« Si on n’était pas allés voir mon père, il serait peut-être mort », laisse tomber Carlos Martinez. Quelques heures plus tôt, il avait trouvé son père assoupi chez lui, la cuisinière au gaz allumée, alors qu’il tentait de se réchauffer.

Heureusement, l’octogénaire se porte bien, précise Carlos Martinez.

La Presse l’a croisé, samedi, au Centre récréatif de Beaconsfield, où il passait une troisième journée consécutive avec sa conjointe, Marianne Kwiatkowski, et leurs quatre enfants.

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Marianne Kwiatkowski

Près de 132 000 foyers demeuraient privés d’électricité vers 22 h, et au moins 100 000 clients pourraient devoir attendre jusqu’à lundi pour retrouver le courant, prévient Hydro-Québec.

À Montréal, les résidants de l’Ouest-de-l’Île étaient parmi les derniers à être rebranchés, samedi soir. Pour certains, l’attente est devenue insupportable.

Plus tôt dans la journée, Carlos Martinez et sa conjointe ont rendu visite à son père qui manquait lui aussi de courant, à Pierrefonds. Ils l’ont trouvé assoupi sur le sofa, la cuisinière au gaz allumée.

« Imaginez combien de personnes font ça ! On sait que c’est dangereux, mais on le fait quand on a froid », déplore Marianne Kwiatkowski.

Plus d’une centaine de personnes ont été transportées à l’hôpital à Montréal et à Laval pour y traiter des symptômes d’intoxication au monoxyde de carbone, selon Urgences-santé.

Samedi, la Santé publique de Montréal a pris soin de diffuser un avis précisant que « le monoxyde de carbone est une menace pour votre santé même à un faible niveau d’exposition ».

Rappelons qu’un homme a perdu la vie vendredi par intoxication au monoxyde de carbone, alors qu’il tentait de se réchauffer, à Saint-Joseph-du-Lac. « Un décès de trop », a affirmé le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon.

Encore des clients dans le noir

Hydro-Québec prévoyait avoir rebranché un million de ses clients dès minuit samedi, environ 72 heures après qu’un important épisode de pluie verglaçante eut plongé plus de 1,1 million de foyers dans le noir mercredi.

Près de 120 000 clients demeuraient privés d’électricité vers minuit dimanche, alors qu’environ 1500 employés d’Hydro-Québec s’employaient sur le terrain à les rebrancher.

« On tombe vraiment dans la partie de notre plan où on va commencer à rétablir des pannes où moins de clients sont touchés. Le rythme de rétablissement va diminuer. Les pannes pourraient devenir plus longues à réparer dans des secteurs plus difficiles d’accès », a indiqué le directeur, contrôle du système énergétique à Hydro-Québec, Maxime Nadeau, en point de presse.

Afin de donner un coup de pouce aux Québécois privés de courant depuis longtemps, les épiceries, supermarchés compris, sont autorisées à ouvrir ce dimanche, même s’il s’agit d’un jour férié.

Des jeux et des cartes

À Beaconsfield, samedi, une quarantaine de personnes, dont des enfants et des aînés, profitaient de l’électricité au centre d’hébergement d’urgence.

Parmi elles, Janice Taylor consulte son téléphone pleinement chargé. La nuit précédente, elle a dormi sur l’un des lits de campement offert par le centre, et elle s’apprête à le faire cette nuit encore.

« Je dormais chez moi avec une tuque, des gants, le nez congelé. C’était trop dur », raconte-t-elle avec le sourire.

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Janice Taylor, préparant son café au Centre récréatif de Beaconsfield, samedi

Ici, on se réveille, et le café est prêt. Les employés de la ville font un excellent travail.

Janice Taylor

Seul bémol : elle a découvert le centre d’hébergement par hasard, l’information ayant été communiquée par courriel, inaccessible sans internet, déplore-t-elle. « Ce matin, j’ai informé tous mes voisins, de porte en porte. Personne ne savait », affirme Mme Taylor.

Plus loin, Danny Huang joue aux cartes avec sa femme et ses adolescentes. « On tue le temps ! », lance-t-il. Au moins, ici, il peut parler plus fort qu’à la bibliothèque, ajoute-t-il.

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Des enfants se divertissent comme ils peuvent au Centre récréatif de Beaconsfield.

Au total, 129 personnes, dont 50 familles, ont passé la nuit de jeudi à vendredi dans l’un de ces refuges, à Montréal.

Retomber en panne

Aux clients frustrés d’avoir perdu l’électricité de nouveau, Maxime Nadeau d’Hydro-Québec confirme que cela peut malheureusement se produire en cas de rebranchements majeurs.

« Ça arrive quand on rebranche des clients interrompus durant une longue durée. Ça demande plus d’électricité, donc ça peut générer un bris supplémentaire qu’on doit réparer sur le réseau », a-t-il indiqué samedi.

La région de Montréal demeure la plus touchée par ces pannes, avec plus de 30 000 clients sans chauffage ni électricité.

Les trois autres régions les plus touchées sont l’Outaouais, avec près de 15 000 clients touchés, la Montérégie, avec plus de 13 000 affectés, et Laval, avec plus de 9 000 clients dans le noir.

En mêlée de presse à Montréal, le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, a annoncé une aide financière pour aider les villes touchées par les pannes dans la mise en place de services d’urgence.

Il a aussi reconnu que la situation n’était pas facile pour les gens qui n’ont plus d’électricité depuis bientôt quatre jours.

« On a appris des situations d’urgence, comme la pandémie, donc on a pu mettre des mesures en place pour répondre à leurs besoins, pour qu’ils puissent se réchauffer, alimenter leurs appareils électriques et même dormir à l’intérieur », a-t-il souligné lors de son passage au Centre lasallien, qui sert de refuge temporaire dans le quartier Saint-Michel.

« On fait le maximum pour rendre la vie un peu plus agréable, mais je sais que toute personne veut être rebranchée le plus rapidement possible. »