Nathasha Côté, son conjoint et leurs quatre enfants vivent à l’hôtel depuis le 1er juillet

La famille de Nathasha Côté est sans logis depuis le 1er juillet. Comme 38 autres ménages à Montréal, elle dispose de deux mois en hébergement temporaire pour trouver un logement avant qu’on lui demande de payer un loyer. Un poids lourd à porter.

Assise dans sa chambre d’hôtel, Nathasha Côté s’effondre en larmes à l’idée de perdre la garde de ses enfants. « Je ne sais honnêtement pas comment y arriver sans eux », souffle-t-elle. À ses côtés, ses deux filles l’écoutent attentivement, alors que les plus petits courent un peu partout dans la pièce étroite à la recherche d’espace pour jouer.

La femme de 30 ans, enceinte, angoisse à l’idée qu’on lui retire ses enfants. Heureusement, il n’est pas question de séparer la famille pour l’instant. La mère est toutefois consciente qu’être sans logis, ce n’est pas une option avec quatre gamins.

Nathasha, son conjoint et leurs enfants sont hébergés dans un hôtel du centre-ville de Montréal grâce à l’Office municipal d’habitation (OMH). Après deux mois, la famille devra payer un montant mensuel de 805 $, selon la nouvelle réglementation de la Société d’habitation du Québec. Pour Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), il s’agit d’un « recul inédit depuis la mise en place des programmes d’aide d’urgence ».

Ce décompte rend Nathasha Côté très anxieuse, alors qu’elle cherche un nouveau toit depuis six mois déjà.

  • Nathasha Côté s’effondre en larmes à l’idée de perdre la garde de ses enfants. Elle craint que son incapacité à trouver un logement la force à se séparer d’eux.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Nathasha Côté s’effondre en larmes à l’idée de perdre la garde de ses enfants. Elle craint que son incapacité à trouver un logement la force à se séparer d’eux.

  • La famille de Natasha Côté doit vivre à six à l’hôtel.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    La famille de Natasha Côté doit vivre à six à l’hôtel.

  • Les quatre enfants ont peu d’espace pour s’amuser.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Les quatre enfants ont peu d’espace pour s’amuser.

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« Je supplie des propriétaires à ce point-ci », dit-elle en anglais, fixant les murs beiges qui l’entourent.

Vivre à l’hôtel à six

Pour plusieurs, un séjour à l’hôtel rime avec vacances et détente. Ce n’est pas le cas pour la famille de Nathasha Côté.

« C’est sûr que ce serait mieux si les enfants avaient une chambre à part où dormir et jouer, mais je ne peux pas me plaindre en ce moment », explique la jeune mère. Elle était d’ailleurs agréablement surprise d’avoir accès à une cuisine, ce qui change la donne, même si les armoires sont presque vides.

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Le plus jeune garçon, 2 ans, s’amuse avec une louche dans la chambre dénuée de jeux.

On y trouve quelque chose comme six verres, un chaudron et quatre assiettes, mais au moins, Nathasha Côté n’est pas obligée de commander un souper à l’extérieur chaque soir. « C’est vraiment mieux que rien », souligne-t-elle.

Depuis le 1er juillet à Montréal, le nombre de ménages sans logis qui ont besoin d’un service d’aide ne cesse d’augmenter. En date du 10 juillet, le FRAPRU en recensait 123. La famille de Nathasha Côté compte parmi les 38 ménages hébergés temporairement avec l’aide de l’OMH.

Une fois à l’hôtel, le défi de trouver un logement à long terme perdure.

Pour les grandes familles, c’est particulièrement difficile parce que les logements familiaux disponibles sont souvent hors de prix.

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

Pour l’instant, les membres de la famille de Nathasha Côté doivent s’entasser les uns sur les autres et sortir très souvent pour permettre aux enfants de jouer librement. Le père des enfants essaie aussi de dénicher un emploi depuis l’hôtel, une recherche qui n’est pas simple avec quatre petits dans les pattes. Devant l’impossibilité de trouver une place en garderie pour ses deux plus jeunes, âgés de 2 et 3 ans, l’homme restait à la maison pour s’occuper d’eux avant que toute la famille soit hébergée temporairement.

Pour arriver à joindre les deux bouts, Nathasha cumulait jusqu’à tout récemment trois emplois, ce qui l’aidait à améliorer sa condition, mais pas à trouver un logement : « Je ne comprends pas pourquoi c’est aussi difficile. Je ne veux pas acheter. Je veux juste louer. »

Évincée

La route de Nathasha Côté et ses proches n’est pas sans embûches. En avril 2021, la famille a déménagé à Shawinigan dans l’espoir d’une vie plus abordable. Mais quand son automobile a arrêté de fonctionner, il n’était alors plus possible pour Nathasha, qui était notamment livreuse pour UberEats et DoorDash, de circuler aisément si loin d’un grand centre. En octobre 2022, elle et son conjoint ont donc décidé de revenir à Montréal.

Lorsque la jeune mère a informé son dernier propriétaire de son mauvais crédit, elle lui a proposé de payer deux mois de loyer en contrepartie. Ce dernier a alors accepté qu’elle signe le bail. « Je payais mon loyer dix jours en avance », ajoute-t-elle.

Mais en janvier, un avis d’éviction attendait la famille de six.

« Depuis, je cherche un logement sans arrêt », relate Nathasha Côté.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Nathasha Côté et sa famille ont reçu un avis d’éviction en janvier 2023.

Durant la dernière année passée dans l’appartement, le climat de méfiance est devenu insoutenable pour Nathasha Côté. La SPCA est souvent venue faire son tour (Nathasha était propriétaire de plusieurs animaux, dont elle s’est débarrassée pour faciliter sa recherche de logement). « Des dossiers qui ont toujours été fermés », faute de problèmes réels, estime-t-elle.

La police a également visité la famille à plusieurs reprises, pour des plaintes de bruit.

« C’est devenu tellement stressant à la fin que je voulais déménager », explique la jeune femme.

Nathasha Côté a finalement appelé le 311, son « dernier espoir ».

Un mauvais crédit

L’enquête de crédit plombe toujours la recherche de logement de Nathasha Côté. Son cas n’est pas une exception, souligne Marine G. Armengaud, organisatrice communautaire au comité Base pour l’action et l’information sur le logement social (BAILS), qui accompagne la famille dans ses recherches.

Le crédit est l’une des raisons qui permettent de refuser des locataires, même si les personnes n’ont pas de dossier au Tribunal administratif du logement pour non-paiement de loyer. C’est discriminatoire pour les personnes marginalisées.

Marine G. Armengaud, organisatrice communautaire, Base pour l’action et l’information sur le logement social

« Ce n’est pas parce que tu as un mauvais crédit que tu ne peux pas payer ton loyer. C’est parce que tu priorises ce qui est le plus important : le loyer, l’Hydro, l’épicerie », soulève Nathasha Côté.

Pour subvenir aux besoins de sa famille, l’ancienne prestataire de l’aide sociale a déjà renoncé à son rêve de devenir infirmière. Aujourd’hui, elle repart à sa poursuite. Cet été, elle profite de son congé de maternité pour suivre les cours préalables, histoire de décrocher un emploi qui n’est pas payé au salaire minimum.

« Je ne peux pas imaginer être sur l’aide sociale maintenant. Ce serait pire de chercher un logement, parce que c’est déjà tellement difficile quand tu as un travail », souligne Nathasha Côté, qui garde espoir de trouver un toit pour les siens.