Le Réseau express métropolitain (REM) coûtera finalement tout près de huit milliards de dollars, soit une hausse de 45 % par rapport à l’estimation initiale du projet. Sans surprise, CDPQ Infra cite la pandémie, la guerre en Ukraine et la découverte d’explosifs centenaires dans le tunnel Mont-Royal pour expliquer la hausse.

« On a passé quasiment plus de la moitié du projet dans des conditions de construction hors-norme et avec énormément d’impacts. […] », a expliqué mercredi président et chef de la direction de CDPQ Infra, Jean-Marc Arbaud, lors d’une mise à jour publique sur le projet mercredi. Précisément, le coût actuel est fixé à environ 7,95 milliards de dollars.

Une récente estimation qui avait été faite du projet évoquait environ sept milliards, mais plus tôt en 2018, au moment des premiers soumissionnaires, le coût estimé était de 6,3 milliards. L’année d’avant, en 2017, le coût avait été fixé à environ 5,9 milliards. Mais au tout départ, à savoir lors du lancement du REM en 2016, la facture était de 5,5 milliards.

En sept ans, le prix du REM a donc été gonflé d’environ 45 %, autrement dit 2,45 milliards. Si on se compare à 2018 et l’étape du choix des soumissionnaires, toutefois, la hausse est de 26 %, soit 1,65 milliard.

Pour M. Arbaud, la mouture de 2016 n’est toutefois « pas le même projet » qu’aujourd’hui. « Il manquait des stations, de trains. Il y a eu énormément de modifications depuis », a-t-il fait valoir. Il a aussi fait valoir que la hausse moyenne des coûts pour des projets similaires au REM est d’environ 79 %.

Une pandémie à 800 millions

Trois grands facteurs expliquent cette augmentation des coûts, selon ce qu’affirme CDPQ Infra : la pandémie et la guerre en Ukraine, d’abord, comptent pour 800 millions à eux seuls en raison des impacts importants sur les chaînes d’approvisionnement et la disponibilité de la main-d’œuvre.

Les explosifs centenaires qui avaient été découverts dans le tunnel Mont-Royal, en 2020, pèsent aussi lourd dans la balance. La Caisse estime que les retards et les changements aux méthodes de travail engendrés par cet évènement entraînent des coûts supplémentaires de 350 millions.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Jean-Marc Arbaud, président et chef de la direction de CDPQ Infra

Le chemin critique, clairement, il passe par le tunnel. C’est une zone dans laquelle on démarre l’installation des voies ferroviaires. C’est un endroit très difficile. Il faut rentrer d’un côté et de l’autre.

Jean-Marc Arbaud, président et chef de la direction de CDPQ Infra

Plusieurs « optimisations » au projet qui ont été faites en cours de route ont aussi gonflé la facture de 500 millions. Des travaux visant des infrastructures « opérées » par des tiers ont coûté 350 millions, et les demandes visant à améliorer les aménagements aux abords des stations, 150 millions.

Tous les coûts « absorbés »

La hausse de la facture sera entièrement « absorbée » par la Caisse, a confirmé M. Arbaud mercredi. Son groupe s’attend toujours à un bénéfice de 8 % sur son investissement. À court terme, il n’y aurait pas non plus de changement sur la redevance d’environ 75,3 cents du passager-kilomètre pour 2023 que l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) doit verser à CDPQ Infra. « On est toujours dans ces chiffres-là actuellement », a certifié M. Arbaud.

« Comme tous les projets d’infrastructure en cours, le REM n’a pas été épargné par la pandémie, la surchauffe et l’inflation dans le secteur de la construction. Selon notre entente avec la CDPQ, cette dernière assume entièrement les dépassements de coûts », a réagi mercredi le cabinet de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault.

« On doit s’assurer que le déploiement se poursuit dans les meilleurs délais et surtout qu’on apporte les ajustements nécessaires le plus rapidement possible pour pallier aux enjeux actuels, notamment la question du bruit qui affecte la qualité de vie des résidents », a de son côté plaidé la responsable de la mobilité à la Ville de Montréal, Sophie Mauzerolle.

Jusqu’ici, un seul tronçon du REM est en service, celui reliant la Rive-Sud au centre-ville de Montréal avec cinq stations, depuis le 31 juillet dernier. En juin 2022, la Caisse de dépôt avait annoncé que la livraison de 18 stations du REM, au centre-ville, dans l’ouest et au nord, devrait à nouveau être reportée.

Pour l’instant, il faudra donc attendre au moins jusqu’à la fin de 2024 pour voir une autre antenne que celle de la Rive-Sud, un échéancier que maintient encore la Caisse de dépôt. Des tests se tiendront à partir du printemps 2024. « À partir de ce moment-là, on aura une idée claire de quand on pourra fixer la date de mise en service », a dit M. Arbaud.

Quant au tracé devant relier l’aéroport au centre-ville, la livraison est toujours prévue en 2027 seulement, des travaux de construction de la station devant d’abord avoir lieu jusqu’en 2026. Une fois tous ses segments livrés, le REM fera 67 km et comportera 26 stations au total.

Fiabilité de 99 %, mais…

Depuis l’ouverture du segment de la Rive-Sud, CDPQ Infra affirme que le taux de fiabilité du REM est de 99 %, avec six interruptions majeures de service pour un total de huit heures de panne, sur 880 heures d’opération. La moyenne des déplacements atteint 30 000 trajets par jour, en moyenne, avec un pic de 35 000 le 7 septembre dernier. Or, plusieurs enjeux demeurent avec les escaliers mécaniques, les ascenseurs et les communications lors d’interruptions, avoue la Caisse, qui reconnaît « l’importance d’apporter des correctifs rapidement ». « On n’est pas encore satisfaits sur le temps de réponse des ascenseurs, mais à chaque fois les incidents sont réglés et les solutions sont apportées », a d’ailleurs concédé le premier vice-président aux affaires publiques de CDPQ Infra, Philippe Batani.

Avec Tommy Chouinard, La Presse