau-Canam devrait démanteler le toit actuel dès cette année.

« C’est un gros défi », a confié Marcel Dutil, fondateur de Canam, en marge de l’annonce. C’est son entreprise qui construira la structure d’acier. « On n’a pas le droit de ne pas réussir. On n’a pas le droit à l’erreur. On est chez nous. […] La partie de plaisir est finie, la vraie job commence. »

Le consortium Pomerleau-Canam devrait démanteler le toit actuel dès cette année. Le Stade olympique passera deux hivers sans protection thermique et devra donc être préparé pour l’hiver.

Le Parc olympique a fait savoir l’été dernier que son projet de remplacement du toit du Stade devrait aussi inclure un remplacement de l’anneau technique, parce que les normes de la Régie du bâtiment concernant la capacité de retenir le poids de la neige ont changé de façon importante dans les dernières décennies.

Répartition des coûts du projet

19 % : Démantèlement du toit actuel

12 % : Construction du nouveau toit

69 % : Montage et installation

Ils ont dit

On doit faire du Stade olympique un symbole positif !

Le premier ministre François Legault, dans un message publié sur les réseaux sociaux, alors que son horaire officiel indiquait qu’il se trouvait à Montréal lundi après-midi

On se réjouit qu’il y ait une solution, on la souhaite permanente pour le toit du Stade. Ça fait tellement longtemps qu’on joue dans le même film. On avance, on recule. Je suis satisfaite qu’il y ait un investissement majeur qui vise en tout cas à ce qu’on règle le problème, qu’on trouve surtout une solution permanente.

Valérie Plante. mairesse de Montréal, en marge d’une annonce ailleurs dans la métropole

Cette décision permettra de finalement libérer le plein potentiel du Quartier olympique et de maximiser les retombées économiques. Le gouvernement du Québec a choisi l’option la plus rentable pour les 50 prochaines années.

Jean-Denis Charest, PDG de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal (CCEM), par communiqué

Une saga interminable

PHOTO RÉAL ST-JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le chantier de construction du Stade olympique, le 6 juin 1975

La genèse

1969 : Montréal obtient une franchise de baseball majeur et les Jeux olympiques d’été de 1976.

1976 : Construit dans l’urgence, le Stade olympique est inauguré juste à temps pour les olympiades. La tour inclinée n’est pas terminée et aucun toit ne couvre l’aire de jeu.

PHOTO ROBERT NADON, ARCHIVES LA PRESSE

Vue aérienne du Stade olympique à quatre jours des Jeux olympiques, le 13 juillet 1976

1978 : Québec annonce vouloir couvrir son nouveau stade d’un toit. Il arrête son choix sur une toile rétractable dans la tour, tel que le prévoyait l’architecte Roger Taillibert.

PHOTO ARMAND TROTTIER, ARCHIVES LA PRESSE

Installation de la toile du Stade olympique, le 14 avril 1987

Le cauchemar

1987 : Après une décennie de délais liés à l’achèvement de la tour inclinée, le premier toit du Stade olympique est finalement installé. Il se déchirera l’année suivante, puis encore dans les années subséquentes.

1998 : Le deuxième toit du Stade olympique, recouvert de téflon, est installé. Il se déchirera l’année suivante, sous le poids de la neige. Des procédures judiciaires s’entament.

PHOTO ARMAND TROTTIER, ARCHIVES LA PRESSE

Le deuxième toit du Stade olympique s’est déchiré sous le poids de la neige en 1999.

2002 : Premier appel d’intérêt pour un troisième toit. Pendant les années suivantes, les tentatives de trouver un consortium pour s’attaquer au projet avorteront les unes après les autres. Des milliers de déchirures s’accumulent sur le toit du Stade.

PHOTO ROBERT MAILLOUX, ARCHIVES LA PRESSE

Des ouvriers réparent la toile du Stade olympique, le 1er février 1999.

2017 : Le Conseil des ministres donne un premier feu vert au Parc olympique afin de chercher des firmes souhaitant concevoir et construire la structure. Cette proposition, appelée « dossier d’opportunité », avait mis sept ans à être élaborée.

2019 : Un seul consortium, mené par les firmes Pomerleau et Canam, se qualifie pour travailler sur le projet. Le Parc olympique devait refaire un appel d’offres, mais a finalement décidé de lui accorder le contrat de gré à gré.

2024 : Québec approuve l’investissement total de 870 millions dans le projet en donnant son feu vert au dossier d’affaires qui lui a été soumis.

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C’est une structure légère en acier bordée d’un cerceau de verre translucide qui prendra la place et permettra à la lumière de pénétrer dans l’enceinte du Stade.

Le plan

2024 : Démantèlement du toit et de l’anneau technique actuels.

2025 : Installation du nouvel anneau technique. Le toit devrait suivre dès l’année suivante.

2027 : Mise en service prévue, en décembre.

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Le nouvel anneau technique et le nouveau toit

2077 : Le Parc olympique indique que son prochain toit devrait avoir une durée de vie utile de 50 ans.

Avec la collaboration de Lila Dussault et d’Isabelle Ducas, La Presse