Il a fallu trois ans pour préparer l’importation d’une tonne et demie de cocaïne valant 100 millions retrouvée à bord d’un voilier incendié au large de la Martinique en juillet 2018. Un documentaire, qui vient d’être diffusé en France et auquel La Presse a collaboré, révèle que les deux Québécois qui étaient à bord devaient être payés au moins 400 000 $ chacun pour ce périlleux voyage.

Une offre à ne pas refuser

Le 24 juillet 2018, les images d’un renommé voilier du Vendée Globe, contenant 1,5 tonne de cocaïne et en flammes dans les eaux de la Martinique, font le tour du monde.

Son capitaine et son matelot : Martin Lepage et Langis Bélanger, respectivement un ancien ambulancier et un ex-caporal du Royal 22e Régiment originaires de la Gaspésie et du Bas-du-Fleuve.

C’est vers le milieu de 2016 qu’une connaissance de Martin Lepage, qui sait que ce dernier fait de la voile, communique avec lui et lui demande d’effectuer, pour une somme d’environ 400 000 $, le transport de 300 kilogrammes de cocaïne.

Lepage refuse au départ, mais change d’idée, pour des raisons familiales, mais aussi parce qu’il vient de démarrer une entreprise et croit que cette somme pourra l’aider.

Il dit à sa conjointe qu’il veut acheter un voilier pour le retaper et le revendre avec profit, pour sa retraite.

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La petite annonce de mise en vente du Livie

Au terme de ses recherches, Lepage trouve sur l’internet un voilier de 18 mètres à vendre en Bretagne : le Livie, qui a déjà fait le Vendée Globe à quelques reprises.

De l’argent de l’autre bout du monde

En janvier suivant, Lepage fait évaluer le bateau et l’achète pour 135 000 euros en disant à son ancien propriétaire, le skipper Raphaël Dinelli, qu’il rêve de faire le Transat Québec–Saint-Malo.

Les fonds proviennent de trois sociétés de la Chine, de la Turquie et de Dubaï, « signalées et connues des autorités », qui les suspectent « de masquer des transactions commerciales réalisées avec des sociétés en Iran pour contourner l’embargo sur certaines activités dans le pays », lira-t-on plus tard dans des documents judiciaires français.

Durant les mois suivants, Lepage fait réparer et aménager le bateau dans un chantier breton à des coûts supplémentaires de 273 000 euros. L’argent provient d’une société de Dubaï et d’une somme de 65 000 euros en espèces que lui a livrée un inconnu dans un hôtel parisien.

Deux ans plus tard, après son arrestation, Lepage dira aux policiers français que les coûts ont été assumés par l’organisation criminelle qui l’a embauché, un investissement total donc d’au moins 410 000 euros (600 000 dollars canadiens) pour un projet qui avortera.

Martin Lepage nous a expliqué que les fonds étaient des fonds canadiens et qu’il allait passer par un courtier en devises car c’était plus rentable par rapport au taux de change, ce qui explique pourquoi nous n’avons pas été méfiants envers ces sociétés.

Le courtier français en bateaux d’occasion avec qui Lepage a fait affaire et qui a requis l’anonymat

Un marin atypique

Le Livie est ensuite conduit à la marina Port la Forêt, en Bretagne. Il est sorti de l’eau et rénové.

Martin Lepage, par sa gentillesse, s’est fait de nombreux amis à Port la Forêt et a attiré la sympathie dans son projet de remise en état d’un ancien 60 pieds. Plusieurs coureurs lui ont fait des cadeaux de matériel. À titre personnel, j’ai invité Martin chez moi et je n’ai jamais eu de doutes sur ses activités. Il était affable, sympathique et attachant avec son accent québécois.

L’expert français qui a évalué le Livie pour Lepage et qui a requis l’anonymat

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Le Livie

Il avait toujours les poches pleines de billets de coupures différentes. Je lui ai souvent posé la question : “Que veux-tu faire avec ce bateau ?” Il m’a répondu qu’il voulait que le bateau aille vite et j’ai vite compris qu’il ne fallait pas que je pose trop de questions. J’ai commencé à avoir la trouille.

Le Français qui a fait les travaux sur le voilier et qui a ensuite refusé d’accompagner Lepage en Martinique, car il avait des soupçons

En juin 2017, un ancien militaire québécois, qui n’est pas Langis Bélanger, rejoint Lepage. Le Livie est prêt à prendre la direction de la Martinique, mais en raison de son inexpérience sur un tel bateau, Lepage requiert les services d’un skipper français. Suspicieux, celui-ci acceptera de les accompagner jusqu’aux îles Canaries seulement.

« Quand on a vendu le Livie, c’était très émouvant. On a fait comprendre à Martin que c’était une partie de notre vie qui partait », raconte Raphaël Dinelli, ancien propriétaire du Livie et participant au Vendée Globe. Celui-ci a ensuite déchanté.

« Il avait le profil pour faire des croisières, mais pas du tout le niveau. Après une traversée, il n’a pas voulu rester dans le bateau, comme tous les marins. Il voulait une chambre d’hôtel et une douche. Ça m’a paru bizarre et ça m’a choqué. »

Le skipper qui a fait une partie de la traversée avec Lepage a aussi été surpris du comportement atypique du marin Lepage et de son coéquipier ex-militaire.

« J’étais assez étonné que tout ce qu’il y avait à bord, c’était un magazine sur les Harley-Davidson. Et tout ce dont ils parlaient, c’était de chasse et de motos. À bord, l’équipement n’était pas terrible, le radeau n’était pas aux normes, pas de cartes, pas de radar. Pour moi, c’était de l’inconscience et le côté aventurier. Concernant son argent, il m’a dit qu’il avait fait de super placements. Ça m’a embêté de quitter le bateau, car il était super, mais ça ne m’a pas embêté de quitter l’équipage. »

Du plomb dans l’aile

L’embarquement de la cocaïne au large du Venezuela doit se faire durant l’été, mais Lepage et son matelot attendent le signal qui ne viendra pas.

En septembre commence la saison des ouragans. Lepage ne veut plus courir de risque ; il met son voilier à l’abri, retourne au Québec pour s’occuper de son entreprise naissante et annonce même au courtier français en bateaux usagés qu’il veut revendre le Livie au prix de 300 000 euros.

« Ma femme n’aime pas ça du tout et demande que je reste à la maison un peu plus », lui écrit-il.

Portrait des deux Québécois

Martin Lepage, 58 ans

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Martin Lepage

  • Lieu de naissance Sainte-Anne-des-Monts, Gaspésie
  • Diplômé en électronique et en coiffure, a travaillé dans la construction et comme ambulancier durant 26 ans
  • Victime de harcèlement scolaire, il était bagarreur lorsqu’il était jeune adulte.
  • Amateur de voile
  • L’un de ses fils a été assassiné en Gaspésie, vraisemblablement pour une affaire de drogue, en janvier 2020.
  • Son père est mort de causes naturelles durant son incarcération.

Langis Bélanger, 60 ans

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Langis Bélanger

  • Lieu de naissance Saint-Cléophas, Bas-Saint-Laurent
  • Diplômé en mécanique automobile, a occupé des boulots dans la construction, la vente de vêtements et l’immobilier
  • Militaire, dans la marine de 1985 à 1990, dans l’infanterie, au 22e régiment, de 2007 à 2014 
  • Il a fait deux missions en Afghanistan, a subi un choc post-traumatique et reçoit une pension du gouvernement du Canada.
  • Frère de Réal Bélanger, arrêté par la GRC en compagnie de Raymond Desfossés, dirigeant d’un réseau d’importateurs de cocaïne.
  • Un hypervigilant dont le retour à la vie normale est difficile après l’adrénaline du terrain, selon un psychologue qui l’a rencontré.

« Tu n’as pas l’choix »

Les mois passent. Au printemps 2018, le commanditaire du projet d’importation communique avec Martin Lepage et lui demande de nouveau de transporter de la cocaïne du Venezuela vers le Québec. La drogue devra être livrée à deux miles nautiques du phare du Cap-de-la-Madeleine, à Sainte-Madeleine-de-la-Rivière-Madeleine, en Gaspésie, où des individus arrivés en zodiac récupéreront la cargaison.

« Il m’a dit qu’il y aurait 1300 invités au mariage. J’ai alors compris qu’il était question de 1,3 tonne et non de 300 kilos. Je lui ai dit que ça ne me tentait plus, que je venais de démarrer une petite entreprise, mais il m’a répondu : “ Tu n’as pas l’choix ” », racontera plus tard Lepage aux policiers français.

En juin 2018, Martin Lepage se rend à Fort-de-France, où se trouve le Livie, cette fois-ci en compagnie de Langis Bélanger, qu’il n’a vu que trois fois dans le passé.

Les deux hommes partent à destination de la Grenade et des côtes du Venezuela à bord du voilier le 7 juillet.

Comme dans les films

La rencontre avec les trafiquants au large du Venezuela doit avoir lieu à 23 h le 16 juillet, mais en raison des vents défavorables, Lepage et Bélanger arrivent au point de rendez-vous le lendemain matin, à 8 h.

Lepage appelle le commanditaire avec un téléphone satellite et lui annonce qu’il n’y a personne et qu’ils vont partir.

« Non, reste là, ils vont arriver dans une demi-heure », répond l’autre.

Un bateau de pêche jaune avec cinq ou six personnes à bord est arrivé. Ils nous ont lancé une corde pour attacher le bateau à l’arrière du voilier. Un des individus a plongé et nagé jusqu’à nous avec une corde. Les autres ont commencé à jeter les ballots et à les charger sur le pont du voilier. Moi, je les poussais dans le cockpit, pour les faire tomber en bas, pour que Langis les mette dans les ballasts, avec l’autre individu.

Martin Lepage, dans un interrogatoire

Trois quarts d’heure plus tard, Lepage et Langis font voile vers le Canada. « Saviez-vous ce que vous transportiez ? », ont demandé les enquêteurs à Lepage durant un interrogatoire.

« On n’allait pas là pour chercher des framboises », a répondu Lepage.

À l’abordage

Deux jours plus tard, à 0 h 35 le 19 juillet, dans les eaux internationales à l’ouest de Saint-Martin, le Livie est repéré par les douaniers français qui envoient un bateau pour l’intercepter.

Une heure et demie plus tard, en pleine nuit, les douaniers effectuent une tentative d’abordage, sous les projecteurs de leur vedette. Mais les vagues sont hautes sur la mer agitée. Un douanier a failli y perdre la vie.

Les douaniers nous ont tendu une perche. Ils ont essayé trois ou quatre fois sans succès de nous aborder. Il y a même l’un d’eux qui est resté accroché là où il y a des cordes. On l’a secouru et remis dans leur bateau. Ils ont décidé de nous suivre et d’attendre au lendemain matin pour nous aborder vu l’état de la mer. Ils nous ont interdit de lever la voile.

Langis Bélanger, dans un interrogatoire

Les douaniers ordonnent aux deux hommes de se diriger vers Saint-Martin. Le lendemain, Lepage leur demande s’ils veulent de nouveau aborder le Livie, mais les douaniers répondent que non et qu’ils se contentent de les suivre. Les deux Québécois comprennent qu’ils sont en eaux troubles.

Il est 9 h 45.

L’enfer sur mer

Il y a 160 litres d’essence sur le voilier. Bélanger déverse leur contenu et met le feu. Lepage lance à la mer le téléphone satellite et l’appareil de type BlackBerry qu’il utilisait pour communiquer avec son commanditaire.

Interception du Livie par les douaniers français

« Langis a alors paniqué. Il a dit que son frère s’était déjà fait attraper dans des trafics de drogue. Mais je savais que le bateau était insubmersible, j’avais les papiers et les tests. Il voulait détruire le bateau et la marchandise. Je lui ai dit : “ Fais ce que tu veux. ” Les autorités étaient déjà là. Je n’allais rien faire pour risquer ma vie », relatera Martin Lepage.

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE D’UNE VIDÉO DES DOUANES FRANÇAISES

Langis Bélanger et Martin Lepage, sur leur embarcation de secours, quelques secondes avant d’être secourus et interpellés par les douaniers.

Les douaniers, qui suivent le Livie de loin, le voient s’embraser. Dans les heures suivantes, ils récupèrent Lepage et Bélanger, qui s’étaient réfugiés sur l’embarcation de secours. Les deux hommes ont attrapé un coup de soleil.

Vers 16 h, l’incendie éteint, les pompiers de la frégate de marine nationale Germinal et les douaniers mettent pour la première fois le pied sur le pont du Livie carbonisé, mais toujours à flot.

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Les douaniers français se préparent à aborder le Livie après avoir éteint l’incendie.

À 16 h 50, 53 ballots, pesant au total 1538,5 kilogrammes, de cocaïne sont découverts dans deux cavités du voilier. Le mot Plata apparaît sur les paquets.

Lepage et Bélanger sont aussitôt arrêtés. Ils seront accusés plus tard de plusieurs chefs en lien avec l’importation et le transport d’une importante quantité de cocaïne.

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Les paquets de cocaïne découverts à bord du Livie

« On ne donnera pas de noms »

Les deux hommes ont d’abord menti aux enquêteurs. Bélanger a notamment dit qu’il ignorait que le Livie transportait de la cocaïne, qu’il a décidé de vérifier le bateau après la première tentative d’abordage des douaniers, qu’il a découvert la drogue, qu’il a paniqué et mis le feu au bateau.

Mais lors des interrogatoires suivants, ils ont tout avoué en refusant toutefois de donner les noms des commanditaires.

« Pour ma sécurité et celle de ma famille, je ne donnerai pas de noms. Il n’y a que deux personnes qui étaient en contact avec moi et je ne les connais pas beaucoup. Je ne sais pas ce qui pourrait m’arriver. Ça pourrait être très dangereux pour moi étant donné les quantités que nous avons perdues », dira Lepage aux policiers français.

« Pour l’instant, je ne sais pas ce qui se passe au Canada. Partout dans le monde, dans des histoires comme celle-là, des gens perdent la vie. J’ai peur pour ma santé et ma sécurité », renchérira Langis Bélanger.

Loin des leurs

En attendant le processus judiciaires, qui est prévu à Fort-de-France, Martin Lepage et Langis Bélanger sont incarcérés au Centre pénitentiaire de Ducos, considéré comme ayant les pires conditions en Martinique, avec des problèmes de surpopulation et de violence entre détenus de gangs différents.

« Je dors mal et je mange mal », dira Lepage aux autorités.

Il demande de pouvoir être détenu dans un hôtel et de faire du bénévolat, « pour donner un sens à [sa] vie ».

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Martin Lepage lors de son arrestation

Lepage « s’accroche » en allant à la messe tous les dimanches au pénitencier. Il s’implique ensuite dans les activités organisées par l’aumônier, allant même jusqu’à jouer de la musique avec des instruments locaux durant les célébrations. Il est surnommé « le boss » par les autres détenus.

Il apprend qu’il a un cancer durant son incarcération.

« J’ai des problèmes de santé et souhaite sortir pour effectuer un suivi médical, car ma détention a repoussé de nombreux examens. C’est ma femme qui m’envoie des sous. Je n’ai pas de contact avec ma famille sauf avec celle-ci au téléphone. Je n’ai pas eu de contact avec ma famille depuis 19 mois, c’est dur », dira Lepage à son avocate, qui fera une demande pour que les membres de sa famille puissent le visiter.

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Langis Bélanger lors de son arrestation

Quant à Langis Bélanger, pour lui aussi le temps est long. « D’abord, je te souhaite un beau temps des Fêtes. La santé est bonne ? Vas-tu tendre des collets à lièvres ? Moi, ça va. Ils me nourrissent et je survis. Ce n’est pas le nirvana mais ça va. Mes journées sont assez simples : lever à 6 h 30-6 h 45. Je me fais un café et ensuite je fais des push-ups ou des abdos en attendant la promenade. Je me tape 5 kilomètres de course question de garder le cardio. Je passe 22 heures sur 24 dans ma cellule. Pas besoin de te dire que le temps passe tranquillement. La pêche et la chasse, tout ça me manque. Je n’ai pas encore de date pour passer en cour mais bon, ça fait partie de la game et c’est fait de même pour nous jouer dans le mental », écrira Langis Bélanger à son frère Réal le 13 décembre 2018.

Des démarches infructueuses

Les avocats de Lepage et Bélanger ont présenté une requête visant à faire annuler les poursuites, plaidant des irrégularités dans l’arraisonnement du Livie, en vain.

Les autorités françaises ont demandé et obtenu de la Gendarmerie royale du Canada le profil d’une demi-douzaine de Québécois qui ont gravité autour des deux hommes à l’époque du complot, mais personne d’autre n’a été arrêté et accusé.

La France a aussi fait des demandes de commissions rogatoires internationales avec le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, les Émirats arabes unis, la Turquie, la Chine et Hong Kong qui sont restées lettre morte.

Chanceux dans leur malchance

Devant l’impasse, la France a réalisé qu’elle ne pouvait remonter jusqu’aux commanditaires. Prouver un complot fomenté par une association de malfaiteurs et un trafic au profit d’une bande organisée devenait plus difficile et elle a diminué le niveau de gravité des chefs d’accusation. Au surplus, les accusés n’étaient pas français et la drogue, pas destinée à l’Hexagone.

Alors qu’ils risquaient 30 ans d’emprisonnement au départ, Lepage et Bélanger ont été respectivement condamnés à sept ans et à cinq ans, le 11 juin 2020, à l’issue d’un procès de deux heures tenu le jour même.

Ils ont obtenu leur libération conditionnelle à la moitié de leur peine et après trois ans et trois mois d’emprisonnement, Lepage est revenu au Québec libre comme l’air le 5 octobre 2021, et Bélanger bien avant.

Une interception nébuleuse

Près de cinq ans après les évènements, les circonstances de l’interception demeurent obscures.

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Dans son communiqué officiel dévoilant cette spectaculaire affaire publié le 24 juillet 2018, le ministère de l’Action et des Comptes publics de la France écrit que la saisie « couronne une enquête de plusieurs mois » menée par la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, avec le concours de la direction garde-côtes Antilles-Guyane.

Dans une lettre datée d’avril 2019, le Ministère écrit que le dossier du Livie a conduit les douanes à solliciter un contrôle pour les raisons suivantes : le voilier a une forte capacité d’emport et une vitesse rapide, que l’une de ses destinations enregistrées, la Grenade, est « particulièrement sensible » en matière de trafic de stupéfiants et enfin, que le bateau a quitté la Martinique alors que la météo était défavorable.

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Les paquets de cocaïne saisis sur le pont du bateau
des douaniers français

Pourtant, l’avocate française de Lepage a déclaré lors d’une rencontre avec des officiers de justice « que les autorités canadiennes ont refusé de collaborer, car ce sont elles qui auraient dû intercepter le bateau ».

« Les autorités canadiennes savaient qu’il y avait ce transport. On nous a envoyés comme des agneaux à l’abattoir. Ils se sont foutus de nous », a accusé Bélanger après son arrestation.

Les autorités n’ont jamais pu remonter jusqu’aux commanditaires, mais Langis Bélanger a dit aux policiers français qu’il avait été recruté, pour son projet, par son frère Réal.

En 2003, Réal Bélanger avait été arrêté en compagnie de plusieurs individus, dont le caïd Raymond Desfossés, à la suite d’une enquête baptisée Calvette au cours de laquelle la GRC a saisi un bateau transportant 750 kilogrammes de cocaïne dans la mer des Caraïbes.

Des sources policières au Québec ont confié à La Presse que la drogue aurait été destinée aux Hells Angels.

Le crime ne paie pas

Aux policiers français, Lepage et Bélanger ont dit qu’ils n’avaient jamais été payés pour leurs services. Martin Lepage s’est même retrouvé avec des dettes et a dû vendre de la machinerie pour pouvoir payer ses avocats.

« C’est le prix à payer quand tu manques ton coup », a-t-il déclaré dans le documentaire diffusé en France à Canal+.

Si ce n’était que ça. Son fils a été tué pour une affaire de trafic de drogue, son père est mort de cause naturelle et sa femme l’a quitté durant sa détention.

« C’est une erreur de parcours. Je suis revenu d’Afghanistan avec un stress post-traumatique. J’ai dit oui à des stupidités », a déclaré Langis Bélanger, en pleurs.

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La drogue saisie chargée à bord d'un camion
par les douaniers français

Lepage, qui aurait déjà possédé des voiliers dans le passé, nie avoir fait d’autres voyages de drogue.

« J’ai travaillé toute ma vie pour sauver des vies. Je n’ai pas de dossier criminel et je ne fais pas partie d’une organisation criminelle. C’est une participation isolée. Je ne voulais faire de mal à personne et je n’ai aucune intention de recommencer. Je le regrette et j’aurais dû rester chez moi », a renchéri Lepage.

« Il en ressort que le nommé Lepage Martin était un piètre marin, peu passionné par les bateaux et l’esprit de la mer, qu’il n’avait qu’une idée en tête, alléger le bateau au maximum, faire deux couchettes dans les anciens ballasts et une trappe au-dessus du pont, pour passer des choses. »

C’est ainsi que l’affaire est résumée dans des documents judiciaires français.

Le document français sur cette histoire intitulé Une tonne cinq sera diffusé en quatre épisodes, à compter de lundi soir, à 21 h à TV5.

Pour joindre Daniel Renaud, composezle 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.