Deux jours après leur disparition, les corps des deux pompiers portés disparus dans le secteur de Saint-Urbain ont été retrouvés mercredi dans la rivière du Gouffre, non loin de Baie-Saint-Paul. Une enquête est toujours en cours sur les circonstances entourant cette affaire.

L’équipage de l’hélicoptère de la Sûreté du Québec a localisé un premier corps peu avant 10 h, mercredi, dans le secteur de Saint-Urbain. D’après nos informations, il s’agit de Régis Lavoie, pompier âgé de 55 ans, mais le corps policier soutient que l’identification devra d’abord « être effectuée à la satisfaction du coroner ». Les proches de la victime ont toutefois été avisés.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Les recherches ont mené à la découverte des corps des deux pompiers disparus lors des inondations ayant frappé Saint-Urbain.

En fin de journée, les autorités ont annoncé avoir localisé un deuxième corps vers 13 h 30, à proximité d’où le premier avait été retrouvé. Ce serait celui de Christopher Lavoie, 23 ans, dont la famille a également été informée. Comme le premier, ce second corps a été retrouvé dans la rivière qui longe le rang Saint-Laurent, plus précisément entre la route 138 et le rang Sainte-Croix.

« Selon toute vraisemblance, il pourrait s’agir des deux personnes disparues dans le même secteur, depuis lundi dernier », a confirmé la sergente Béatrice Dorsainville.

Dans un communiqué, la SQ a également précisé que « les deux victimes ont été retrouvées à une distance approximative de 500 mètres l’une de l’autre », ajoutant au passage que « la forte crue des eaux a apporté une complexité d’accès au secteur où ont été localisés les deux corps ».

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Des sauveteurs sécurisent le corps d’un des deux pompiers pour le transporter.

Les corps étaient en effet difficiles d’accès en raison du courant toujours assez fort dans le secteur. Des secouristes ont été déposés en hélicoptère pour sécuriser les corps, puis les ont déplacés dans un lieu sûr. « Nous poursuivons notre enquête sur les causes et circonstances entourant cet évènement et travaillons en étroite collaboration avec différents partenaires, dont la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) », a insisté Mme Dorsainville.

Consternation

Vers 14 h lundi, Christopher Lavoie et Régis Lavoie avaient été emportés par les eaux alors qu’ils tentaient d’aider des résidants aux prises avec les inondations à Saint-Urbain, une petite localité située à une demi-heure au nord de Baie-Saint-Paul.

À noter, les deux hommes n’ont aucun lien de parenté.

Le père de Christopher, Davy Lavoie, avait fortement dénoncé mardi que « des personnes ont envoyé » son fils « dans une rivière, dans une chaloupe, quand il ne savait même pas nager ».

Christopher Lavoie était pompier volontaire depuis un an et demi, affirme son père. Régis Lavoie, lui, l’était depuis une vingtaine d’années, a pu confirmer La Presse. « Il adorait ce métier-là. […] Je comprends l’adrénaline de mon fils, mais à quel point a-t-il été influencé dans ces décisions ? Qui va aller prendre la responsabilité de tout ça ? », s’était notamment interrogé Davy Lavoie en entrevue, plus tôt cette semaine.

Présent à Baie-Saint-Paul, le premier ministre du Québec, François Legault, a aussi réagi sur les réseaux sociaux. « On va être là pour aider la population et les sinistrés, a-t-il gazouillé. On a aussi perdu deux hommes. Je pense aux familles et aux proches. Courage. »

Le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, a réagi sur Twitter en écrivant : « De tout cœur avec les deux familles qui ont perdu leurs proches. Le Québec en entier vous envoie leurs pensées. Les pompiers font un sacrifice énorme et je serai toujours reconnaissant du travail qu’ils effectuent avec courage. »

Le drame a fait réagir jusqu’à Montréal, où la mairesse Valérie Plante s’est émue : « Nos cœurs accompagnent la famille, les proches et la communauté qui pleurent la mort des deux pompiers volontaires, emportés par les eaux. C’est d’une tristesse sans nom. »

« Des leçons à tirer »

Pour André Bourassa, vice-président par intérim de la Fédération québécoise des intervenants en sécurité incendie, il s’agit d’une autre « perte » pour les pompiers québécois. « Nos pensées accompagnent évidemment les familles. Personne ne devient pompier dans le but d’aller perdre sa vie. On veut plutôt tout faire pour aider les autres », regrette-t-il au bout du fil.

Ça fait plusieurs pompiers qu’on perd dans la dernière année et demie, après Montréal, Québec, le Lac-Saint-Jean et maintenant Charlevoix. C’est vraiment malheureux.

André Bourassa, vice-président par intérim de la Fédération québécoise des intervenants en sécurité incendie

M. Bourassa affirme que son groupe « laissera le temps à l’enquête de se terminer » avant de faire davantage de commentaires, ou de recommandations. « Ce qui est indéniable, cela dit, c’est qu’il y aura des leçons à tirer de tout ça », souligne-t-il.

D’autres observateurs ont clairement évoqué mercredi le manque de formation des pompiers en situation de grandes inondations. En point de presse, le premier ministre François Legault n’a d’ailleurs pas exclu de revoir la formation des pompiers. « Il faut se poser des questions et nous allons faire les analyses nécessaires », a-t-il brièvement expliqué, sans s’avancer davantage.

Les recherches pour retrouver les deux pompiers avaient été entamées dès lundi par la SQ, avec l’appui des Forces armées canadiennes. Une vingtaine de patrouilleurs à pied et en véhicule tout-terrain, un hélicoptère, des embarcations, un drone et des plongeurs ont aussi été déployés par le corps policier à cette fin, avait indiqué la sergente Dorsainville à ce moment.

La ville de Baie-Saint-Paul avait été coupée en deux à la suite d’une crue historique, lundi. Près de 1000 personnes se sont retrouvées isolées. En après-midi, mardi, le pont Leclerc a toutefois été rouvert à la circulation, faisant en sorte que la ville n’est dorénavant plus scindée en deux.

Avec la collaboration de Charles Lecavalier et de Lila Dussault, La Presse