Payer 989 $ par mois pour occuper un lit superposé dans une chambre partagée avec quatre autres personnes ? Vivre dans un logement avec 17 colocataires, pour un loyer mensuel frisant les 18 000 $ ? Des offres en ligne pour louer des appartements destinés à des étudiants ont provoqué l’indignation des internautes, beaucoup y voyant un symbole de la flambée des prix à Montréal. Or, il s’agit de fausses annonces, a pu établir La Presse.

Des publications destinées à des étudiants de l’Université McGill sont apparues sur Marketplace (la plateforme de vente en ligne de Facebook) depuis quelques semaines.

Le prix : entre 898 $ et 989 $ par mois, par lit.

L’une des annonces précise que les chambres comptent chacune quatre lits. Une autre, que le logement est partagé par un total de 18 colocataires, pour un loyer mensuel de 17 802 $.

  • L’une des photos devenues virales sur les réseaux sociaux montre quatre lits superposés dans une chambre étroite, dans un demi-sous-sol. « Mais quel est cet enfer ? », s’est indignée une internaute sur Instagram.

    PHOTO TIRÉE DE L’ANNONCE MARKETPLACE DE JEAN-GUY LOUIS

    L’une des photos devenues virales sur les réseaux sociaux montre quatre lits superposés dans une chambre étroite, dans un demi-sous-sol. « Mais quel est cet enfer ? », s’est indignée une internaute sur Instagram.

  • Une deuxième annonce précise que le futur locataire partagera les espaces communs avec 17 autres personnes.

    CAPTURE D’ÉCRAN DE L’ANNONCE DE JEAN-GUY LOUIS, SUR MARKETPLACE

    Une deuxième annonce précise que le futur locataire partagera les espaces communs avec 17 autres personnes.

  • L’annonce montre des photos qui semblent provenir de différents logements. 

    PHOTO TIRÉE DE L’ANNONCE MARKETPLACE DE JEAN-GUY LOUIS

    L’annonce montre des photos qui semblent provenir de différents logements. 

  • L’annonce montre des photos qui semblent provenir de différents logements. 

    PHOTO TIRÉE DE L’ANNONCE MARKETPLACE DE JEAN-GUY LOUIS

    L’annonce montre des photos qui semblent provenir de différents logements. 

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Mais il s’agit de fausses annonces, a pu établir La Presse après s’être déplacée à l’adresse visée, et avoir parlé au fils du propriétaire de l’immeuble ainsi qu’avec l’annonceur sur Marketplace.

Il s’agit, selon l’annonceur, de publications qui visent à « étudier le marché ». En d’autres mots, il souhaite savoir jusqu’où les gens sont prêts à payer à Montréal, et dans quel type d’hébergement.

Pendant ce temps, ces annonces sont devenues virales sur les réseaux sociaux.

L’une des photos montre notamment quatre lits superposés dans une étroite chambre, dans ce qui semble être un demi-sous-sol. « Mais quel est cet enfer ? », s’est indignée une internaute sur Instagram.

Des conversations, pas de visite

L’annonceur sur Marketplace, Jean-Guy Louis, a un compte Facebook depuis 2020. Sa photo de profil, un drapeau vert et noir divisé en diagonale, est un symbole d’écoanarchisme. Il a été impossible d’établir s’il s’agit de sa véritable identité et s’il a un lien quelconque avec l’immeuble.

Lors du premier contact avec La Presse par l’entremise de Messenger, M. Louis ne dit pas qu’il s’agit d’une fausse annonce. Au contraire, il prévient d’emblée des conditions de location : une chambre partagée avec plusieurs colocataires (hommes et femmes séparés), dans des lits superposés, dans un logement sur trois étages. Il confirme aussi le prix, et propose à La Presse un rendez-vous quelques jours plus tard.

Il ne fait aucune mention de paiement ou de versement d’argent à l’avance. Lorsque nous tentons d’aller de l’avant avec une visite, M. Louis cesse de répondre.

De fausses photos

Dans les annonces Marketplace, les photos qui défilent semblent avoir été prises dans différents immeubles. Un détail qui peut sonner l’alarme pour une fausse annonce, juge l’avocate en droit du logement MKimmyanne Brown.

Quand les photos semblent tirées d’un magazine, ou qu’on tombe sur une photo qui semble ne pas avoir rapport avec les autres, il faut rester vigilant.

MKimmyanne Brown, avocate en droit du logement

La Presse s’est rendue à l’adresse de l’une des annonces, un immeuble datant de 1870 situé rue University, en face de l’Université McGill. Selon le rôle foncier de la Ville de Montréal, son propriétaire vit à Vancouver.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

L’immeuble datant de 1870, rue University, appartient à un propriétaire vivant à Vancouver.

Nous avons réussi à parler au téléphone avec le fils du propriétaire. Ce dernier nous a confirmé gérer l’endroit, mais a refusé de commenter les annonces en ligne.

Sur place, une personne nous a confirmé que les photos des annonces de Marketplace ne correspondaient pas à la configuration de l’immeuble. Par crainte de représailles, cette personne a demandé de ne pas être identifiée.

De plus, cette personne a aussi confirmé que les photos du site de location Zumper – où quatre logements situés à cette adresse sont affichés – correspondent bien à la réalité. Sur ce site, les loyers mensuels varient de 1485 $ pour deux lits à 4900 $ pour cinq lits.

Voyez les annonces sur le site Zumper

La Presse a ensuite relancé Jean-Guy Louis sur Marketplace, qui a finalement indiqué que les logements n’étaient pas vraiment disponibles.

« C’est pour ça que je ne vous suis jamais revenu [pour la visite] », a-t-il assuré.

Les lits à 989 $ par mois ne sont pas populaires, a précisé M. Louis sur Messenger. « Les étudiants cherchent surtout des 4 ½, et ils payent 2300 $/mois dans le Ghetto McGill », a-t-il écrit à La Presse.

Légal, un logement à 18 colocataires ?

Si ces annonces s’étaient avérées réelles, aurait-il été légal de vivre à 18 dans un logement, dans des chambres-dortoirs ?

« J’ai des doutes », relève en entrevue l’avocat spécialisé en droit du logement, Daniel Crespo.

Selon le Règlement sur la salubrité, l’entretien et la sécurité des logements de la Ville de Montréal, « la surface totale des espaces habitables d’un logement doit être d’au moins 8,5 m2 par personne qui y a domicile ».

Dans une maison de chambres, s’il y a des espaces communs, les chambres peuvent être partagées par plus d’une personne, mais à condition qu’elles aient une superficie d’au moins 7 m2 par personne.

La Ville de Montréal ne peut toutefois pas intervenir à partir d’annonces, a affirmé par courriel Geneviève Allard, chargée des communications. « Nous agissons sur la base de requêtes. »

MKimmyanne Brown souligne que les étudiants internationaux sont à risque d’être victimes d’arnaques, notamment parce qu’ils louent parfois de l’étranger.

L’Université McGill accueille en moyenne 12 000 étudiants étrangers par année, ce qui représente 30 % de sa population étudiante, selon l’agente de relations avec les médias Claire Loewen. L’institution a d’ailleurs préparé un guide à leur intention, avec une section sur les escroqueries à la location.

Consultez le guide préparé par l’Université McGill (en anglais)