En pleine saison touristique et quatre mois après l’indignation suscitée par l’incendie mortel du Vieux-Montréal, des centaines d’appartements sont toujours offerts sur la plateforme Airbnb dans des secteurs où ils sont pourtant interdits. Ils affichent de faux numéros d’enregistrement ou contournent la réglementation municipale. Mais une nouvelle escouade municipale se prépare à les débusquer.

Les photos de l’appartement, publiées sur un site de location touristique, sont en tout point semblables à celles prises par l’inspecteur Nicolas Castillo-Caron dans un logement de la rue Saint-André, dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal : mêmes cadres sur les murs, même mobilier, mêmes coussins sur le divan.

« Il n’y a aucun vêtement dans les placards ni dans les tiroirs, presque rien dans les armoires de cuisine, relate l’inspecteur. Et les serviettes roulées placées sur le lit, qui fait ça dans son propre logement ? »

CAPTURE D’ÉCRAN LA PRESSE

Un des logements inspectés dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal

Avec des preuves recueillies sur place, M. Castillo-Caron estime pouvoir monter un bon dossier pour tenter de prouver que ce logement est une résidence de tourisme illégale, parce que ce type de commerce est interdit dans ce secteur par la réglementation de l’arrondissement, et qu’il ne s’agit pas non plus d’une résidence principale mise en location de temps en temps par ses occupants (ce qui est autorisé).

Combattre la crise du logement

L’inspecteur fait partie de la toute nouvelle escouade créée par trois arrondissements centraux de Montréal (Le Plateau-Mont-Royal, Ville-Marie et Le Sud-Ouest) pour contrer la prolifération des appartements à louer offerts sur des plateformes comme Airbnb, Booking ou Expedia.

Son but : faire cesser les locations à court terme illégales pour que ces appartements retournent sur le marché locatif local.

« En pleine crise du logement, on a des milliers de logements destinés à la location touristique, alors qu’ils devraient être disponibles pour les Montréalais », explique Luc Rabouin, maire du Plateau-Mont-Royal et responsable du développement économique au comité exécutif de la Ville de Montréal, pour justifier la création de cette escouade.

« En plus, il y a des enjeux de bruit et de propreté dans nos quartiers parce que les gens qui sont de passage ne respectent pas toujours nos horaires de collecte des déchets et n’ont pas nécessairement le même souci d’entretenir de bonnes relations avec leurs voisins. »

La Presse a eu accès à la nouvelle escouade, dont deux inspecteurs sont entrés en poste il y a seulement 10 jours – un troisième est attendu la semaine prochaine.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Lina Giraldo coordonne les activités de la nouvelle escouade créée pour contrer les locations à court terme illégales.

Les inspecteurs vont d’abord se pencher sur les plaintes faites par les citoyens aux arrondissements, indique Lina Giraldo, conseillère en planification, qui coordonne les activités de l’escouade. « Mais on va peaufiner graduellement nos méthodes et nos stratégies en développant notre expertise », poursuit-elle.

« Amendes peu dissuasives »

Avec suffisamment de preuves démontrant qu’un logement est utilisé illégalement comme résidence de tourisme, les inspecteurs seront en mesure de remettre un constat d’infraction assorti d’une amende de… 1000 $ pour une personne physique. Si le citoyen qui reçoit l’amende la conteste en cour municipale, l’inspecteur devra présenter les informations recueillies pour prouver qu’une infraction a été commise.

Luc Rabouin reconnaît que de telles amendes sont « peu dissuasives ». C’est la Loi sur les cités et villes, une loi provinciale, qui en détermine le montant.

Peut-être la nouvelle escouade permettra-t-elle de conclure, dans quelques mois, qu’il faut demander une hausse du montant des amendes, avance M. Rabouin.

« Mais ce qui nous permettra vraiment d’être efficaces, c’est que nous allons remettre au gouvernement du Québec tous les cas que nous allons documenter, afin que lui puisse donner des amendes qui sont plus importantes », dit-il.

En effet, Revenu Québec, chargé de l’application de la Loi sur l’hébergement touristique, peut imposer des amendes de 500 $ à 50 000 $ pour une personne physique, et de 1000 $ à 100 000 $ dans les autres cas, à ceux qui font de la location touristique sans être enregistrés auprès de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ). Pour recevoir un numéro d’enregistrement, il faut obtenir des autorités municipales un document attestant que l’hébergement touristique est bien autorisé à l’endroit concerné.

Sept morts

Le ministère du Tourisme a décidé de resserrer sa réglementation le printemps dernier, peu de temps après l’incendie dans un immeuble du Vieux-Montréal qui a fait sept morts, en mars dernier, dont plusieurs visiteurs qui y avaient loué un appartement sur Airbnb. Les plateformes de locations doivent maintenant exiger un numéro de la CITQ pour la publication d’une annonce.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

En mars dernier, sept personnes sont mortes dans l’incendie d’un immeuble du Vieux-Montréal où des appartements avaient été loués sur Airbnb.

Une nouvelle loi, entrée en vigueur le 12 juin, obligera les plateformes à s’assurer de la validité des numéros d’enregistrement à partir de septembre.

Les inspecteurs de Revenu Québec ont remis 514 constats d’infraction à des propriétaires montréalais entre mars 2022 et mars 2023 (1685 pour l’ensemble de la province), assortis d’amendes de 4070 $ en moyenne.

Selon le site Inside Airbnb, créé par des militants dénonçant les effets de la plateforme de location sur le marché locatif dans plusieurs villes, il y aurait 8630 appartements offerts sur Airbnb dans la métropole.

Luc Rabouin estime que la nouvelle escouade municipale pourrait permettre à Revenu Québec d’être plus efficace pour cibler les appartements loués illégalement à court terme.

C’est bien d’avoir une loi sévère avec de grosses amendes, mais il faut pouvoir l’appliquer. On s’est donc dit qu’avec notre propre escouade, on pourrait contribuer à ce qu’il y ait plus d’amendes, pour que les gens y pensent à deux fois avant d’offrir un logement à louer illégalement.

Luc Rabouin, maire du Plateau-Mont-Royal

Les inspecteurs de l’escouade auront aussi dans leur ligne de mire les établissements qui ont obtenu des permis municipaux pour l’exploitation d’un hôtel, alors qu’il s’agit en réalité d’immeubles d’habitation dont tous les appartements sont loués à court terme à des touristes.

C’est d’ailleurs pour contrer ce phénomène que les arrondissements de Ville-Marie et du Plateau-Mont-Royal ont modifié leurs règlements, en 2017 et 2018, pour exiger que les hôtels aient une réception avec au moins un employé en poste 24 heures sur 24.

« S’ils ne respectent pas cette règle, ce ne sont pas vraiment des hôtels, souligne le maire d’arrondissement. On a vu le phénomène, et ça va aussi relever de la nouvelle escouade. »

Des règlements municipaux bafoués

Malgré l’entrée en vigueur, le 12 juin, d’une nouvelle loi provinciale visant à serrer la vis à l’industrie de la location touristique, des centaines de propriétaires font fi des règlements municipaux et provinciaux en offrant aux touristes des appartements sur des plateformes comme Airbnb, dans les secteurs les plus attrayants de Montréal.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Quelques centaines de logements dans le Vieux-Montréal sont offerts à court terme sur le site Airbnb, bien que l’arrondissement interdise depuis 2018 les « résidences de tourisme » dans ce secteur.

Certaines annonces affichent un faux numéro d’enregistrement auprès de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ), information exigée par le gouvernement depuis septembre 2022. D’autres propriétaires contournent la réglementation municipale en présentant leurs établissements comme des hôtels, alors qu’ils ne respectent pas toutes les conditions exigées par la Ville de Montréal pour cet usage.

C’est flagrant notamment dans le Vieux-Montréal, où la carte du site Airbnb montre quelques centaines de logements offerts à louer à court terme, bien que l’arrondissement interdise depuis 2018 les « résidences de tourisme » dans ce secteur.

CAPTURE D’ÉCRAN LA PRESSE

Offres de logements dans le Vieux-Montréal affichées sur le site Airbnb

Certains de ces appartements sont peut-être des résidences principales mises en location de façon ponctuelle par leurs occupants, ce qui est permis, pourvu que le locateur obtienne un numéro d’enregistrement auprès de la CITQ. Mais de nombreux « hôtes » proposent plusieurs logements ; ils ne peuvent donc pas tous être des résidences principales.

La nouvelle loi provinciale forcera Airbnb à s’assurer que les annonces qu’elle diffuse sont légales, donc que les numéros d’enregistrementsont légitimes. Mais cette disposition ne s’appliquera qu’à partir du 1er septembre.

En attendant qu’Airbnb contrôle elle-même le statut des appartements offerts, des propriétaires bafouent les règles et encaissent des milliers de dollars. Selon le site Inside Airbnb, les appartements les plus populaires sont loués en moyenne 249 $ la nuit et procurent à leurs propriétaires des revenus annuels moyens de 51 350 $.

Faux numéros

Depuis mars, Airbnb demande aux « hôtes » d’indiquer dans leur annonce le numéro d’enregistrement auprès de la CITQ. Pour obtenir ce numéro, il faut présenter un document municipal attestant que la location touristique respecte la réglementation locale.

Or, de nombreux propriétaires indiquent de faux numéros dans leurs annonces, d’après les vérifications de La Presse auprès du ministère du Tourisme. Certains se contentent même d’inscrire 000000.

Exemples de logements offerts dans le Vieux-Montréal dont les annonces affichent de faux numéros d’enregistrement
  • Charmant loft, Vieux-Port de Montréal
Le numéro d’enregistrement affiché n’existe pas, selon Tourisme Québec. L’hôte, qui utilise le pseudonyme « Montréal », a 13 annonces sur Airbnb, surtout au centre-ville.

    CAPTURE D’ÉCRAN LA PRESSE

    Charmant loft, Vieux-Port de Montréal
    Le numéro d’enregistrement affiché n’existe pas, selon Tourisme Québec. L’hôte, qui utilise le pseudonyme « Montréal », a 13 annonces sur Airbnb, surtout au centre-ville.

  • Loft historique dans le Vieux-Montréal
Numéro d’enregistrement : 000000
L’hôte, Daniel, a une seule annonce sur le site.

    CAPTURE D’ÉCRAN LA PRESSE

    Loft historique dans le Vieux-Montréal
    Numéro d’enregistrement : 000000
    L’hôte, Daniel, a une seule annonce sur le site.

1/2
  •  
  •  

Contactés par La Presse par l’intermédiaire de la plateforme Airbnb, deux hôtes dont les annonces affichent de faux numéros d’enregistrement, « Montréal » et Daniel, n’ont pas répondu à nos questions sur la légalité de leurs offres de logements touristiques.

Registre à venir

Les visiteurs peuvent vérifier la validité d’un numéro d’enregistrement en l’inscrivant dans l’outil de recherche du site bonjourquebec. com. Il arrive cependant que des numéros légitimes n’y apparaissent pas. Les résidences principales n’y sont pas non plus inscrites, ce qui complique les recherches pour ceux qui voudraient s’assurer de louer un logement autorisé.

« À compter du 1er septembre 2023, l’exploitant d’un établissement d’hébergement touristique sera obligé d’afficher le certificat d’enregistrementde son établissement d’hébergement à la vue du public, à l’entrée principale de l’établissement ou de l’immeuble, si l’établissement est situé dans un immeuble comprenant plusieurs unités d’habitation », indique Jean-Manuel Téotonio, porte-parole de Tourisme Québec.

« Ultimement, un registre public sera mis en place afin de permettre à tous la possibilité de valider le numéro d’enregistrement de leur hébergement touristique. »

Chez Airbnb, on assure se préparer à se conformer à la nouvelle loi provinciale, qui exigera que la plateforme vérifie la validité des numéros d’enregistrement. Cependant, l’entreprise demande à Québec de lui donner accès à sa base de données pour qu’elle puisse agir. Des discussions sont en cours avec le gouvernement à ce sujet, dit une porte-parole.

« Nous serons heureux de travailler avec le gouvernement provincial dans les mois à venir afin de mettre en œuvre une solution technologique qui nous permettra de nous conformer à la loi », affirme Camille Boulais-Pretty, conseillère en politiques d’Airbnb Canada.

Des « hôtels » qui contournent les règles

Qu’est-ce qu’un hôtel ? Selon les arrondissement de Ville-Marie et du Plateau-Mont-Royal, c’est un établissement ayant un bureau de réception avec un employé en poste 24 heures sur 24, des commodités sanitaires pour les employés et une ou plusieurs entrées communes desservant toutes les unités d’hébergement.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

L’hôtel U, rue De La Gauchetière Ouest, dans Ville-Marie

Plusieurs établissements du Vieux-Montréal ont bel et bien obtenu un permis de l’arrondissement pour l’exploitation d’un hôtel, selon des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Mais nous avons pu constater que bon nombre d’entre eux n’ont pas de réception ouverte en tout temps, avec un employé en poste. Ce sont plutôt des immeubles d’habitation dont les appartements sont loués à court terme. Un logement a parfois été converti en espace « réception », mais sans employé présent jour et nuit. L’enregistrement des visiteurs se fait en ligne.

C’est notamment le cas de quatre établissements du Vieux-Montréal et du Quartier latin dont les 81 appartementssont annoncés sur Airbnb par l’entreprise Kasbastays. Les résidences de tourisme sont interdites dans ces secteurs.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

L’entrée du « Boutique-Loft Notre-Dame », dans le Vieux-Montréal

L’un d’eux, appelé simplement « Hôtel 9343-2649 Québec inc. », a un permis de l’arrondissement de Ville-Marie pour un hôtel de cinq chambres. Sur la porte de l’immeuble, situé rue Notre-Dame à côté d’un restaurant, une inscription indique « Boutique-Loft Notre-Dame » et une « Attestation de classification provisoire » échue depuis 2019 est affichée. Il faut un code pour ouvrir la porte et aucun espace de réception n’est visible à l’intérieur.

Dans un autre immeuble où Kasbastays offre des appartements, l’hôtel Clouds, rue Saint-Hubert, un espace commun est visible près de l’entrée, mais il n’y avait personne sur place lors des trois visites de La Presse, pas plus qu’à l’hôtel Opal, rue Saint-Denis. La clientèle doit aussi utiliser un code pour entrer dans ces deux immeubles.

Les propriétaires de Kasbastays, Kevin Hazout et Yankel Chetrit, expliquent que les portes sont verrouillées « pour assurer la sécurité des clients ».

Des réceptions ont été aménagées dans d’anciens logements, expliquent-ils. En ce qui concerne la personne en poste à la réception, « toutes les dispositions sont prises pour se conformer à ce critère exigé par la Ville », ont indiqué les propriétaires, par l’entremise d’un spécialiste des relations publiques.

« Comme beaucoup d’hôtels aujourd’hui, les enregistrements d’arrivée et de départ (check-in et check-out) sont faits virtuellement et non en personne. La clientèle est essentiellement sollicitée par le web sur lequel on trouve toutes les informations nécessaires. Les identifications extérieures ne sont donc ni utiles, ni d’ailleurs exigées. »

Kevin Hazout est un promoteur immobilier, notamment propriétaire de bâtiments datant de 1875 qui ont dû être démolis le mois dernier, rue Saint-Hubert, près du Vieux-Montréal, à la suite de travaux « réalisés de façon irréfléchie et incompétente », selon un jugement de la Cour supérieure. La Ville de Montréal avait demandé la démolition des immeubles, estimant que leur mauvais état menaçait la sécurité du public.

Personne sur place

Le groupe Sonder, qui a 44 annonces d’appartements sur Airbnb, a aussi obtenu des permis d’exploitation d’hôtels pour des établissements où on ne voit aucune réception à l’entrée de l’immeuble.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Un clavier numérique placé à côté d’une plaque au nom de l’entreprise « Sonder » permet d’accéder à cet immeuble de la rue Saint-Paul, dans le Vieux-Montréal.

Ainsi, Hospitalité Sonder a obtenu un permis de l’arrondissement de Ville-Marie pour l’« Hôtel 12 411 725 Canada inc. ». Mais quand on se rend sur place, rue Saint-Paul dans le Vieux-Montréal, il n’y a pas d’hôtel, seulement une porte verrouillée vers un immeuble d’appartements, à côté d’un restaurant, avec une plaque au nom de l’entreprise « Sonder » et un clavier numérique. Une affiche demande aux clients d’appeler, de texter ou de se rendre sur un site web s’ils ont besoin d’information.

CAPTURE D’ÉCRAN LA PRESSE

Annonce pour l’hôtel-boutique de Sonder
sur le site Airbnb

Sonder a été fondée à Montréal en 2012 par des étudiants de l’Université McGill, Francis Davidson et Lucas Pellan. L’entreprise a déménagé à San Francisco en 2017. Nos messages laissés à Sonder par courriel et par téléphone pour obtenir des informations sur son mode de fonctionnement sont restés sans réponse.

L’hôtel U et l’hôtel Rozenhaus, tous deux situés rue De La Gauchetière, fonctionnent aussi avec des codes et des boîtes pour le dépôt des clés, à l’entrée d’immeubles de condos. Tous deux ont des permis d’hôtel de l’arrondissement, mais aucun employé n’est en poste à la réception, a pu constater La Presse en s’y rendant à trois reprises.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

L’hôtel U, dans Ville-Marie, fonctionne avec des codes et des boîtes pour le dépôt des clés.

Une affiche à l’entrée de l’hôtel U demande aux « invités » d’utiliser l’application d’Airbnb ou de communiquer avec l’hôte en cas de problème.

Au Rozenhaus, un pupitre et une chaise vides se trouvent dans le vestibule de l’immeuble de condos. Joint au téléphone, le gestionnaire de l’hôtel, Ralph Mefleh, nous a assuré que, contrairement à ce que nous avons observé, il y avait des employés en permanence à la réception de son hôtel, situé dans le Quartier chinois, mais que les employés se trouvaient peut-être dans une autre pièce lors de nos trois passages.

Contactés par La Presse, les responsables des autres hôtels n’ont pas voulu répondre à nos questions.

Concurrence déloyale

Ces pratiques illégales indisposent les propriétaires de « vrais » hôtels, qui y voient une concurrence déloyale.

« Si ces établissements ont des permis d’hôtel donnés par la Ville, mais qu’ils ne respectent pas la réglementation, ça veut dire que la Ville ne fait pas son travail », déplore Jean-Sébastien Boudreault, PDG de l’Association hôtelière du Grand Montréal, qui a hâte que des mesures soient prises pour faire respecter les règles.

L’image de Montréal et la sécurité des touristes sont en jeu, souligne-t-il, rappelant l’incendie d’un immeuble du Vieux-Montréal qui a fait sept morts en mars dernier, dont plusieurs visiteurs qui y avaient loué un appartement sur Airbnb.

Le responsable du développement économique au comité exécutif de la Ville de Montréal, Luc Rabouin, rappelle que c’est précisément pour éviter les locations Airbnb « déguisées » en hôtels que les arrondissements de Ville-Marie et du Plateau-Mont-Royal ont exigé, en 2017 et 2018, qu’il y ait une réception ouverte en permanence dans les établissements hôteliers. « Mais ensuite, il y a toujours les mêmes difficultés quant à l’application », admet-il, ajoutant que la nouvelle escouade municipale affectée à l’hébergement touristique pourrait se pencher sur le problème.

Des limites pour les locations touristiques

Certains arrondissements montréalais interdisent les locations touristiques partout sur leur territoire, comme Verdun, Villeray, Mercier–Hochelaga-Maisonneuve et Lachine, sauf pour les résidences principales louées occasionnellement.

D’autres arrondissements se sont dotés de règlements pour les limiter à des secteurs commerciaux bien précis. Voici les limites dans les arrondissements centraux (sauf lorsqu’il s’agit de résidences principales) :

Ville-Marie : rue Sainte-Catherine, entre les rues Saint-Mathieu et Atateken. Au moins 150 mètres doivent séparer deux résidences de tourisme.

Le Plateau-Mont-Royal : boulevard Saint-Laurent, entre la rue Sherbrooke et l’avenue du Mont-Royal ; rue Saint-Denis, entre la rue Sherbrooke Est et la rue Gilford.

Le Sud-Ouest : rue Notre-Dame Ouest, entre les rues Rose-de-Lima et Charlevoix ; rue Peel dans le secteur Griffintown ; rue Wellington dans le secteur Griffintown ; rue du Square-Gallery, entre la rue des Bassins et le canal de Lachine. Au moins 150 mètres doivent séparer deux résidences de tourisme.

Rosemont–La Petite-Patrie : rue Saint-Hubert, entre la rue de Bellechasse et la rue Jean-Talon Est (ce qui correspond à la Plaza Saint-Hubert).

Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce : boulevard Décarie, entre la rue de la Savane et le chemin de la Côte-Saint-Luc ; chemin Queen-Mary, entre les avenues Victoria et Clanranald ; avenue Victoria, entre la rue Plamondon etle chemin de la Côte-Sainte-Catherine ; avenue Van Horne, entre l’avenue Westbury et la rue Lavoie ; chemin de la Côte-des-Neiges, entre la rue Jean-Talon Ouest et le chemin Queen-Mary ; boulevard Décarie, entre les boulevards Saint-Jacques et De Maisonneuve Ouest ; avenue Prud’homme, entre les boulevards Saint-Jacques et De Maisonneuve Ouest ; boulevard De Maisonneuve Ouest, entre le boulevard Décarie et la rue Claremont. Un logement loué avec un bail, ou occupé par son propriétaire, ne peut pas être mis en location de courte durée (31 jours ou moins), c’est-à-dire converti en résidence de tourisme.

*Précision : un passage de ce texte a été retiré après publication. Il indiquait que « huit numéros de la Corporation de l’industrie touristique du Québec rattachés aux logements offerts par Sonder », se sont révélés faux. Il semble que ces annonces aient été placées par un autre locateur utilisant le nom Sonder sur Airbnb. Le Groupe Sonder n’avait pas répondu aux demandes d’entrevues de La Presse à ce sujet pendant la préparation du reportage.