Comme prévu, le ministère des Transports du Québec a procédé mardi matin au démantèlement du campement de sans-abri installé depuis plusieurs années sous l’autoroute Ville-Marie, près du centre-ville de Montréal.

Le MTQ affirme que l’éviction des campeurs était nécessaire pour lui permettre d’entreprendre d’importants travaux sur la structure du viaduc.

Même s’il avait été prévenu depuis longtemps, Jacco Stuben se désolait d’être ainsi délogé de l’endroit où il vivait depuis plus de 10 ans, dans une grande tente entourée d’un amoncellement d’objets hétéroclites et de déchets amassés au fil des années.

« Ils ont jeté toutes mes affaires, » déplorait-il, alors qu’une chargeuse et des camions entraient sur le site pour nettoyer ce qui restait du campement. « Je suis à la rue, je n’ai aucun endroit où rester. Ce n’est pas juste qu’on se fasse jeter dehors. »

En fait, il a pu entreposer certaines de ses possessions dans des conteneurs mis à la disposition des campeurs par le MTQ.

Démantèlement du campement sous l’autoroute Ville-Marie
  • PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

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Comme plusieurs autres sans-abri qui logeaient sur le site, Jacco Stuben a entrepris, avec l’aide de l’organisme Résilience Montréal, des démarches pour trouver un appartement grâce au Programme de soutien au loyer (PSL) du gouvernement du Québec. Ce programme prévoit que les locataires démunis ne paient que 25 % de leur revenu en loyer, mais la crise du logement rend difficiles les recherches d’appartements.

Selon Marie-Pier Therrien, de l’organisme Mission Old Brewery, des solutions ont été trouvées pour reloger sept campeurs, mais dix autres attendent toujours de trouver un appartement. Par ailleurs, trois personnes qui vivaient dans le campement ont refusé de l’aide pour trouver du logement.

Certains campeurs avaient déjà quitté les lieux pour installer leur tente ailleurs, dans des boisés, des terrains vagues ou des édifices abandonnés du secteur, indique David Chapman, directeur de Résilience Montréal. « En refoulant les gens hors du campement, on les met en danger parce qu’ils vont s’efforcer d’être invisibles et se retrouver seuls. Nous aurons ainsi plus de mal à les joindre pour leur proposer de l’aide, » dit-il.

« Il faut plus de logements subventionnés au Québec et il faut de meilleures mesures intermédiaires dans le processus, poursuit M. Chapman. Jeter les gens à la rue pour protéger les institutions, ça protège l’image des politiciens, mais ça n’aide pas du tout les personnes marginalisées. Elles risquent de mourir tranquillement dans un coin, et ça sera une ligne dans le journal. »

Mardi matin, très tôt, les quelques campeurs restants étaient affairés à ramasser leurs affaires pour les entreposer dans des conteneurs amenés sur place par le MTQ.

Puis, à 9 h précises, une chargeuse est entrée sur le site pour finir de nettoyer l’endroit.

Des manifestants portant une banderole clamant « Non aux évictions » scandaient des slogans, alors que plusieurs policiers empêchaient les médias d’accéder au campement.

L’expulsion des sans-abri du terrain a donné lieu à une bataille judiciaire. Les campeurs avaient d’abord été avisés en novembre dernier qu’ils devraient quitter les lieux en raison du chantier de 36 millions sur trois ans prévu par le MTQ. Le ministère avait ensuite accepté de laisser les sans-abri passer l’hiver sur les lieux.

En mars, alors qu’un nouvel avis d’éviction a été émis, la Clinique juridique itinérante a poursuivi le gouvernement au nom des campeurs, afin qu’on leur laisse jusqu’au 15 juillet pour partir.

Les campeurs ont fini par perdre leur cause en appel la semaine dernière, mais en raison des délais occasionnés par les diverses procédures, la date de l’éviction a finalement été fixée à ce mardi.

Lors des procédures judiciaires, l’avocate représentant le MTQ avait mentionné que les coûts des retards dans les travaux, occasionnés par la présence du campement, étaient évalués à 2 millions.

Dans sa décision en Cour supérieure, même s’il a donné raison au gouvernement, le juge Pierre Nollet avait souligné que ces fonds publics auraient pu être utilisés pour loger les sans-abri.

Même si toute la procédure d’éviction relève du MTQ, l’opposition à l’hôtel de ville estime que l’administration de la mairesse Valérie Plante aurait dû agir dans ce dossier pour trouver des solutions.

« C’est à elle de trouver un toit adapté pour les personnes qui ne cadrent pas dans les critères des refuges d’urgence. La mairesse doit arrêter d’agir comme spectatrice et trouver rapidement une solution pour les personnes qui se retrouvent sans aucune alternative aujourd’hui, » soutient Benoit Langevin, porte-parole d’Ensemble Montréal en matière de lutte à l’itinérance.

L’opposition souligne que la Ville de Montréal possède des pouvoirs particuliers en itinérance dans le cadre de l’entente Réflexe Montréal, mais qu’elle ne s’en sert pas suffisamment.