La compagnie pétrolière Shell fait construire une nouvelle station-service sur une parcelle de terre de Laval en partie cultivée jusqu’à récemment par un agriculteur, au grand dam de certains voisins.

Le commerce s’installe devant une autre station-service, à la frontière entre une zone agricole et un secteur résidentiel, dans le quartier Saint-François.

« Ça fait quatre ans qu’on se bat pour arrêter ce projet-là », a expliqué Stéphane Beaulac, qui habite les environs depuis 47 ans. « En 2023, ça n’a pas de bon sens, on s’en va vers l’électricité. »

Shell n’a pas rappelé La Presse.

Le chantier de la future station-service – au cœur d’un projet de halte routière qui inclura aussi des restaurants – est situé sur le boulevard Marcel-Villeneuve, à l’intersection de la rue de l’Harmonie.

Le terrain n’est pas lui-même « zoné vert », mais est entouré sur trois côtés par des terres agricoles – le quatrième côté jouxte le boulevard Marcel-Villeneuve. Jusqu’à l’été dernier, l’agriculteur qui les cultive semait et récoltait aussi sur une partie du terrain, dans la foulée d’une entente avec un propriétaire précédent. « Du maïs, du soya, du foin », explique Mathieu Forget, de la Ferme Forget.

« Ça a toujours été comme ça », a continué l’agriculteur, qui ne veut « pas trop » se prononcer sur le fond du projet. « Comme ça, au moins, il n’avait pas besoin de l’entretenir. On cultivait, c’était beau, c’était propre. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Le terrain de la future station-service n’est pas lui-même « zoné vert ».

« Ça a toujours été cultivé »

Mais ces plants de maïs n’ont jamais pu être récoltés cette année : ils ont été rasés pour faire place au chantier de construction de la station-service.

« C’est sûr qu’on est proches de terres agricoles, mais ça a toujours été un terrain commercial », a souligné Vicky Gélinas, de GD Lead Immobilier, l’entreprise qui possède le terrain.

Parce qu’il n’était pas utilisé, le cultivateur empiétait sur notre terrain, mais ça n’a jamais été un terrain agricole.

Vicky Gélinas, de GD Lead Immobilier

En fait, le terrain n’a pas « toujours été » zoné commercial. Jusqu’en 2019, il pouvait accueillir des usagers industriels, mais le promoteur a demandé et obtenu un changement de zonage vers les usages commerciaux. Le 20 juin de cette année-là, il aurait fallu que 278 citoyens signent un registre pour imposer un référendum sur le changement de zonage. Ils ont été 208 à le faire, dont Stéphane Beaulac.

« Ça fait 47 ans que je suis là et ça a toujours été cultivé, ça a toujours été à vocation agricole. Quand on a entendu que ce projet-là s’en venait, on ne comprenait pas pourquoi », a-t-il dit, ajoutant qu’il restait des terrains commerciaux disponibles au sud du boulevard Marcel-Villeneuve, dans les secteurs déjà développés. Une station Couche-Tard se trouve d’ailleurs juste en face, du côté sud de l’artère.

Impossible aujourd’hui

Claude Larochelle, chef de l’opposition au conseil municipal de Laval, croit que c’est ce 20 juin 2019 que le sort du terrain a été scellé.

Il y avait une opposition des citoyens de Saint-François à ce projet-là depuis le tout début, essentiellement parce que cette station-service s’implantait dans la trame agricole de Laval.

Claude Larochelle, chef de l’opposition au conseil municipal de Laval

L’administration lavalloise du maire de l’époque, Marc Demers, « a refusé » que le registre des signatures soit installé près du quartier touché, le localisant plutôt à l’hôtel de ville de Laval, à 21 kilomètres de là, a déploré M. Larochelle. « Si le registre avait été à la portée des citoyens, sûrement qu’il n’y aurait pas de construction de station-service aujourd’hui, a-t-il dit. J’en suis convaincu. »

Le cabinet du maire de Laval, Stéphane Boyer, assure qu’un tel projet serait impossible aujourd’hui.

« Le projet commercial sur l’avenue Marcel-Villeneuve a été approuvé en vertu de l’ancien règlement de zonage », a indiqué son cabinet, dans une déclaration écrite. « Notre administration a depuis adopté, en novembre 2022, un Code de l’urbanisme plus restrictif pour s’assurer que les nouveaux projets soient plus cohérents et durables. Laval a désormais une des réglementations les plus innovantes au Québec. »

Cette réglementation limite de façon importante les emplacements rendus disponibles aux pétrolières. « Les nouvelles stations d’essence sont limitées aux abords d’autoroute afin de protéger l’esthétisme de nos quartiers et de s’adapter à une mobilité urbaine en évolution », a indiqué le cabinet du maire Boyer.