Justin Roy-Brousseau a eu le choc de sa vie en revenant de voyage le 7 juillet dernier. Son appartement avait été vidé pendant son absence et les serrures changées. C’est que ses propriétaires croyaient à tort que sa conjointe et lui rompaient leur bail.

L’homme de 30 ans a d’abord été surpris de constater que la clé de son logement ne fonctionnait plus lorsqu’il est rentré d’un séjour de trois mois en Colombie-Britannique, où il plantait des arbres. « J’ai fait le tour de l’immeuble pour regarder par la porte coulissante qui donne sur la cuisine, à l’arrière. C’est là que j’ai eu le choc. Il n’y avait rien dans la cuisine. Il n’y avait pas de cuisinière, il n’y avait pas de table, il n’y avait absolument rien », raconte-t-il.

Il s’est aussitôt précipité chez ses propriétaires qui habitent le logement voisin. Les locateurs, qui ont refusé d’accorder une entrevue à La Presse, ont expliqué à Justin qu’ils étaient convaincus qu’il s’était séparé de sa conjointe, mais qu’il assurait financièrement le paiement du logement depuis trois mois.

En voyant sa conjointe partir le 24 juin, ils ont à tort cru qu’elle abandonnait l’appartement situé dans Rosemont–La Petite-Patrie.

Elle avait laissé une lettre pour Justin au milieu de la table. Les propriétaires, qui selon Louise ne lisent pas très bien le français, ont pensé que c'était une lettre de rupture. « Ça les a confortés dans leur scénario », raconte Louise Philipovitch, qui était en voyage en Islande pour participer à une course de vélo. Elle est rentrée au Québec le 11 juillet.

« La lettre commençait par “bienvenue chez nous, mon amour” et se finissait par “je t’aime” », se désole-t-elle.

Justin Roy-Brousseau et Louise Philipovitch assurent qu’ils ont toujours payé leur loyer deux jours avant la fin du mois, à l’exception du 28 juin dernier. Justin Roy-Brousseau, débordé par le démantèlement du camp en forêt en Colombie-Britannique, n’a effectué un transfert bancaire à ses locateurs que le 6 juillet.

  • Les propriétaires ont vidé les armoires, décroché les cadres et défait les étagères.

    PHOTO FOURNIE PAR LOUISE PHILIPOVITCH

    Les propriétaires ont vidé les armoires, décroché les cadres et défait les étagères.

  • Le couple a pu récupérer ses meubles et une partie de ses affaires personnelles qui avaient été placées dans des sacs à ordures.

    PHOTO FOURNIE PAR LOUISE PHILIPOVITCH

    Le couple a pu récupérer ses meubles et une partie de ses affaires personnelles qui avaient été placées dans des sacs à ordures.

  • Justin Roy-Brousseau et Louise Philipovitch ont retrouvé leur appartement complètement vide à leur retour de voyage.

    PHOTO FOURNIE PAR LOUISE PHILIPOVITCH

    Justin Roy-Brousseau et Louise Philipovitch ont retrouvé leur appartement complètement vide à leur retour de voyage.

1/3
  •  
  •  
  •  

Trop peu trop tard. Les serrures avaient déjà été changées, le logement vidé et les murs repeints en blanc, en partie.

Leurs affaires sur le trottoir

« On ne sait pas pourquoi, mais ils ont jeté certaines choses et ils en ont stocké une autre partie dans le garage », raconte Louise Philipovitch. « Le tri a été fait de façon très arbitraire. »

« La moitié de nos affaires s’est retrouvée sur le trottoir. Notre voisin a récupéré une chaise et une table de balcon en se disant qu’elles étaient en bon état », ajoute-t-elle, précisant que le voisin en question a promis de leur remettre le mobilier quand il a appris leur histoire.

Justin Roy-Brousseau a contacté les policiers, le 7 juillet, et ceux-ci ont recueilli sa version des faits et celle des propriétaires, affirme-t-il. Les patrouilleurs l’ont accompagné dans le garage des propriétaires afin qu’il récupère certains de ses biens. Contacté à ce sujet, le Service de police de la Ville de Montréal a indiqué qu’il « ne fournit pas d’historique de ses interventions antérieures liées à une adresse précise ».

Dans l’ensemble, on a retrouvé tous nos meubles, mais en plus ou moins bon état parce qu’ils ont brisé une chaise, une table en verre, une poubelle. Ils ont abîmé le lit en le démontant. Ça se voit qu’ils n’ont pas pris soin de nos affaires.

Louise Philipovitch

Tous les effets qui se trouvaient dans la salle de bain ont été placés dans un sac-poubelle noir. Les huiles essentielles se sont répandues partout. « Ils ont mélangé l’éponge dont nous nous servons pour nettoyer la toilette avec nos brosses à dents », illustre-t-elle.

Dans tout ce bourbier, Justin Roy-Brousseau et Louise Philipovitch ont également perdu des objets d’une grande valeur sentimentale pour eux. Lui, qui adore la cuisine, a perdu sa collection d’épices qu’il avait bâtie au fil de ses voyages. Elle, qui dessine depuis longtemps, n’a pas retrouvé ses croquis.

« J’en parle de manière assez détachée, mais je suis vraiment très, très affectée par ça », dit-elle au sujet de ses dessins et des pièces de poterie qu’elle avait conçues.

Tous deux déplorent que leurs propriétaires n’aient pas insisté pour les joindre avant de prendre une décision aussi radicale.

Les locateurs auraient tenté d’appeler Justin Roy-Brousseau, mais en se trompant d’indicatif régional, dit-il. Ils auraient téléphoné à Louise Philipovitch, mais elle ne pouvait pas recevoir d’appels à l’étranger. Les deux assurent qu’ils n’ont reçu aucun courriel ou message sur les réseaux sociaux.

« Qui part comme ça de son appartement en laissant des ordinateurs, des documents de travail et des vêtements ? », se demande Justin Roy-Brousseau, critiquant le jugement de ses propriétaires.

Pas un cas unique

Ce n’est pas la première fois que l’avocat Daniel Crespo entend une histoire comme celle de Justin Roy-Brousseau et de Louise Philipovicth. « C’est exceptionnel, c’est rare, mais ce n’est pas la première fois. Ça arrive », dit-il.

Pour conclure que les locataires ont quitté leur logement pour de bon, les locateurs doivent avoir des signes clairs comme une cessation de paiement et un appartement entièrement vide. En langage juridique, il s’agit alors d’un « déguerpissement », explique l’avocat.

« Du moment où les propriétaires en question ont vidé eux-mêmes les meubles, ce n’était pas apparent qu’ils étaient devant un déguerpissement », soutient MCrespo, spécialiste en droit du logement.

Selon lui, les propriétaires auraient dû faire tout en leur pouvoir pour joindre les locataires. En l’absence de réponse, ils auraient dû préserver les biens, comme le prévoit le Code civil. « Préserver les biens, ça veut dire les transporter dans un entrepôt […]. Chaque cas est un cas d’espèce et il y a certaines exceptions, mais je vous dirais que la période minimale [d’entreposage], c’est environ trois mois », précise-t-il.

Justin Roy-Brousseau et Louise Philipovitch ont pu regagner leur appartement, mais ils souhaitent maintenant s’entendre avec leurs propriétaires sur un dédommagement pour les pertes matérielles et le choc émotif causés par ce grave malentendu.

« Avec du recul, je me demande : si j’étais arrivé trois jours plus tard, est-ce que quelqu’un aurait été en train de vivre normalement sa vie dans notre appart ? », se demande Justin Roy-Brousseau.

« Peut-être qu’il y avait déjà une annonce en ligne, poursuit-il, mais ça, on ne le saura jamais. »

Rectificatif
Ce texte a été modifié afin de préserver l'identité des propriétaires.