Toujours menacés d’expulsion, les sans-abri qui campent sous l’autoroute Ville-Marie obtiennent un nouveau sursis jusqu’au 15 juin.

La juge Suzanne Courchesne, de la Cour supérieure, a demandé lundi au ministère des Transports du Québec (MTQ) de laisser les campeurs vivre sur son terrain jusqu’à cette date, dans une décision rendue au palais de justice de Montréal, qui entérinait une entente conclue avec les représentants du groupe d’itinérants.

Par ailleurs, le MTQ a soumis un plan pour commencer dès maintenant à effectuer les travaux sous le viaduc de l’autoroute, malgré la présence du campement, dans des zones où il n’y aura pas d’enjeu de sécurité. Les zones de travaux seront protégées par des clôtures.

« C’est une nouvelle victoire. Ça nous donne du temps pour continuer de négocier avec le gouvernement du Québec pour arriver à une solution humaine pour ces gens-là, » a souligné le directeur de la Clinique juridique itinérante, MDonald Tremblay, qui représente les campeurs.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Me Donald Tremblay

« Il faut les loger. Ce ne sont pas des chiens errants ou des chats errants, ce sont des gens qui ont des problèmes de santé très graves, qui ont besoin d’être aidés. Il faut se demander, comme société, comment on aide les gens les plus vulnérables. »

Une quinzaine de sans-abri vivent depuis plusieurs mois, et certains depuis plusieurs années, dans des tentes sous l’autoroute, à l’intersection de l’avenue Atwater, près du centre-ville de Montréal.

Le MTQ veut les expulser pour effectuer des travaux à cet endroit. Un premier avis d’expulsion avait été signifié aux campeurs en octobre dernier, puis reporté en mars. Mais la Clinique juridique itinérante s’est adressée au tribunal au nom des sans-abri pour retarder leur éviction. Ils avaient obtenu un premier sursis jusqu’au 12 avril, qui fut prolongé jusqu’au 22 avril, puis finalement jusqu’au 15 juin.

Créer un précédent

En mars, le MTQ s’était engagé dans une entente à discuter des façons de trouver des logements pour les campeurs, adaptés à leurs besoins. Mais à ce jour, aucune solution n’a été trouvée par le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île de Montréal, qui est chargé de l’enjeu de l’itinérance dans ce secteur, déplore l’avocat de la Clinique juridique itinérante, Éric Préfontaine. Selon MPréfontaine, une intervention politique « aiderait certainement » à dénouer l’impasse.

« Le gouvernement semble craindre de créer un précédent en trouvant des solutions spécifiques pour ces 15 à 20 personnes, mais en même temps, il y a des coûts associés au retard que prend le chantier de construction, fait-il remarquer. Alors il serait beaucoup moins coûteux de trouver une solution que de continuer d’ajouter des délais, qui coûtent cher aux contribuables québécois. C’est dommage. »

MDonald Tremblay a affirmé qu’il avait confiance que le gouvernement serait de bonne foi dans sa volonté d’aider les campeurs.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Michel Chabot

Michel Chabot, un homme de 58 ans souffrant d’un cancer, qui vit dans le campement depuis 10 mois, se montrait aussi optimiste en sortant de la salle d’audience. « La solution pour moi serait d’avoir un logement subventionné, a-t-il confié. Je suis une personne malade, j’ai besoin d’aide, je ne peux pas m’en sortir tout seul. »

M. Chabot avait une rencontre prévue lundi avec des intervenants du CIUSSS pour discuter d’une solution qui serait adaptée à ses besoins. « On ne peut pas mettre 15 personnes, dont une femme enceinte, à la rue. On est déjà dans la rue ! », a-t-il fait remarquer. « On a sauvé des chevreuils à Longueuil, on devrait être capables de sauver des êtres humains à Montréal ! »

Les dirigeants de l’organisme Résilience Montréal, qui offre des repas et du soutien aux campeurs, déplorent de leur côté le manque de volonté du gouvernement de discuter avec leurs intervenants, qui connaissent bien le groupe et leurs besoins.

« Pour ces gens, il est très difficile d’obtenir de l’aide, et ils ne font pas confiance à n’importe qui », explique Maggie Chittspattio, une intervenante de Résilience Montréal. « Ils préfèrent rester en contact avec une personne avec qui ils ont un lien de confiance. Si on doit les envoyer vers un autre intervenant qu’ils ne connaissent pas, ils vont peut-être refuser. »

Résilience Montréal a proposé un plan d’action de 2,6 millions sur cinq ans pour reloger les campeurs en tenant compte de leurs besoins, mais il n’a pas obtenu de réponse du gouvernement à ce sujet.