Un bâtiment en ruine acheté par la Ville de Montréal crée l’inquiétude au centre-ville : il a brûlé à cinq reprises dans les cinq dernières années.

Un gratte-ciel de près de 600 condos situé à un jet de pierre craint qu’un nouvel incendie puisse se propager et appelle l’hôtel de ville à prendre ses responsabilités.

Le 1300-1330, rue Saint-Antoine Ouest a été acquis par la Ville de Montréal en 2017 pour y faire du logement social. Depuis, son état se dégrade rapidement, alors que le projet de transformation prend la poussière.

Entre-temps, l’immeuble donne du travail aux pompiers. Beaucoup de travail. « Le Service de sécurité incendie de la Ville de Montréal a répondu […] à cinq incendies importants au 1300-1330, rue Saint-Antoine, soit les 23 mars 2018, 28 juillet 2019, 10 juin 2021, 13 juin 2021, ainsi que le 28 juin 2022 », a indiqué la relationniste Kim Nantais, par courriel.

En mars 2018, environ 100 pompiers ont combattu les flammes. La stabilité de la structure a été affectée. En 2022, 90 pompiers ont dû intervenir. Des squatters pourraient être en cause.

Notre demande d’entrevue avec l’état-major des pompiers a été refusée.

« Après l’incendie de juin 2022, la Ville y a réalisé des travaux de sécurisation, de protection et de nettoyage après l’incendie qui se sont terminés le 7 février 2023 », a expliqué Mme Nantais, toujours par courriel. « La Ville de Montréal vise [à] vendre les bâtiments à un OBNL pour l’aménagement de logements sociaux et abordables d’ici 2024. […] Depuis l’acquisition, des démarches ont été entamées avec des partenaires du milieu, mais le sous-financement chronique de nouveaux projets dans AccèsLogis n’a pas permis de concrétiser un projet. »

« Ça peut nous affecter »

Le 1300-1330, rue Saint-Antoine Ouest, à l’angle de la rue de la Montagne, est situé dans un emplacement stratégique : le Centre Bell est son voisin de biais et deux stations de métro se trouvent à moins de cinq minutes de marche.

Un autre voisin direct : la Tour des Canadiens 3, un géant de 53 étages et 168 mètres érigé à quelques dizaines de mètres, juste de l’autre côté de la rue de la Montagne.

« C’est quand même préoccupant. On est directement en face », a dit Renaud Bourassa, gestionnaire de la tour, en entrevue avec La Presse. « [Un incendie en face], c’est sûr que ça peut nous affecter. » « Juste l’année dernière, un feu s’est déclaré au mois de juin et a créé énormément de fumée aux alentours », a-t-il ajouté, décrivant les ennuis causés au système de ventilation du gratte-ciel.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

L’incendie de juin 2022, en face de la Tour des Canadiens 3

La Tour des Canadiens 3 compte 576 condos.

« Il va falloir qu’il y ait des actions qui soient prises, parce que ça ne peut pas rester dans cette condition-là éternellement, a continué M. Bourassa. Dans le paysage, ça détonne. »

« Montréal devrait donner l’exemple », dit l’opposition

L’opposition officielle à l’hôtel de ville s’inquiète aussi pour les voisins du bâtiment désaffecté.

« Le bâtiment appartient à la Ville et il y a une responsabilité qui lui incombe. La Ville de Montréal devrait donner l’exemple », a affirmé Abdelhaq Sari, porte-parole en matière de sécurité publique. « On l’appelle à prendre ses responsabilités, surtout que ces feux-là sont répétitifs. Cinq feux en cinq ans, on s’entend que c’est quand même énorme. […] Je ne trouve aucun élément qui peut expliquer cette négligence. »

La Ville de Montréal avait acheté le 1300-1330, rue Saint-Antoine Ouest pour 5,5 millions des promoteurs de la Tour des Canadiens 3, dans le cadre de l’entente qui leur permettait de construire leur gratte-ciel.

Sa valeur marchande avait été estimée à seulement 3,5 millions, mais la Ville semblait rassurée par le fait qu’il avait été acquis 10 ans plus tôt pour 6,6 millions.

« Le potentiel actuel permet la construction d’environ 150 logements, notaient les fonctionnaires de la Ville en 2017. Les coûts de démolition des bâtiments sont évalués à 156 000 $, tandis que ceux pour la décontamination des sols ainsi que le retrait de matériaux contaminés dans les bâtiments sont estimés à 777 500 $. »