Après ceux de la Rive-Sud, les usagers des transports en commun de L’Île-des-Sœurs dénoncent à leur tour que les nouveaux circuits d’autobus se connectant au Réseau express métropolitain (REM) allongent les temps de parcours. Face à la grogne, la Société de transport de Montréal (STM) promet de s’ajuster.

« On nous avait vendu cette refonte comme une façon de revoir complètement le transport collectif, comme quoi on pourrait prendre le bus tout le temps, même en dehors de la pointe, pour faire nos courses, pour voir nos amis. Bref, on nous avait vendu une révolution qui ne se matérialise pas », dénonce Sébastien Daoust, qui réside près du lac Lacoursière et du chemin du Golf.

PHOTO FOURNIE PAR SÉBASTIEN DAOUST

Sébastien Daoust

Le soir et la fin de semaine, « le bus ne passe plus qu’aux 45 minutes dans mon coin, avec un arrêt à 10-15 minutes à pied », martèle ce vigneron de profession. « Je suis souvent obligé de prendre ma voiture pour compenser », regrette-t-il.

Son cas n’est pas unique. En ligne, une pétition s’opposant aux changements de la refonte de la STM a déjà recueilli tout près de 800 signatures. « Nos trajets directs et ultra-courts pour atteindre nos destinations de choix, soit Griffintown et le Vieux-Montréal, sont maintenant abolis. On nous impose dorénavant des trajets avec de multiples correspondances pour atteindre la même destination. Nos temps de trajet sont maintenant triplés dans les meilleurs scénarios », illustre la résidante Gabrielle Lantagne.

Nous ignorions que la venue du REM allait drastiquement changer notre mode de vie. Ça nous fait régresser en matière de mobilité. La centralisation de l’offre de transports en commun est une aberration sans précédent.

Gabrielle Lantagne, résidante de L’Île-des-Sœurs

Litige prédominant : la ligne 168 – le principal parcours à L’Île-des-Sœurs – est maintenant toutes les 30 minutes dans plusieurs secteurs, contre à peine cinq minutes avant la refonte. « Avant, je me pointais au coin de la rue et je n’attendais pas tellement. Maintenant, je marche plus loin et, quand il arrive, c’est bondé de monde, c’est difficile de monter dans l’autobus », déplore Lucie Therrien, qui travaille dans le Vieux-Montréal.

« On a oublié beaucoup de choses »

À l’Association des propriétaires et résidents de L’Île-des-Sœurs, le président Daniel Manseau s’explique mal les choix de la STM. « Ils ont coupé complètement le trajet la fin de semaine de la 168. Les gens n’ont plus un accès facile au Vieux-Port, au Vieux-Montréal et au métro McGill sur la ligne verte. C’est clair qu’on a oublié beaucoup de choses dans cette refonte », souffle-t-il.

« Il faut qu’ils augmentent la fréquence, ils n’ont pas le choix, surtout avec la rentrée scolaire. Sinon, je ne sais pas ce qui va se passer, mais ça ne sera certainement pas bon pour le futur du transport en commun », lance de son côté l’administratrice de l’Association, Geneviève Guay.

Selon Rachel Ferland, c’est surtout le quotidien de sa fille étudiant au cégep du Vieux Montréal qui a été chamboulé. Jusqu’à tout récemment, la cégépienne ne devait marcher que quatre minutes pour prendre la 168 sur le chemin du Golf, puis descendre une vingtaine de minutes plus tard.

« Elle a commencé l’école le 21 août. Elle a voulu prendre le chemin le plus efficace en marchant jusqu’à la rue Berlioz pour prendre la 168. Mais l’autobus était plein et elle n’a pas pu entrer. Le prochain était 30 minutes plus tard. Je suis donc allée la porter à l’école », déplore Mme Ferland, qui envisage aujourd’hui l’achat d’une voiture « pour que [sa] fille ne soit plus dépendante des mauvaises décisions de la STM ».

Déjà 300 plaintes

La STM affirme de son côté comprendre que « tous ces changements bousculent les habitudes de déplacement de [sa] clientèle ». « Pour la fréquence et les tracés, nous allons regarder le tout dans les prochaines semaines afin de voir si des ajustements sont nécessaires. Nous suivons de près les commentaires reçus, et des recommandations seront évaluées en conséquence », soutient sa porte-parole Isabelle Tremblay.

En mai, la STM avait également confirmé le rétablissement du terminus de la ligne 168 à la station McGill. Du service a aussi été ajouté sur la ligne 12, vers Verdun, qui est saturée, selon plusieurs. Depuis le lancement de la refonte, environ 300 plaintes ont été reçues. Celles-ci « concernent principalement » la modification du parcours, de l’horaire et de la fréquence de la 168.

D’autres ajustements sont déjà en cours, comme l’ajout d’un arrêt sur la ligne 168 et la ligne 12 près de leur ancien terminus à la pointe sud, « puisque la distance entre deux arrêts était trop grande », affirme Mme Tremblay.

« Nous ajoutons aussi la 172 en direction nord dans le terminus à la station du REM, offrant ainsi dans les deux directions la possibilité de correspondre avec le REM », indique Mme Tremblay.

« On suit ce qui se passe, mais oui, il y aura des ajustements. C’est normal, dans un exercice comme ça, que la réponse donnée au nouveau service ne soit pas toujours celle qui est attendue. On va revenir avec des changements au cours des prochains mois », promet le président de la STM, Éric Alan Caldwell.