Une semaine après la présentation d’une nouvelle mouture 100 % souterraine du REM de l’Est, évaluée à 36 milliards, un ancien membre du comité d’experts du projet appelle à recentrer les efforts. Il suggère à Québec et à Montréal de commencer par un « REM rose », qui irait du centre-ville jusqu’au nord-est de la métropole, un tracé s’apparentant au projet de ligne rose de Valérie Plante, dont la facture serait de 17 à 24 milliards environ.

« Il faut commencer avec ce qui fait consensus », explique à La Presse Christian Savard, qui est aussi directeur général de l’organisme Vivre en Ville.

Dans un webinaire tenu mardi, M. Savard n’a pas caché sa déception face au rapport final sur le Projet structurant de l’Est (PSE). « Ce rapport, pour moi, il a semé la consternation et la confusion. Ça fait en sorte qu’aujourd’hui, on est probablement plus loin d’un projet qu’on l’était il y a un an et demi », soutient-il.

La Presse avait révélé début juillet que le comité derrière le projet recommande un tracé de Pointe-aux-Trembles au cégep Marie-Victorin, dans Montréal-Nord, avec deux points de correspondance à la ligne verte du métro, en plus d’un prolongement de quatre stations vers Rivière-des-Prairies, Laval et Charlemagne. Les experts plaident pour une voie 100 % souterraine. La facture finale atteindrait 36 milliards. Livré en 2036, le projet ferait 34 km et l’achalandage, en pointe du matin, serait de 29 000 passagers.

Coup sur coup, dans les jours qui ont suivi, le premier ministre François Legault et la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, ont martelé qu’il faudrait réduire les coûts. M. Legault a même déploré que le mandat initial du comité était d’évaluer « une petite partie » en souterrain, et non l’entièreté.

Solution « REM rose »

Pour « reprendre le contrôle », Christian Savard propose aujourd’hui un « REM rose » qui, comme la ligne rose, partirait du centre-ville de Montréal pour aller jusqu’au nord-est de l’île, soit dans Montréal-Nord ou Rivière-des-Prairies, voire jusqu’à Saint-François, à Laval. Il passerait par plusieurs quartiers densément peuplés, comme Rosemont ou le Plateau-Est. Le projet serait toujours en souterrain, « parce que c’est justement la partie où tout le monde est d’accord pour que ce le soit », affirme M. Savard.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Christian Savard

Le tracé pourrait se connecter à la ligne bleue du métro, dont le prolongement jusqu’à Anjou doit être terminé d’ici 2029. « C’est quelque chose qui est mûr, que les acteurs veulent, qui va aller chercher beaucoup d’achalandage. Et en plus, ça contribuerait même à désengorger la ligne orange. Pour nous, c’est vraiment la voie à suivre pour reprendre l’initiative rapidement », persiste le DG de Vivre en Ville.

À court terme, ce dernier n’inclurait pas toutefois la branche vers Pointe-aux-Trembles dans ce « tracé prioritaire ». « Il y a encore des enjeux d’insertion et ça fait moins l’unanimité. On a besoin d’un peu plus de réflexion pour ce segment », estime-t-il.

En date de 2020, la facture de la ligne rose de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, était évaluée à 17 à 24 milliards de dollars. Selon Christian Savard, la facture d’un REM rose serait « dans ces eaux ».

« Ça va être cher, mais la décision qu’on doit prendre, c’est de savoir si on veut que le transport collectif devienne une option dans des milieux denses conçus pour le recevoir. C’est un choix de société », avance-t-il. À ses yeux, « il ne faut pas compter en nombre de milliards actuels », mais plutôt « en nombre de milliards qu’on n’a pas mis depuis 40-50 ans ».

Vivre en Ville appelle aussi à une « conversation apaisée » sur les projets de transport collectif en aérien. « Je ne crois pas qu’on puisse faire uniquement du souterrain. Pour l’instant, c’est une conversation très émotive et souvent liée au “pas dans ma cour ». Mais c’est un mode légitime. Et le rejeter de la manière que le fait le dernier rapport, c’est un manque de responsabilité », plaide M. Savard.

Plus d’usagers pour exo ?

Par ailleurs, exo a tenu des consultations publiques le printemps dernier dans Vaudreuil-Soulanges et Laurentides–Terrebonne-Ouest, où le REM doit être inauguré d’ici la fin de 2024. Des chiffres consultés par La Presse montrent que plus de 50 % des usagers – sur un échantillon de 1100 répondants sondés en ligne – comptent utiliser davantage les transports en commun après l’arrivée du train léger.

Celui-ci forcera, comme au sud, une refonte complète du réseau d’exo qui devrait être officialisée à l’automne. Exo compte notamment y bonifier de nombreuses lignes locales, comme ça a été le cas sur la Rive-Sud, dans les secteurs Chambly-Richelieu-Carignan et Le Richelain/Roussillon.

« On veut créer une couronne de connexion sur la Rive-Nord. C’est quelque chose qu’il n’y a pas en ce moment », affirme le conseiller stratégique à la refonte des réseaux chez exo, Vincent Pelletier-Bonenfant. Il soutient que le nouveau réseau facilitera les déplacements sur l’axe nord-sud, entre Saint-Jérôme et le métro de Laval, mais aussi d’est en ouest. « Le but, c’est de créer une armature solide sur laquelle on pourra ensuite continuer de développer de nouvelles lignes. La refonte n’est pas une fin. On met des bases solides pour la suite », glisse le conseiller.