Chaque semaine de l’été, nos journalistes partent à la rencontre de communautés québécoises d’adoption. Cinquième arrêt : la communauté afghane à Brossard.

Colorées et brodées de mille détails, les robes traditionnelles afghanes – bien loin des burqas – font leur apparition au Québec, grâce à des femmes d’ici et de là-bas. Pour elles, ces habits sont devenus un symbole de fierté et de liberté.

« La majorité des gens ne voient pas qu’il y a tellement de choses magnifiques en Afghanistan. De la culture, des lieux, des personnes. Moi, je souhaite faire rayonner ma culture à travers ma marque », explique Arzoo Sayeedi.

PHOTO FOURNIE PAR ARZOO SAYEEDI

Arzoo Sayeedi a commencé il y a quelques mois à vendre des robes traditionnelles en ligne. Ses clientes viennent du Québec et d’ailleurs dans le monde. Mme Sayeedi crée le design et fait faire les robes en Afghanistan. Elle publicise ses robes sur Instagram et Tiktok.

La mère de famille de 34 ans vit à Brossard – l’un des épicentres de la communauté afghane au Québec.

  • Arzoo Sayeedi, qui a lancé la marque arzoo_closet en ligne, est au centre, en chemise blanche, lors d’une séance photo pour des robes traditionnelles reçues d’Afghanistan dont elle a créé le design.

    PHOTO FOURNIE PAR ARZOO SAYEEDI

    Arzoo Sayeedi, qui a lancé la marque arzoo_closet en ligne, est au centre, en chemise blanche, lors d’une séance photo pour des robes traditionnelles reçues d’Afghanistan dont elle a créé le design.

  • Arzoo Sayeedi a commencé il y a quelques mois à vendre des robes traditionnelles en ligne. Ses clientes viennent du Québec et d’ailleurs dans le monde. Mme Sayeedi crée le design et fait faire les robes en Afghanistan. Elle publicise ses robes sur Instagram et Tiktok.

    PHOTO FOURNIE PAR ARZOO SAYEEDI

    Arzoo Sayeedi a commencé il y a quelques mois à vendre des robes traditionnelles en ligne. Ses clientes viennent du Québec et d’ailleurs dans le monde. Mme Sayeedi crée le design et fait faire les robes en Afghanistan. Elle publicise ses robes sur Instagram et Tiktok.

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En 2021, 1330 Afghans d’origine vivaient dans cette municipalité de la Rive-Sud, selon le dernier recensement national. Chez les immigrants récents, arrivés à Brossard entre 2016 et 2021, les Afghans viennent en deuxième place, après la communauté chinoise.

Depuis août 2021, l’agglomération de Longueuil (qui inclut Longueuil, Saint-Hubert et Brossard) a aussi accueilli 350 réfugiés dans le cadre du programme #BienvenueAfghans. C’est plus que Montréal (255 arrivées) et Laval (210 arrivées), mais moins que Sherbrooke, où les efforts d’accueil sont les plus importants (435 arrivées).

Consultez le site du programme #BienvenueAfghans

Restaurants et épiceries du secteur témoignent de la vitalité de la communauté. Au Marché Afghan, situé boulevard Provencher à Brossard, on peut retrouver des gâteaux traditionnels et d’autres douceurs, du pain plat, de même que des amandes, des pistaches et des fruits séchés en vrac, notamment.

  • Au Marché Afghan, situé boulevard Provencher à Brossard, on retrouve des gâteaux traditionnels et d’autres douceurs, du pain plat afghan, de même que des amandes, des pistaches et des fruits séchés en vrac, notamment.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Au Marché Afghan, situé boulevard Provencher à Brossard, on retrouve des gâteaux traditionnels et d’autres douceurs, du pain plat afghan, de même que des amandes, des pistaches et des fruits séchés en vrac, notamment.

  • Un gâteau afghan vendu au Marché Afghan de Brossard

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Un gâteau afghan vendu au Marché Afghan de Brossard

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Lors des fêtes, la communauté afghane se rassemble pour célébrer dans des salles de réception louées pour l’occasion. Les fins de semaine, les familles se réunissent au parc ou dans les maisons des uns et des autres. « Si tu rencontres d’autres Afghans à Brossard, ils vont te demander : comment vas-tu ? Comment va la famille ? », souligne Mme Sayeedi. « Tout le monde est vraiment gentil et amical ! »

Symbole de liberté

Arzoo Sayeedi a commencé il y a quelques mois à vendre des robes traditionnelles en ligne. Elle crée le design et fait faire les robes en Afghanistan. Tout de suite, l’accueil a été enthousiaste. « Sur les réseaux sociaux, je reçois beaucoup de soutien : les gens commandent, me suivent, applaudissent mes photos et vidéos. Si ce n’était pas de ça, j’aurais arrêté », confie-t-elle.

Dès l’été 2021, après la chute de Kaboul, les robes traditionnelles afghanes sont devenues un symbole de résistance face à l’imposition du voile intégral par les talibans. En ligne, le mot-clic #Donottouchmyclothes (ne touchez pas à mes vêtements) a commencé à se répandre.

Consultez un article du Guardian (en anglais)

De ce côté-ci de l’Atlantique, des Québécoises d’origine afghane ont emboîté le pas. Depuis quelques mois, les annonces de « robes afghanes » sont apparues sur la plateforme Marketplace. Manija Fazeli fait partie de celles qui se sont lancées dans l’aventure.

Parée d’une robe chatoyante, cette femme de 43 ans nous accueille chez elle à Saint-Hubert, un matin de juillet.

Sur la table de son salon, Mme Fazeli dispose un assortiment de noix, de dattes, de beignets et de biscuits. Le tout accompagné de thé vert parfumé à la cardamome.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Manija Fazeli

Ça fait presque 30 ans que je ne suis pas retournée en Afghanistan. Maintenant, j’ai envie d’y aller, mais en attendant, je veux aider [en vendant ces robes]. Beaucoup de femmes là-bas ne peuvent pas sortir de chez elles ni travailler. Même les hommes manquent de travail.

Manija Fazeli

Si les habits traditionnels varient d’une région de l’Afghanistan à l’autre, ils ont en commun leurs couleurs éclatantes et leurs broderies élaborées.

Ces robes sont portées à diverses occasions, comme les mariages, les fiançailles, les anniversaires ou encore lors du Nouvel An du calendrier persan, appelé Norouz, expliquent les femmes rencontrées par La Presse. Le Jour de l’indépendance de l’Afghanistan et des fêtes religieuses sont autant de moments de célébrer. Les robes sont aussi utilisées lors de la populaire danse traditionnelle attan. Une danse interdite par les talibans lors de leur premier passage au pouvoir, il y a plus de 20 ans.

Regardez la vidéo sur YouTube

Faire face à l’impuissance

Acheter les robes en Afghanistan pour les revendre ici a une autre fonction : soutenir les femmes – et même les hommes – restées là-bas.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Des vêtements traditionnels afghans et un drapeau de l’Afghanistan chez Manija Fazeli, à Saint-Hubert

Depuis deux ans, la perte de liberté des Afghanes ne cesse de s’amplifier. Dernier revers en date : la fermeture des salons de beauté en juillet. L’Afghanistan est aussi aux prises avec la crise humanitaire « la plus importante et la plus grave au monde », selon l’Organisation des Nations unies (ONU).

Lisez l’article « Travail des femmes en Afghanistan : “C’est la pire nouvelle qu’on puisse avoir” » Lisez l’article « Afghanistan : les autorités talibanes ordonnent la fermeture des salons de beauté » Lisez l’article « L’ONU appelle la communauté internationale à ne pas abandonner le peuple afghan »

« Je me sens impuissante face à la situation de mes compatriotes et aux nombreuses veuves en Afghanistan, donc j’essaie de les aider à ma mesure », explique aussi la journaliste Nargis Hashimi, arrivée au Québec en 2011, qui vend également sur Marketplace.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Nargis Hashimi montre des robes traditionnelles qu’elle prévoit vendre. À gauche, son fils Milad, âgé de 6 ans.

Nous la rencontrons avec son mari et ses enfants dans leur maison au bout d’un cul-de-sac, à Brossard. Sur les tables du salon, des napperons en forme de feuilles d’érable. Et dans le garde-robe de l’aînée, des robes et vêtements traditionnels, prêts à être distribués.

« Cette veste, les femmes afghanes [avec qui je fais affaire] me l’ont envoyée pour mon fils, pour me remercier, montre Mme Hashimi, émue. Mon seul but en vendant des vêtements afghans est de faire découvrir notre culture millénaire, de créer des emplois et d’apporter une aide financière aux femmes là-bas. »

Se lancer en affaires, c’est aussi un rêve d’émancipation pour certaines de ces Québécoises d’adoption.

« [Avec ces vêtements], j’aime montrer que les femmes peuvent porter ce qu’elles veulent. Que personne ne peut les forcer, témoigne Mme Sayeedi. Et moi, je veux être libre ! »