Le constructeur du Réseau express métropolitain (REM) a été reconnu coupable, le printemps dernier, d’au moins dix infractions aux lois sur la santé et la sécurité du travail, en plus de recevoir trois nouvelles contraventions, a appris La Presse.

Ce qu’il faut savoir

NouvLR, constructeur du REM, a été reconnu coupable d’au moins dix infractions au printemps 2023.

La CNESST a dû ordonner l’arrêt de certains chantiers – arrêts obligatoires qu’a enfreints à deux reprises NouvLR.

Les « situations de non-conformité sont récurrentes » chez NouvLR, selon un inspecteur, qui s’est par ailleurs plaint d’entrave à son travail.

Après les explosifs dans le tunnel sous le mont Royal, ce sont notamment les travaux d’installation des lignes électriques qui ont créé des situations dangereuses pour les travailleurs du consortium NouvLR.

Au moins trois accidents impliquant des véhicules ferroviaires partant à la dérive ont eu lieu, et la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a dû ordonner l’arrêt de certains chantiers pendant plusieurs semaines, selon des rapports d’intervention et des constats d’infraction obtenus en vertu de la loi sur l’accès à l’information.

NouvLR a d’ailleurs violé à deux reprises ces arrêts obligatoires. Le consortium a été mis à l’amende pour ces faits.

Au total, la CNESST lui a réclamé près de 40 000 $ au fil des constats d’infraction.

« Je suis très déçu. Un constat d’infraction, ça ne vient jamais après une seule intervention, ça vient après un cumul d’interventions pour un même élément », a réagi Simon Lévesque, de la FTQ-Construction, qui représente beaucoup de travailleurs sur les chantiers du REM. La reprise de travaux arrêtés sans l’accord de la CNESST, « ça, c’est inacceptable », a-t-il ajouté.

Avec tous les gens qui sont là en santé/sécurité au travail sur le chantier, ils ne peuvent surtout pas dire qu’ils ne le savaient pas.

Simon Lévesque, de la FTQ-Construction

NouvLR a refusé la demande d’entrevue de La Presse. Par courriel, le consortium a affirmé prendre au sérieux la santé et la sécurité du travail et a relativisé la quantité d’infractions commises.

« Le processus d’infractions est une pratique courante dans l’industrie de la construction et, pour NouvLR, doit être compris dans le contexte d’un projet hors du commun qui se déploie sur plus de 30 chantiers, œuvrant en parallèle sur plus de 67 kilomètres, sur lesquels plus de 3000 personnes ont travaillé plus de 30 millions d’heures, a indiqué le porte-parole Marc-André Lefebvre. NouvLR collabore pleinement et activement avec les inspecteurs de la CNESST dédiés au projet. »

Non-conformités « récurrentes »

En janvier 2022, La Presse rapportait que l’année 2021 avait été marquée par des problèmes de santé et de sécurité du travail liés aux explosifs (centenaires et contemporains) dans le tunnel sous le mont Royal. L’an dernier, le chantier a progressé, et ce sont notamment les travaux d’installation des lignes électriques qui ont causé des problèmes, selon les rapports de la CNESST.

Ainsi, le 5 septembre dernier, un engin roulant de travail utilisé à cette fin « s’est trouvé à la dérive sur une des voies du pont Samuel-De Champlain », a « pris de la vitesse » pour atteindre 50 km/h, et frappé un dérailleur avant de finir sa course en « rentrant en collision avec un autre équipement », détaille la CNESST dans un rapport du surlendemain. Des arpenteurs travaillant tout près « ont été bénis » de s’en sortir indemnes, selon Simon Lévesque, de la FTQ-Construction.

Dans son rapport, l’inspecteur du travail Paul Dupont souligne que dans les 18 mois précédents, « au moins deux autres accidents impliquant des équipements ferroviaires » à la dérive ont eu lieu. Il a aussitôt ordonné l’arrêt des travaux sur les lignes aériennes d’alimentation des trains (caténaires) « sur l’ensemble des 67 km du chantier ». Les travaux n’ont pu reprendre qu’un mois plus tard, une fois un plan de redressement adopté.

PHOTO FOURNIE PAR LA CNESST

Des travaux effectués près de lignes à haute tension sans les autorisations nécessaires d’Hydro-Québec, le 31 mai 2022, entre les futures stations Bois-Franc et Sunnybrooke

Trois mois auparavant, le même inspecteur du travail bloquait pendant plusieurs semaines différents chantiers sur le futur tronçon Deux-Montagnes du REM, insatisfait des conditions de sécurité dans lesquelles ils se déroulaient.

Par exemple :

  • une fosse profonde n’était pas adéquatement protégée contre les risques d’éboulement (montant total réclamé par la CNESST de 6535 $) ;
  • des travaux se faisaient près de lignes à haute tension d’Hydro-Québec sans les autorisations appropriées (montant total réclamé par la CNESST de 3826 $) ;
  • un soudeur ne portait pas l’équipement requis et son dossard portait des marques de gouttelettes de métal en fusion :
  • des « travaux à chaud » étaient effectués sans les permis nécessaires.

Ces « situations de non-conformité sont récurrentes », a-t-il déploré, faisant référence à des reproches semblables formulés dans le passé. La prise en charge « est faible » et « nécessite une attention immédiate ».

L’inspecteur du travail Dupont s’est aussi plaint d’entrave à son travail par un superviseur du REM, qui a refusé de le laisser inspecter une zone du chantier en lui cadenassant une clôture au nez.

Pis encore : les chantiers de NouvLR se sont réactivés en juillet, sans l’autorisation de la CNESST. Des amendes ont suivi (deux fois 2728 $ réclamés).

PHOTO CNESST

Un trou creusé sans les renforcements nécessaires et au bord duquel se trouve de la machinerie, le 31 mai 2022, entre les futures stations Bois-Franc et Sunnybrooke

La CNESST a refusé la demande d’entrevue de La Presse.

« La santé et sécurité des travailleurs sur les chantiers du REM est une priorité pour CDPQ Infra », a indiqué la porte-parole Emmanuelle Rouillard-Moreau, par courriel. « Nous continuerons d’assurer un suivi rigoureux et récurrent auprès de NouvLR. »

« NouvLR prend acte de chacun de ces constats comme des voies d’amélioration de son programme-cadre de prévention en santé-sécurité, a ajouté le consortium. Il est au cœur de nos valeurs d’apprendre de nos erreurs, en tirer les enseignements et nous améliorer au quotidien. »