Montréal a récemment refusé de changer des ampoules grillées dans un de ses immeubles, citant les restrictions budgétaires qu’elle s’est imposées pour boucler son année financière 2023, a appris La Presse.

« Suite aux restrictions budgétaires, nous avons été dans l’obligation d’annuler votre requête non urgente. Merci de refaire une requête en 2024 », a écrit le service des immeubles aux responsables du groupe communautaire L’Atelier, une ressource en santé mentale axée sur l’artisanat, après une banale demande de changement d’ampoules.

Les personnes dépressives, bipolaires ou schizophrènes qui fréquentent le groupe communautaire, dont les installations sont partiellement plongés dans la pénombre, doivent aussi se laver les mains à l’eau froide en sortant des toilettes. Le chauffe-eau s’est brisé, fin octobre et la Ville ne l’a pas remplacé.

« Je trouve ça un peu irrespectueux », a fait valoir Céline Perraud, directrice générale de L’Atelier. Son groupe paie 11 000 $ par mois de loyer au Centre Strathearn, rue Jeanne-Mance, un édifice municipal.

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Céline Perraud, directrice générale de L’Atelier

De toute évidence, la Ville de Montréal place les besoins fancy d’une poignée d’employés bien au-dessus des besoins de base.

Céline Perraud, directrice générale de L’Atelier

C’est le scandale des dépenses à l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) qui a poussé Mme Perraud à contacter La Presse.

« Cette histoire n’a aucun sens », dit l’opposition

Notre prise de contact avec la Ville de Montréal a rapidement fait bouger les choses. « En ce qui concerne le remplacement des ampoules brûlées, la situation devrait être régularisée sous peu », a indiqué la relationniste Sara-Eve Tremblay en début de soirée.

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La directrice générale de L’Atelier, Céline Perraud, montrant le chauffe-eau brisé dans le local de l’organisme

« Pour le remplacement du chauffe-eau, la demande n’est pas annulée et celle-ci a été envoyée à un fournisseur externe le 6 novembre dernier, a-t-elle ajouté. Nous sommes en attente de ses disponibilités et les travaux seront réalisés dans les prochains jours. » Selon Mme Perraud, un représentant de la Ville aurait pourtant refusé sa requête de vive voix en évoquant les restrictions budgétaires. Elle l’aurait relancé en indiquant que sa cuisine était aussi privée d’eau chaude et n’aurait plus eu de nouvelles.

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Aref Salem, chef de l’opposition à l’hôtel de ville de Montréal

« Cette histoire n’a tout simplement aucun sens », a déploré le chef de l’opposition à l’hôtel de ville, Aref Salem, dans une déclaration écrite. « La Ville veut mettre en place un règlement pour la certification des propriétaires responsables [alors] que Montréal ne respecte même pas les bonnes pratiques lorsqu’elle est propriétaire. Invoquer un resserrement budgétaire pour ne pas changer un chauffe-eau et des ampoules dans des corridors extérieurs est inacceptable pour une ville avec un budget d’opération de 7 milliards de dollars. »

Une guirlande illuminée pour éclairer

L’Atelier s’occupe lui-même de l’entretien de son vaste local, fréquenté quotidiennement par des dizaines de personnes vivant avec des problèmes de santé mentale. C’est plutôt l’éclairage des espaces communs de l’étage (corridor, vestiaire, cuisinette et toilette) qui est en jeu. Lors du passage de La Presse, une bonne dizaine d’ampoules et de néons étaient hors service.

Le corridor principal reste bien éclairé grâce à une guirlande illuminée installée par l’organisme. « Sans la guirlande, nous serions presque 100 % dans le noir maintenant », a dit Mme Perraud. « La guirlande était là avant que les néons brûlent, mais elle a plus que jamais son importance depuis quelque temps. » Le vestiaire utilisé par l’organisme, lui, est plongé dans la pénombre : seul un dispositif d’éclairage sur six fonctionne encore. Un corridor secondaire se trouve dans la même situation.

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Le corridor principal de L’Atelier reste bien éclairé grâce à une guirlande illuminée installée par le groupe communautaire.

Quant au chauffe-eau appartenant à la Ville, vieux de 18 ans, c’est un dégât d’eau survenu le jour de l’Halloween qui a signifié la fin de sa vie. Il s’agit d’un petit appareil de taille résidentielle. La requête pour le faire changer n’a rien donné.

« La Ville nous dit qu’il n’y a pas d’argent pour ça », a déploré Mme Perraud.

On me l’a dit en pleine face, en personne : c’est juste pour se laver les mains. Alors c’est correct d’être trois mois en hiver sans eau chaude ?

Céline Perraud, directrice générale de L’Atelier

Dans le robinet juste à côté, celui qui contrôle l’eau chaude ne permet plus que de faire couler un mince filet d’eau… froide.

Cure minceur de 115 millions

Même si l’administration Plante a présenté mercredi un budget de 7 milliards pour l’an prochain, son plan de restriction budgétaire est toujours en vigueur jusqu’à la fin de l’année.

Objectif : économiser 115 millions afin de pouvoir boucler l’année. Depuis l’annonce du plan, mi-octobre, les gestionnaires de la Ville de Montréal n’ont plus le droit de pourvoir les postes vacants non essentiels et ont perdu le contrôle d’une partie des fonds qui étaient attribués à leur service sans être formellement engagés.

Des dépenses effectuées avant cette cure minceur ont toutefois fait la manchette. La mairesse et son équipe ont notamment accordé un double boni aux 1800 cadres de la Ville pour compenser des primes jamais versées en 2020. Et une convention collective prévoyant « une augmentation de la rémunération globale de l’effectif policier de 20 % sur 5 ans » a été signée au printemps dernier. Ces hausses sont près de deux fois plus importantes que celles qui avaient été prévues en début de négociation.