Neuf personnes, dont sept sans-abri autochtones, ont dû être transportées à l’hôpital dimanche, au centre-ville de Montréal, pour des surdoses potentiellement liées au fentanyl, une tragédie appelée à se répéter, faute de ressources, croit un expert.

« La communauté est dévastée », a indiqué la directrice générale de Projets Autochtones du Québec (PAQ), Heather Johnston, jointe dimanche soir. « On a des intervenants qui ont dû retourner à la maison, tout le monde est traumatisé. »

En tout, sept résidants de l’Hôtel des Arts, un refuge d’urgence pour sans-abri autochtones situé dans la rue Saint-Dominique, dans l’arrondissement de Ville-Marie, ont dû être hospitalisés au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) pendant la journée.

Trois se trouvaient dans le refuge au moment où les intervenants ont dû faire appel aux paramédicaux pour leur venir en aide.

« Ils ne répondaient plus », dit Heather Johnston. Puis, vers 16 h 20, six personnes qui consommaient sur le trottoir, plus bas dans la rue, de l’autre côté de la rue Ontario, ont dû être secourues à leur tour.

De ce nombre, quatre ont dû être transportées à l’hôpital, deux hommes et deux femmes, dont l’une était toujours entre la vie et la mort en fin de soirée.

Du fentanyl dans le crack ?

La rue Saint-Dominique était toujours barrée par des rubans orange dimanche soir, entre la rue Ontario et le boulevard De Maisonneuve, tandis que les policiers interrogeaient des témoins potentiels.

« Ils sont tous tombés d’un coup », raconte Éric, un habitué du secteur qui se trouvait avec la bande lorsqu’ils ont fait leurs surdoses.

Ils devaient penser que c’était du crack, mais c’était en fait du fentanyl. Ils ont donc fumé du fentanyl.

Éric, un habitué du secteur

Ce dernier affirme leur avoir rapidement administré de la naloxone, un remède d’urgence pour prévenir les surdoses. Urgences-Santé indique que dans le cas de deux personnes, le remède semble avoir fonctionné, puisqu’un transport hospitalier n’a pas été nécessaire.

Puis, vers 17 h 20, les paramédicaux sont intervenus pour un second cas « d’intoxication » dans un autre secteur du centre-ville. Cette fois, deux hommes dans la quarantaine ont été transportés à l’hôpital. Urgences-Santé n’est pas en mesure d’établir de lien entre les deux évènements.

La police de Montréal a toutefois fait savoir qu’elle avait ouvert une enquête, puisque la vie de plusieurs personnes a été menacée.

Un phénomène nouveau

La série noire de dimanche est le plus important évènement du genre à avoir frappé l’organisme Projets Autochtones du Québec, mais est loin d’être le premier. En novembre dernier, trois de ses usagers avaient également fait des surdoses devant un autre refuge géré par PAQ, rue De La Gauchetière, toujours au centre-ville de Montréal.

Deux d’entre eux s’en sont sortis indemnes, tandis que le troisième, un homme de 30 ans, est mort. « Ils avaient tous acheté du même pusher », souligne la directrice générale de PAQ, Heather Johnston, qui soupçonne que la même chose est arrivée dimanche.

Elle ajoute qu’elle observe une augmentation de la consommation d’opioïdes par les usagers autochtones, surtout depuis la pandémie.

Tout ça, c’est nouveau. Auparavant, le problème dans la communauté autochtone, c’était l’alcool. C’est vraiment récent, peut-être dans la dernière année, qu’on a commencé à voir des surdoses.

Heather Johnston, directrice générale de Projets Autochtones du Québec

Face à ce phénomène, PAQ s’est doté de kits de naloxone et forme ses intervenants en conséquence. Mais l’organisme est limité quand il s’agit d’intervenir en dehors du refuge, comme cela s’est produit dimanche.

« Ça a des conséquences »

Si de tels épisodes de surdoses en série sont plus courants aux États-Unis et dans l’Ouest canadien, ils ne sont pas la norme au Québec, pour le moment du moins. « C’est appelé à se répéter de plus en plus souvent », estime toutefois le professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal Jean-Sébastien Fallu.

« Les gens ne savent pas ce qu’ils consomment et ça a des conséquences », explique-t-il en plaidant pour l’ouverture de plus de centres de consommation assistée où les usagers seraient en mesure de faire tester le contenu des drogues qu’ils consomment.

« C’est le temps de mettre notre morale de côté, martèle-t-il. Il s’agit de sauver des vies. »