Ils vivent dans une petite rue tristement surnommée « allée du crack », au centre-ville de Montréal. Depuis l’ouverture du centre d’injection supervisée CACTUS devant leur immeuble, il y a sept ans, ils disent vivre dans l’insécurité, l’insalubrité, la crainte d’être agressés – comme c’est arrivé à l’un d’entre eux récemment, à coup de barre de fer.

Les locataires des logements sociaux Un toit en ville n’en peuvent plus. Ils demandent le déménagement de CACTUS, qui, selon eux, ne répondrait pas adéquatement aux besoins des usagers.

Mais ils se défendent d’être un cas de « pas dans ma cour ».

« On n’est pas contre les sites d’injection, c’est un service essentiel. Mais en ce moment, le service n’est pas bien rendu et la situation est devenue intolérable », a dénoncé Guy Robert, président du conseil d’administration de l’OSBL Un toit en ville, jeudi en conférence de presse.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Guy Robert

Parce que les locaux de CACTUS ne suffisent pas à répondre à la demande, les usagers consomment leur drogue sur les trottoirs de la rue Berger et même à l’intérieur des immeubles du secteur, où ils entrent par effraction, relate M. Robert.

Ils laissent derrière eux des seringues souillées, des excréments et d’autres détritus, en plus d’être bruyants et de menacer les résidants qui osent leur demander de sortir de leur édifice, ajoute-t-il.

Les résidants s’inquiètent aussi pour les conditions dans lesquelles se retrouvent les consommateurs de drogue, dit Guy Robert. « Il y a eu une surdose dans une alcôve sur la rue, raconte-t-il. Quand on voit quelqu’un étendu par terre, on ne se demande pas s’il dort, on appelle le 911. Ce ne sont pas des conditions de vie dignes. »

« On a participé au comité de bon voisinage, on a demandé des interventions, et tout ce qui a été fait, c’est l’installation d’une toilette chimique », déplore Nancy Larente, administratrice d’Un toit en ville.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Une toilette sèche installée pour les gens dans la rue.

Injections sur les trottoirs

Selon eux, les services de CACTUS devraient être offerts 24 heures sur 24, plutôt que 12 heures (de 14 h à 2 h) comme c’est le cas actuellement. Les locaux devraient aussi être plus grands, afin que tous les usagers puissent consommer leur drogue à l’intérieur.

  • PHOTO FOURNIE PAR UN TOIT EN VILLE

  • PHOTO FOURNIE PAR UN TOIT EN VILLE

  • PHOTO FOURNIE PAR UN TOIT EN VILLE

  • PHOTO FOURNIE PAR UN TOIT EN VILLE

  • PHOTO FOURNIE PAR UN TOIT EN VILLE

  • PHOTO FOURNIE PAR UN TOIT EN VILLE

  • PHOTO FOURNIE PAR UN TOIT EN VILLE

  • PHOTO FOURNIE PAR UN TOIT EN VILLE

  • PHOTO FOURNIE PAR UN TOIT EN VILLE

1/9
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Actuellement, des usagers s’injectent des substances en tout temps sur les trottoirs, comme la représentante de La Presse a pu le constater, à 11 h le matin.

Directeur général de CACTUS, Jean-François Mary affirme être préoccupé par les agressions qui se produisent dans la rue. Mais un déménagement ne ferait que déplacer le problème, croit-il.

« Il y a du “pas dans ma cour” partout. Ça montre la stigmatisation dont est victime cette clientèle, personne ne veut avoir ces gens à proximité », se désole-t-il.

Du même coup, il explique que c’est le CIUSSS qui a choisi l’emplacement du centre d’injection supervisée et que Québec lui fournit son financement de 1,5 million par année. « Notre priorité, c’est de répondre aux besoins de notre clientèle et de sauver des vies, dit-il. Si on ferme nos portes une journée, ça signifie qu’il y aura deux morts par surdose. »

Selon lui, la situation sur la rue Berger est simplement le reflet de la hausse de l’itinérance dans la métropole et de l’augmentation de la consommation de drogue, des problèmes qui exigent des solutions à plus long terme.

Le responsable de la sécurité publique au comité exécutif de la Ville de Montréal, Alain Vaillancourt, n’avait pas de piste de solution à proposer aux résidants de l’« allée du crack ».

« C’est déplorable que ces gens aient à vivre ça au quotidien, le statu quo est intenable, a-t-il réagi. Mais les services de CACTUS sont essentiels pour les gens vulnérables. »

Il a fait valoir que la Ville a installé des poubelles et une toilette chimique dans la rue, qu’elle a demandé une présence accrue sur les lieux de la police et de son équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (ÉMMIS).

Il promet de « revisiter la situation ».

Mais ultimement, il demande à nouveau, comme les municipalités le répètent depuis longtemps, que les gouvernements provincial et fédéral investissent pour s’attaquer à la crise des surdoses et à la crise du logement, qui mène des gens directement à la rue.

Du côté de l’opposition à l’hôtel de ville, le porte-parole en matière d’itinérance, Benoît Langevin, déplore le manque de leadership de l’administration.

« Malheureusement, ça fait des mois que l’administration Plante est bien au fait de la situation qui perdure, et ce, malgré les appels à l’aide des citoyens », a-t-il réagi, dans une déclaration écrite. « Alors que la crise des opioïdes a été largement abordée au Sommet municipal sur l’itinérance, nous pressons Projet Montréal de mettre sur pied la stratégie de réduction des méfaits promise depuis des années. »