De plus en plus de stations-service sont appelées à fermer

Des dizaines de stations-service ont fermé dans les dernières années à Montréal, le début d’une vague qui ne risque pas de s’arrêter. Pour la métropole, l’enjeu est de taille : ces terrains – souvent contaminés, mais très bien situés – seront-ils abandonnés ou réaménagés ?

Dans les quartiers centraux de la métropole, les fermetures se succèdent à un rythme soutenu.

« Il aurait fallu que je mette 700 000 $ pour changer les réservoirs. Avec les autos électriques et tout ça, ça ne valait pas la peine », a expliqué Michael Gampieris, qui a fermé sa station-service angle Parc et Van Horne en juin dernier, après 37 ans d’activité.

« C’est sûr et certain que dans les cinq ou six prochaines années, il va y avoir beaucoup de stations en ville qui vont fermer », a-t-il continué. Rares sont ceux qui achètent des stations-service pour les exploiter, dit M. Gampieris.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Les chiffres lui donnent raison. Entre 2021 et 2023, le nombre de stations-service serait passé de 399 à 375 à Montréal, selon Statistique Canada. Un changement méthodologique survenu l’an dernier rend toutefois les comparaisons difficiles.

« Les stations-service, ce sont tous des sites qui ont un potentiel de développement immobilier », a expliqué Simon Boyer, patron de la firme de courtage immobilier spécialisée en terrains Landerz. « La majorité d’entre elles sont vouées à être transformées, alors je pense que cette tendance va se maintenir. »

Et ce n’est peut-être que la pointe de l’iceberg.

Je peux vous confirmer qu’il y a plusieurs stations-service qui voudraient fermer et vendre le terrain pour du développement, mais elles sont incapables de le faire parce que le coût de la décontamination est trop important.

Simon Boyer, patron de la firme de courtage immobilier spécialisée en terrains Landerz

M. Boyer évoque la réglementation en matière d’environnement qui force maintenant une décontamination rapide après l’arrêt des activités.

« Pas besoin d’aller très, très loin » des quartiers centraux pour trouver des stations-service dont le terrain vaut moins que les coûts de décontamination, selon lui.

« Construire la ville sur elle-même »

La Ville de Montréal, elle, ne tient pas le compte des stations-service sur son territoire, a indiqué son service des communications.

Il n’en reste pas moins que cette tendance intéresse vivement Robert Beaudry, élu responsable de l’urbanisme au comité exécutif de Valérie Plante. À ses yeux, ces terrains représentent à la fois des défis et des occasions.

Ce sont des terrains qui sont souvent hyper bien positionnés, mais ce sont souvent des terrains qui sont très contaminés. On veut valoriser ces terrains-là.

Robert Beaudry, élu responsable de l’urbanisme au comité exécutif de Valérie Plante

Comme les terrains vagues et les stationnements de surface, les anciennes stations-service représentent « une occasion de construire la ville sur elle-même », a-t-il continué. Grâce à leur taille souvent appréciable, ces terrains « permettent d’y développer des infrastructures publiques comme des parcs ou bien d’y favoriser un développement immobilier ».

Dans le premier scénario, M. Beaudry cite notamment le parc inondable Fleurs-de-Macadam, sur l’avenue du Mont-Royal, installé sur le terrain de l’ancienne pompe à essence de la famille du chanteur Jean-Pierre Ferland.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

La place des Fleurs-de-Macadam, avenue du Mont-Royal, est aménagée avec des bassins de rétention des eaux de pluie.

Mais la Ville ne veut (et ne peut) pas acquérir tous ces lots. D’où sa volonté d’accompagner les promoteurs qui veulent les acquérir pour y faire du logement social ou d’autres types de projets, assure-t-il.

L’objectif : éviter que d’anciennes stations-service, parfois contaminées, demeurent en friche pendant de longues années. « Ça déstructure le dynamisme d’une rue », a-t-il dit. « On a des outils : on taxe déjà doublement un terrain vague desservi » et la Ville voudrait convaincre Québec de lui permettre d’augmenter encore la facture.

« On en a acheté des dizaines »

Un de ces terrains longtemps en dormance se trouve à l’angle de la rue Saint-Denis et de l’avenue des Pins, dans Le Plateau-Mont-Royal, où une station Esso a fermé il y a une décennie. Après des années de jachère, un chantier s’y active : le promoteur Mondev y érige un bâtiment de 33 condos. La même entreprise aménage d’ailleurs un autre terrain du même type à l’angle de la rue Saint-Catherine et de l’avenue Papineau.

« On a acheté des dizaines » d’anciennes stations-service dans les 30 dernières années, explique Michael Owen, copropriétaire de Mondev.

L’homme d’affaires aime le fait que ces lieux sont souvent extrêmement bien placés et que leur positionnement en intersection permet souvent de construire plus haut et plus facilement qu’ailleurs, en vertu des règles d’urbanisme.

Et M. Owen ne se fait pas de mauvais sang avec le legs des réservoirs d’essence, qui ont souvent laissé fuir du carburant sous la surface du sol pendant des années.

« Les stations-service qui appartiennent aux entreprises pétrolières, elles ont l’habitude de les décontaminer avant de les vendre, a-t-il dit. Je n’ai pas l’habitude d’avoir peur juste pour avoir peur. Un site qui est décontaminé comme il faut par des experts et qui est suivi par des experts, par des ingénieurs, je n’ai pas d’inquiétudes. De toute façon, on fait nos propres vérifications. »