C’est un immense bâtiment sur un terrain qui l’est tout autant : l’ancien siège social du centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), situé dans Rosemont, est inoccupé depuis trois ans et dans un état de vétusté avancé. Le CSSDM souhaite en faire une école de formation professionnelle, mais d’autres plaident pour des logements sociaux.

Impossible de rater cet imposant édifice rue Sherbrooke Est, à un jet de pierre du Stade olympique. Pendant des années, il a accueilli le centre administratif du CSSDM. Or, la vétusté de l’endroit a fait en sorte que les employés l’ont quitté pour de bon en 2020, après que des sections du bâtiment ont été condamnées.

Depuis, rien ne s’y passe, mais le CSSDM a dans ses plans d’y ériger un pôle de formation professionnelle.

Y seraient regroupées l’École des métiers des Faubourgs-de-Montréal et celle des Métiers de l’horticulture – liée au Jardin botanique – qui ne sont pas dans des lieux adaptés à l’enseignement, explique en entrevue Mathieu Desjardins, directeur du service de l’organisation scolaire.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

L’entrée de l’immeuble donne sur la rue Sherbrooke, dans Rosemont.

« Un centre de formation aux préposés aux bénéficiaires, ce n’est pas une classe avec des bureaux. Ce sont des lits d’hôpital, des bains. Présentement, ça fonctionne, mais ce qu’on nous demande, c’est d’augmenter la cadence de formation de ces gens-là », dit M. Desjardins.

Québec a en effet investi des millions dans la formation professionnelle, notamment pour le démarrage de formations dans des domaines « prioritaires », par exemple pour former du personnel pour prêter main-forte dans le réseau de la santé.

Moins cher qu’une école secondaire, dit le CSSDM

Le CSSDM veut se livrer à un jeu d’échecs, version immobilière : en déplaçant les élèves de l’École des métiers des Faubourgs-de-Montréal dans un autre immeuble, on pourrait augmenter la capacité d’accueil de l’école secondaire Pierre-Dupuy, dans le Centre-Sud. Les deux écoles (professionnelle et ordinaire) cohabitent actuellement.

C’est qu’on prévoit que ce secteur de la ville, près du pont Jacques-Cartier, aura bientôt besoin de place pour accueillir les élèves au secondaire. Les ensembles immobiliers à venir sur les terrains de Radio-Canada et dans le secteur Bridge-Bonaventure changeront bientôt la donne, dit Mathieu Desjardins.

« Si, par exemple, on décide de bâtir une école dans Bridge-Bonaventure, juste pour le terrain, ça va être 150 millions. Bâtir une école secondaire de 1000 places, dans le marché, c’est 150 millions. Donc on serait à 300 millions », calcule M. Desjardins.

Ces futurs élèves pourraient aller à l’école Pierre-Dupuy, une « école secondaire qui est faite pour être une école secondaire », poursuit le directeur du service de l’organisation scolaire du CSSDM.

Québec dit non, pour l’instant

Le centre de services scolaire a soumis un projet en ce sens dans le cadre du Plan québécois des infrastructures 2023-2033, mais Québec a dit non. Pour l’instant.

« À ce moment, il apparaissait toutefois prématuré de recommander la suite du projet puisque certains éléments, comme la portée des travaux ou l’estimation des coûts, restaient à clarifier », nous a répondu Esther Chouinard, porte-parole du ministère de l’Éducation, qui ajoute que les discussions avec le CSS se poursuivent.

Devrait-on démolir l’ancien centre administratif, jugé en « très mauvais état » et dont le déficit de maintien d’actif est de plus de 15 millions ? Combien cela coûterait-il de faire un regroupement des écoles professionnelles ? Sur ces deux points, le CSSDM ne s’avance pas, mais compte bien revenir à la charge auprès de Québec cette année.

Bâtir des logements sociaux

Pas si vite, dit le Comité logement Rosemont, qui estime que les terrains publics qui se libèrent « doivent rester au service de la collectivité ».

PHOTO FOURNIE PAR LE COMITÉ LOGEMENT ROSEMONT

Il y a quelques années, le Comité logement Rosemont s’est associé avec des étudiants en design de l’UQAM pour imaginer ce qui pourrait être aménagé sur le vaste terrain de la rue Sherbooke.

Il ne faut pas que ce soit cédé, aliéné, vendu à des intérêts privés.

Jean-Claude Laporte, organisateur communautaire du Comité logement Rosemont

Le groupe ne s’oppose pas à l’implantation d’une école professionnelle sur ce site, mais va veiller au grain pour s’assurer que ce grand immeuble et l’ensemble du terrain restent du domaine public.

On pourrait y bâtir des logements sociaux, dit Jean-Claude Laporte, organisateur communautaire du Comité logement Rosemont. « Ce sont les taxes et les impôts de tout le monde qui ont payé ce terrain, il ne faut pas que ça serve seulement une minorité », ajoute l’organisateur communautaire.

Le Comité dit qu’il a désormais des contacts avec le CSSDM à cet égard. « On est plus en discussion qu’avant. Il a fallu envoyer une mise en demeure pour avoir une simple réponse. Ils ne répondaient ni aux courriels ni aux appels téléphoniques », dit M. Laporte. « On ne veut pas perdre le terrain », conclut-il.