L’absence de centaines de chauffeurs met à mal le service à la Société de transport de Montréal (STM), qui voit de nouveau la ponctualité de ses autobus diminuer depuis le début de l’année. Le transporteur promet toutefois d’augmenter les embauches pour freiner la glissade.

« Clairement, le travail de chauffeur est de moins en moins attractif. On a de plus en plus de pression, de plus en plus de chantiers et la clientèle est de plus en plus difficile. La pression est excessive pour faire notre travail », dit le président du Syndicat des chauffeurs d’autobus de la STM, Frédéric Therrien.

Son groupe estime qu’il manque jusqu’à 200 chauffeurs chaque jour pour offrir le service de manière convenable, sans retard. Environ 40 % des membres en arrêt de travail le seraient d’ailleurs pour des raisons de santé mentale, d’épuisement ou de stress.

À la STM, on confirme qu’autour du tiers des absences sont liés à des « facteurs psychologiques », en précisant toutefois que les causes sont « multiples », tant personnelles que professionnelles. Dans la dernière année, le taux d’absentéisme des chauffeurs a été d’environ 14 % à la STM, ce qui est comparable au taux des autres sociétés de transport de la région métropolitaine.

Officiellement, 68 postes de chauffeur sont à pourvoir sur un total de 3533, un nombre qui ne tient toutefois pas compte des chauffeurs en formation ou des absences.

Depuis le début de l’année 2023, l’opérateur affirme avoir embauché « tout près de 400 chauffeurs, à raison de plusieurs dizaines d’embauches tous les mois ».

Et le rythme va augmenter encore, promet-on. « De nouvelles cohortes de chauffeurs entrent en formation sur une base régulière depuis le début de l’année et le processus s’est accéléré en vue de notre augmentation de service planifiée à la fin août. Ça se poursuit, puisque d’autres embauches sont à prévoir dans les prochains mois », affirme la conseillère corporative aux affaires publiques de la société de transport, Laurence Houde-Roy.

« Nos efforts ne sont pas terminés », insiste-t-elle, en soutenant que l’opérateur « embauche des chauffeurs tous les mois afin de combler les besoins actuels ». « Cela étant dit, les équipes s’ajustent quotidiennement de manière chirurgicale sur le terrain pour offrir le service sans souci pour les clients. Le taux estimé de livraison de service est d’ailleurs à 99 % pour le mois de septembre », ajoute la porte-parole.

Une ponctualité encore fragile

Le syndicat, lui, n’est pas de cet avis. « C’est certain que ça a un impact sur le service, sur la qualité et la fiabilité », rétorque M. Therrien.

En date de mai dernier, à peine 76,8 % des autobus montréalais arrivaient à l’heure sur leur trajet. Il s’agit d’un chiffre qui est en tout point semblable à celui de septembre 2022, qui représentait alors le taux le plus bas depuis 2019.

Bref, les bus sont en retard près d’une fois sur quatre.

En mars 2023, le taux de ponctualité des autobus était remonté à plus de 82 %, mais il est ensuite rapidement redescendu à 79,5 % en avril, puis à 76,8 % en mai.

« La STM a beau nous dire qu’on peut arriver en retard, ça reste que la clientèle a des attentes élevées et ça impose beaucoup de stress. Avant, un chauffeur qui rentrait à la STM, il y passait sa vie. Aujourd’hui, c’est de moins en moins vrai. On est de moins en moins valorisés et la pression est trop grande », illustre M. Therrien.

Quelles solutions ?

Pour l’expert en planification des transports à l’Université de Montréal, Pierre Barrieau, la profession de chauffeur d’autobus fait face à plusieurs défis. « C’est un emploi pas facile avec la congestion qui augmente, le niveau de surcharge qui va avec. On peut également et surtout penser à toute la question du civisme qui est en décroissance dans le transport collectif un peu partout », note-t-il.

Aux dernières nouvelles, les actes de violence étaient en effet en cause dans plus du tiers des absences du personnel de la STM en raison d’accidents. Il s’agit d’une hausse de presque 5 % en 2023 par rapport à 2022.

Outre les négociations sur les conditions de travail, des solutions existent pour « revaloriser » le métier, soutient M. Barrieau. « On peut par exemple songer à un programme spécial avec une école de conduite qui garantirait des débouchés et certaines conditions salariales, ou encore examiner ce qui s’est fait avec les préposés aux bénéficiaires avec des garanties et des subventions gouvernementales », explique-t-il.

« Juste faire des campagnes de publicité pour dire qu’on cherche des chauffeurs, c’est insuffisant. On a besoin d’un geste beaucoup plus fort du gouvernement, sinon on s’en va dans le mur », conclut M. Barrieau.

En savoir plus
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    Chez exo, où il manque encore plus d’une cinquantaine d’employés pour « offrir le service planifié », un peu plus de 80 des 5500 voyages par jour (1,5 %) sont touchés par des annulations sur une base régulière. L’enjeu de la pénurie de main-d’œuvre dans les transports en commun est donc loin de concerner uniquement la STM.
    Source : exo